Qualcomm/NXP : autorisation sous condition d'une concentration conglomérale

09.04.2018

Gestion d'entreprise

En autorisant, après examen approfondi, le rachat de NXP par Qualcomm sous réserve du respect d'engagements, la Commission semble confirmer qu'en matière de concentration conglomérale, le principe deviendrait presque l'exception.

Dans une décision en date du 18 janvier 2018, dont un résumé a été publié au JOUE du 27 mars, la Commission a une nouvelle fois illustré une tendance qui s’est renforcée depuis mars 2016 : une extrême attention aux scénarios de verrouillage dans les opérations conglomérales (Communiqué de presse n° IP/16/425 de la Commission, 25 févr. 2016, aff. Dentsply/Sirona ; Communiqué de presse n° IP/16/1462 de la Commission, 20 avr. 2016, aff. Worldline/Equens/PaySquare ; Communiqué de presse n° IP/16/4284 de la Commission, 6 déc. 2016, aff. Microsoft/Linkedin ; Communiqué de presse n° IP/17/1309 de la Commission, 12 mai 2017, aff. Broadcom/Brocade).

Dans un communiqué en date du 26 septembre 2017, la Commission avait indiqué que cet attrait pour les questions de verrouillage était une « coïncidence ». Pourtant, l’autorisation sous condition de l’opération Qualcomm/NXP semble bien confirmer a minima un intérêt bien ancré. En principe, d’après les lignes directrices de 2008 sur les concentrations non horizontales, les opérations conglomérales ne soulèvent, dans la plupart des cas, pas de problèmes de concurrence. Dans certains cas cependant, elles peuvent avoir des effets restrictifs de concurrence.

Dans l’affaire Qualcomm/NXP, si les deux parties avaient des positions relativement importantes sur des marchés affectés horizontalement, ce sont les risques d’effets congloméraux qui ont principalement posé des difficultés. La Commission indique en effet que l’opération soulève des préoccupations de concurrence en ce qui concerne les semi-conducteurs destinés aux appareils mobiles et en particulier les chipsets de bande de base, la technologie de communication en champ proche (Near Field Communication - NFC) et des éléments sécurisés (SE), la technologie des services de transit et les droits de propriété intellectuelle liée à la technologie NFC.

La Commission a tout d’abord considéré que la nouvelle entité allait avoir la capacité d’augmenter le prix des licences pour la technologie MIFARE de NXP et rendre plus difficile l’accès des concurrents à cette technologie. Cette dernière est une plateforme technologique de sécurité sans contact utilisée pour le paiement et la collecte de tickets par les autorités de transport en Europe. Afin de résoudre cette préoccupation de concurrence, Qualcomm s’est engagée à offrir des licences MIFARE pour une durée de 8 ans dans des termes au moins aussi avantageux que ceux existants.

Deuxièmement, la Commission a considéré que la nouvelle entité serait en mesure de dégrader l’interopérabilité des chipsets de bande de base et les NFC et SE de NXP avec les produits concurrents. La Commission a ainsi estimé qu’il existait un risque que les fabricants de smartphone privilégient les produits de la nouvelle entité par rapport à ceux de ses concurrents. Afin de résoudre cette préoccupation de concurrence, Qualcomm s’est engagée à octroyer pendant 8 ans le même niveau d’interopérabilité entre les différents produits.

Enfin, la Commission a conclu que la nouvelle entité allait détenir un important portefeuille de droits de propriété intellectuelle en lien avec la technologie NFC. Un tel portefeuille allait augmenter le pouvoir de négociation de la nouvelle entité et risquait de provoquer une hausse du prix des licences pour les brevets liés à cette technologie. Qualcomm s’est alors engagée à ne pas acquérir certains brevets essentiels et non essentiels en lien avec la technologie NFC. Tout en acceptant de n’acquérir que certains des brevets non-essentiels en lien avec la technologie NFC, Qualcomm a également accepté de ne pas revendiquer les brevets NFC à l’encontre d’autres entreprises sauf à des fins défensives (en tout état de cause, l’inverse s’apparenterait à un possible abus) et à consentir une licence mondiale à titre gratuit sur ces brevets.

C’est sous réserve du respect de ces engagements, que la Commission a donné son feu vert à l’opération.

 

Fayrouze Masmi-Dazi, Avocat associée, Artemont AARPI

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