Quel financement pour le plan national d’inclusion numérique ?

Quel financement pour le plan national d’inclusion numérique ?

22.12.2017

Action sociale

La stratégie nationale pour un numérique inclusif, que veut promouvoir Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État chargé du numérique, pose la question du financement d’une politique partagée entre de multiples parties prenantes. Plusieurs pistes consensuelles sont déjà évoquées, mais l’État devra mettre la main à la poche.

C’est la méthode participative qu’a choisie Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État chargé du numérique, pour donner le coup d’envoi de la « stratégie nationale pour un numérique inclusif », le 12 décembre dernier. Après les modestes mesures prises en septembre pour l’inclusion numérique des personnes en situation de handicap, qui portaient pour l’essentiel sur l’accessibilité des sites internet publics, c’est cette fois aux 13 millions de Français en délicatesse avec le numérique que le gouvernement entend répondre. Un chantier qui concerne aussi bien l’État que les collectivités territoriales, les grands services publics, les associations et les entreprises privées. Construite avec « l’ensemble des parties prenantes », la stratégie nationale pour un numérique inclusif repose sur une double exigence, expose Mounir Mahjoubi : « assurer l’égalité des citoyens et des territoires dans le cadre de notre pacte républicain, mais aussi participer à une stratégie économique vertueuse. »

Concrètement, une concertation va s’engager sur trois axes : le recensement des besoins, l’offre d’accompagnement au numérique dans les territoires, et enfin les financements nécessaires à un plan de soutien. Les groupes de travail chargés de creuser ces axes devront rendre leurs conclusions en mars 2018, dans l’objectif que chaque territoire soit en mesure de déployer des parcours d’accompagnement et de formation au numérique dès l’été 2018.

L’argent, nerf de la guerre

« Le sujet majeur, c’est bien sûr le financement de ce plan. Tout le monde a intérêt à ce qu’il soit financé, y compris les entreprises privées », assure Mounir Mahjoubi. Personne aujourd’hui n’est en mesure de se prononcer sur l’enveloppe à affecter, puisqu’elle compose avec des sources directement ou indirectement fléchées sur l’inclusion numérique émanant de multiples partenaires.

Quelques premiers repères ont néanmoins été apportés avec la restitution d’une étude, conduite par WeTechCare, filiale d’Emmaüs Connect, sur les moyens à mobiliser pour un dispositif d’aide aux publics en difficulté avec la e-administration (accompagnement, formation et suivi des personnes) mutualisé entre les grands opérateurs publics. Celle-ci chiffre le coût de la mise en œuvre d’un tel dispositif à 1 milliard d’euros et met en avant un retour sur investissement positif au bout de 4 ans. « Les gains considérés proviennent d’une augmentation de l’usage des procédures dématérialisées qui permettent aux opérateurs et ministères d’améliorer leur productivité », précise l’association. Selon ce scénario, l’augmentation des compétences numériques du public générerait une moyenne de quatre démarches administratives en ligne supplémentaires par usager et par an, soit un gain de l’ordre de 460 millions d’euros par an. « L’étude démontre qu’investir dans l’inclusion numérique présente un bénéfice économique conséquent », commente Jean Deydier, directeur fondateur d’Emmaüs Connect et WeTechCare, qui voit dans ces résultats « une invitation de plus à agir massivement sans attendre. »

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Un écheveau financier complexe

Pour Gerald Elbaze, co-dirigeant de Médias-Cité et pilote du groupe de travail sur le financement, l’investissement pourrait même être bien plus conséquent. « Répondre aux enjeux de la dématérialisation est un élément nécessaire, mais ce n’est pas suffisant. S’agissant d’une stratégie pour un numérique inclusif, d’autres domaines sont à penser, comme la montée en compétences à l’ère du numérique qui ne concerne pas seulement les personnes en difficulté, mais également les travailleurs sociaux. »

De fait, le groupe de travail sur le financement devra démêler un écheveau complexe, incluant le repérage des dispositifs de financement efficaces, l’évaluation de l’effort financier sous toutes ses formes consacré à l’inclusion numérique, l’identification de nouvelles sources, notamment parmi les organisations publiques et privées ayant un intérêt à la montée en compétences numériques de la population, ainsi que la définition de modèles de déploiement soutenables.

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Quelques pistes déjà pressenties

Plusieurs idées pourraient être mises sur la table à cette occasion. Comme une proposition de décret pour que les administrations et les grandes entreprises publiques qui s’engagent dans la numérisation de leurs services estiment le coût évité, puis reversent une partie en faveur de l’inclusion numérique. Des contributeurs nouveaux devraient également être sollicités, par exemple en généralisant les chèques numériques lancés à la mi-2017 pour solvabiliser des actions d’accompagnement dans le réseau de la médiation numérique, voire en ajoutant dans les délégations de service public pour le très haut débit une clause imposant aux opérateurs télécoms de participer au financement de l’inclusion numérique.

Troisième moyen consensuel : l’extension des financements européens, à l’image du Feder (fonds européen de développement économique et régional), très ouvert au numérique, mais surcalibré par rapport aux besoins des petites structures.

Au final, la facture à acquitter « ne sera pas uniquement celle de l’État », anticipe Gérald Elbaze. « L’un des enjeux est de parvenir à une alliance de toutes les parties prenantes pour réussir un numérique inclusif. Il y a une cohérence à trouver sur le financement d’une stratégie nationale intégrant des mécanismes de redéploiement des richesses, ce qui nécessite d’être très innovant. »

Un large consensus parmi les acteurs

Sur la base des préconisations, méthodes et outils produits par les groupes de travail, une déclinaison de la stratégie nationale sera ensuite assurée sur les territoires. En se coordonnant à l’échelon départemental, les collectivités devront identifier les types de publics en difficulté avec le numérique et l’offre d’accompagnement présente sur leurs territoires, puis construire ensemble la solution la plus pertinente. « Nous les y aiderons, en structurant les outils et référentiels communs et en fédérant les expertises et les moyens », promet Mounir Mahjoubi.

Si la méthode de travail proposée recueille l’assentiment des acteurs, la prudence reste grande sur les efforts budgétaires que le gouvernement pourrait consentir. Un test social grandeur nature pour le secrétaire d’État, ancien président du Conseil national du numérique, dont les rapports ne cessent de souligner les enjeux de l’inclusion numérique.

Tous les articles de notre série sur "le travail social à l'heure du numérique" sont rassemblés ici (lien à retrouver sur le site de tsa, dans la colonne de droite, rubrique "Dossiers").

Michel Paquet
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