Quel accompagnement aujourd’hui pour les personnes étrangères à statut administratif précaire ?

Quel accompagnement aujourd’hui pour les personnes étrangères à statut administratif précaire ?

17.01.2017

Action sociale

Casse-tête des travailleurs sociaux, le statut administratif des personnes déboutées du droit d'asile ou en voie de régularisation semble les priver de tout droit. Pourtant, il est possible de les accompagner, même en structure. Comment et selon quelles modalités ? Éléments de réponse, modèle nantais à l'appui, lors du Congrès de la Fédération des acteurs de la solidarité.

Si les personnes étrangères dont le statut administratif est précaire peuvent difficilement accéder à un logement ou à un emploi - parce qu’elles sont en cours de demande ou parce qu’elles sont déboutées – elles ne sont pour autant pas dépourvues de droits ni de besoins. Une situation qui interroge le travail social aujourd’hui.

Les structures d’hébergement et d’accompagnement sont en effet confrontées à un paradoxe. Elles doivent d’un côté accueillir dignement et respecter les droits fondamentaux des personnes, tout en sachant que les personnes accompagnées ne resteront peut-être pas sur le territoire. Malgré cette impossibilité, dès le départ, de travailler sur le long terme, l’accompagnement peut apporter des réponses, y compris dans le cadre de structures telles que les CHRS.

Quels sont ces besoins ? Comment le travail social peut-il y répondre ? Retour sur les principaux enseignements issus de l’atelier organisé par la Fédération des acteurs de la solidarité (ex-Fnars) le 13 janvier dernier, lors de son congrès national. Un atelier qui a fait salle comble et qui a rassemblé des institutionnels, des professionnels de l'accompagnement et des personnes migrantes concernées par la thématique.

Quels besoins pour les migrants précaires ?

1 – Accéder à des soins

D'un commun accord entre les participants, après un parcours de migration difficile, l’accompagnement à des soins physiques ou psychologiques s’avère le premier besoin de la personne. Une amélioration de la santé permet à la personne de participer à la vie de la cité et de restaurer l’estime de soi. A ce sujet se pose la question de l’interprétation et de l’accompagnement sanitaire de la personne.

2 – Accéder à un compte bancaire

Même si de nombreuses banques sont rétives à ouvrir un compte bancaire aux personnes dont le statut administratif est précaire, La Poste l’accepte en revanche, sur présentation d’un titre de séjour, même temporaire, et d’une pièce d’identité.

3 – Participer à la vie sociale et gagner en autonomie

Afin que la personne étrangère sans titre de séjour ou avec un titre temporaire ne se sente pas seulement définie par son statut administratif, différentes actions d’ « empowerment » sont possibles. Le travail pair (ou pair-aidance) en est une, qui consiste à s’appuyer sur l’expertise spécifique de la personne accompagnée pour que celle-ci devienne à son tour accompagnante au sein de la structure. Une autre action porte sur le soutien à la parentalité des personnes accueillies, ce qui peut passer par une explication des règles du pays en matière de droit de l’enfant. L’apprentissage de la langue du pays d’accueil constitue également un enjeu important d’insertion. Sans oublier la reconnaissance des diplômes et de la formation de la personne étrangère. Pour cela, le Centre international d’études pédagogiques (Ciep-Enic -Naric) établit des équivalences de diplômes.

4 – Accéder aux informations nécessaires à la prise de décisions

Dès le début de son accompagnement, la personne se pose des questions sur la durée de ce suivi, sur la sortie de cet accompagnement, les perspectives… Il est important que le travailleur social informe la personne à ce sujet et l’accompagne dans la construction de son projet, afin qu’elle soit autonome dans les différents choix qui s’offrent à elle, tels que déposer une demande d’asile ou poursuivre sa migration.

5 – Le cas des mineurs non accompagnés (MNA)

La question des enfants mineurs non accompagnés s��avère compliquée de l’aveu des travailleurs sociaux et responsables de structures. Ces enfants relèvent de la protection de l’enfance même s’il ne s’agit pas des mêmes problématiques que l’aide sociale à l’enfance (ASE).

Quel est le rôle du travailleur social ?

Dans ce contexte, rappelle Nicolas Bougeard, directeur de CHRS à Nantes, le rôle du travailleur social est d'être non discriminant et d'offrir un accueil inconditionnel. Si la personne dispose d'un titre provisoire par exemple, il va s'agir de s'enquérir de son droit au travail, de lui ouvrir des droits sociaux. Le travailleur social s'adapte à la situation qu'il trouve, ce qui ne se limite pas à l'administratif. Un levier importante : construire un réseau de partenaires, publics et associatifs. "Il ne faut pas fermer la porte à des familles dont l'avenir incertain rend difficile tout projet d'insertion dans un temps limité, mais adapter l'intervention sociale en fonction des leviers possibles, des capacités de la personne et de son niveau d'autonomie.", plaide Nicolas Bougeard.

Quelles actions prioritaires mettre en place ?

1 - Etablir un diagnostic de la situation sanitaire et sociale de la personne, et de ses droits en la matière. Quelle est la place de l'enfant dans la famille ? Est-il scolarisé ? Les besoins primaires vis-à-vis de la lecture et de la nourriture sont-ils assurés ?

2 - S'appuyer sur un réseau de partenaires afin de créer des liens, diversifier les compétences et travailler à la régularisation. Des associations comme la Cimade et la Ligue des droits de l'homme disposent d'outils d'accompagnement dédiés aux personnes en situation administrative précaire.

3 - Développer les compétences des intervenants sur le droit des étrangers ;

4 - Développer des outils de veille et d'échange d'informations ;

5 - Renforcer les initiatives qui favorisent le lien social (auprès d'associations ou de centres sociaux).

 

En Loire-Atlantique, Nantes ne lâche pas les déboutés du droit d'asile

"L'accueil des personnes, même déboutées du droit d'asile, doit être inconditionnel et c'est ce que suggère le Code d'action sociale et des familles (CASF)", nous explique Nicolas Bougeard, directeur d'un CHRS associatif (L'étape) à Nantes, en référence à l'article L.345-2-2 du CASF. Comme dans d'autres domaines, le département de la Loire-Atlantique fait figure de pionnier en matière d'accueil des personnes déboutées du droit d'asile et de celles en voie de régularisation. A l'instar de l'association Saint-Benoît Labre, qui propose des lieux d'accueil et d'orientation pour les familles sans domiciliation fixe et sans titre de séjour. Le dispositif est financé par le Conseil départemental. De la même manière, les CHRS du département tels que L'étape proposent une partie de leurs logements à des familles à statut administratif précaire. Ils versent également une allocation de subsistance aux personnes déboutées ou en voie de régularisation qui ne reçoivent plus l'allocation de demandeur d'asile (ADA). "Les CHRS ont négocié avec la Direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) l'attribution de cette allocation dans un souci d'équité de toutes les personnes accueillies. Il s'agit d'une partie de nos dotations globales de fonctionnement. Théoriquement, n'importe quel CHRS en France pourrait y consacrer une ligne budgétaire, en concertation avec la DDCS dont elle dépend", plaide-t-il.

Action sociale

L'action sociale permet le maintien d'une cohésion sociale grâce à des dispositifs législatifs et règlementaires.

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Marie Pragout
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