Qualité de vie au travail : "Les branches professionnelles doivent produire des outils et une méthodologie"

Qualité de vie au travail : "Les branches professionnelles doivent produire des outils et une méthodologie"

15.06.2018

Gestion du personnel

La 15e Semaine de la qualité de vie au travail se déroule du 11 au 15 juin 2018. La négociation sur la QVT peine à décoller que ce soit dans les entreprises ou les branches. Olivier Mériaux, directeur technique et scientifique de l'Anact, en analyse les raisons et l'importance pour les acteurs sociaux de s'emparer du sujet, même en sortant du cadre formel de la négociation.

Le terme de "qualité de vie au travail" est-il réellement le plus adapté. Ne faudrait-il pas plutôt parler de "conditions de travail "?

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Le terme de "conditions de travail" est daté. Il fait implicitement référence à des déterminants et des contraintes physiques dans un environnement de travail industriel. Il ne permet pas de prendre en compte les évolutions intervenues dans le contenu même du travail, en particulier sa dimension de plus en plus immatérielle et relationnelle, et l'importance de la dimension subjective. La perception individuelle de faire ou pas un "bon travail" est souvent déterminante dans la manière de juger ses "conditions de travail".

Il est vrai, toutefois, que le terme de "qualité de vie au travail" - traduction approximative du concept anglo-saxon de "quality of working life" - présente des ambiguïtés. Il peut même être trompeur s’il amène à orienter l’action sur ce qui est périphérique au travail plutôt que sur l'activité elle-même et le sens du travail. Personnellement, j’ai le sentiment de mieux faire comprendre ce que revêt la QVT quand je parle de "qualité du travail et des conditions dans lesquelles il se réalise".

La CFTC propose d'installer la commission de suivi prévue par l'ANI du 19 juin 2013 sur la qualité de vie au travail ? Quel premier bilan dressez-vous de cet accord ?

L’ANI de 2013 prévoyait effectivement une commission de suivi qui ne s’est jamais réunie, faute de volonté partagée par l’ensemble des signataires. Il prévoyait également une évaluation de sa mise en œuvre qui n’a pas eu lieu pour la même raison. Malheureusement c’est assez symptomatique du portage somme toute assez limité de la thématique de la QVT dans la sphère du dialogue social. Cette proposition a le mérite de relancer le débat, même si les juristes se demanderont comment réunir une commission de suivi deux ans après que l’accord soit devenu caduc, puisqu’il avait été signé pour trois ans….

A défaut d’une évaluation en bonne et due forme, l'Anact a dressé en 2016 un état des lieux de la négociation au sein des entreprises. Elle a mis en exergue les accords portant les engagements les plus ambitieux mais il a surtout confirmé la difficulté des acteurs du dialogue social à se saisir du sujet.  Il n'y a pas eu réellement de dynamique d'apprentissage et d'appropriation de la qualité de vie au travail telle que définie par l'ANI, qui se positionnait à rebrousse-poil du cliché que l'on peut avoir de la QVT. Cette vision systémique et décloisonnée, qui mettait l’accent sur l’importance d’associer les salariés à la transformation des organisations, a pu effrayer et dérouter les acteurs des entreprises "biberonnées" au découpage des sujets, à l'instar de la NAO, et donc peu habituées aux interactions entre les différentes dimensions de la QVT et la performance de l'entreprise. Au demeurant, le choix, assez circonstanciel, d’adjoindre la dimension "égalité professionnelle" au sujet déjà très vaste de la qualité de vie au travail n’a pas forcément aidé en termes de lisibilité.

On peut donc avoir le sentiment que la négociation sur la qualité de vie au travail n'a pas beaucoup prospéré dans les entreprises, hormis au sein de celles qui étaient déjà convaincues et qui avaient une ingénierie sociale suffisante. Mais c’est une perception diffuse qui demanderait à être mieux étayée par une évaluation rigoureuse et cela ne signifie pas que l’intégration de la QVT n’ait pas pas progressé dans les pratiques, en dehors du cadre de la négociation.

La loi Rebsamen du 17 août 2015 a-t-elle facilité les discussions en regroupant les négociations obligatoires en trois blocs dont l'un porte sur la qualité de vie au travail ?

Le principe de regrouper les négociations obligatoires et - depuis les ordonnances Travail - de permettre aux entreprises de négocier "à la carte" les thématiques et la durée des accords va bien dans le sens de l’approche systémique portée par l’ANI de 2013. Cela étant, on peut se demander si le fait d’inscrire une liste limitative de sujets recommandés  dans un bloc "égalité professionnelle/qualité de vie au travail" ne réduit pas  le champ par rapport à ce que prévoyait l'ANI. Tout ce qui était réellement novateur dans l'accord, à savoir la conduite de la transformation et l'appropriation par les salariés, n’est pas présent dans cette QVT version "code du travail".

Les ordonnances prolongent l'existant ; elles conservent les mêmes items de la négociation obligatoire mais ouvrent aussi des perspectives intéressantes sur le droit d’expression collective et la régulation de la charge de travail pour les salariés au forfait-jour, qui constitue aujourd’hui un sujet de préoccupation majeure pour les RH et certainement un nid à contentieux demain. Mais on peut craindre que dans la dynamique voulue en matière de négociation d'entreprise, et compte tenu de l’ampleur des transformations à digérer, la QVT soit le sujet que les entreprises aborderont en dernier ; elles ont aujourd'hui d'autres priorités comme le CSE.

Les branches professionnelles ne peuvent-elles impulser cette dynamique ?

Pour l'heure, l'activité dans les branches professionnelles reste modeste et elles cherchent encore leur rôle sur ce sujet dans la nouvelle architecture de la négociation collective. Pourtant, elles peuvent encore avoir un rôle normatif, car à défaut d’accord d’entreprise ce seront les stipulations de l’accord de branche qui s’appliqueront.

Surtout, elles peuvent avoir un rôle très utile pour produire des outils, des ressources, une méthodologie pour faire face à des sujets complexes comme le droit à la déconnexion ou la charge de travail en matière de forfait-jours. Dans ces domaines, les entreprises peuvent prendre de gros risques juridiques avec l'obligation de sécurité de moyens - très renforcée - qui pèse sur elles.

Finalement, la qualité de vie au travail doit-elle être un objet de négociation d'entreprise ?

Pas forcément, et surtout pas uniquement ! Le formalisme de l'accord n'est pas toujours ce qu'il faut rechercher en premier ; c'est pour cela d'ailleurs qu'il y a beaucoup d'accords de méthode sur le sujet. Ils permettent de se mettre d'accord sur la façon dont les acteurs de l'entreprise vont travailler ensemble sur cette thématique plutôt que de se fixer sur la forme du résultat. Mieux vaut un accord non-signé qui produit néanmoins des choses plutôt qu’un accord signé qu’on laisse dormir.

Florence Mehrez
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