Quel nouveau cadre législatif pour le télétravail ?

Quel nouveau cadre législatif pour le télétravail ?

12.02.2018

HSE

Accident du travail, charge de travail, volontariat, refus de l'employeur : en septembre dernier, une des ordonnances instaurait et encadrait un droit au télétravail. La loi de ratification va l'entériner, en faisant bouger quelques lignes. La charte ou l'accord collectif deviennent facultatifs ; un simple accord peut suffire. Le recours au télétravail en cas de pic de pollution est ajouté.

Normalement, ce coup-ci est le dernier. Le cadre légal du télétravail acquerra sa valeur législative définitive dès que la loi de ratification – dont le projet est examiné depuis l'automne, au lendemain de la publication des ordonnances réformant le code du travail – sera publiée au Journal officiel. Le texte a été adopté mardi 6 février 2018 par l'Assemblée nationale, et sera acté par le Sénat le 14 février. Plusieurs ajustements ont été glissés au fil des travaux. Ils font légèrement bouger les lignes initialement dessinées par l'ordonnance du 22 septembre : la distinction entre télétravail régulier et occasionnel est supprimée, la possibilité de ne pas se déplacer au bureau en d'épisode de pollution est ajoutée, et la charte ou l'accord collectif deviennent facultatifs.

 

Quelle est la définition du télétravail ?

"Le télétravail, écrit le nouvel article L. 1222-9 du code du travail, désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication."

Deux points clés sont à retenir :

  • Il s'agit d'un travail "qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur". Un commercial qui va en rendez-vous et se connecte pour regarder ses mails dans la salle d'attente n'est ainsi par exemple pas en télétravail.
  • Le salarié doit avoir voulu être hors des locaux. L'employeur ne peut pas l'exiger de son salarié.

Notons qu'en toute logique, le "télétravailleur" est celui qui travaille selon cette définition, que son travail à distance ait été organisé dès l’embauche, ou ultérieurement.

 

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Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Dans quel cadre le télétravail peut-il se mettre en place ?

Un accord collectif ou une charte peuvent organiser le télétravail. Mais ce n'est plus un passage obligatoire : s'il n'y a ni l'un ni l'autre, salarié et employeur "formalisent leur accord par tout moyen". Cette troisième solution était jusqu'alors réservée au télétravail occasionnel. Désormais, la distinction ne sera plus inscrite dans la loi ; au regard du législateur, il n'existe plus qu'un seul type de télétravail.

Les entreprises qui choisissent la voie de l'accord ou de la charte, pourront évidemment toujours différencier télétravail occasionnel et régulier. C'est par exemple le choix que vient de faire L'Oréal, avec l'accord "flexwork" signé par l'ensemble des organisations syndicales représentatives (CGT, CFE-CGC, CFDT) fin décembre : les salariés éligibles au télétravail peuvent en bénéficier au maximum 4 jours par mois à condition de prévenir leur manager 48 heures à l'avance.

 

Que mettre dans un accord collectif ou dans une charte ?

Si l'entreprise décide de rédiger une charte ou de conclure un accord collectif pour encadrer le télétravail, plusieurs points seront incontournables :

  • comment passe-t-on en télétravail et comment est-ce que l'on en sort,
  • comment le salarié accepte-il les conditions du télétravail,
  • comment son temps de travail est-il contrôlé, ou comment sa charge de travail est-elle régulée,
  • à quelles heures l'employeur peut-il "habituellement" contacter le télétravailleur.

En plus, si charte ou accord il y a, le texte devra expressément prévoir les conditions de passage en télétravail "en cas d'épisode de pollution", au sens de l'article L. 223-1 du code de l'environnement, c'est-à-dire lorsque les normes de qualité de l'air ne sont pas respectées, ce qui peut par ailleurs entraîner des mesures de restriction de la circulation décidées par le préfet.
Le projet de loi de ratification inclut ainsi une des demandes de sénateurs, qui ont déposé en janvier une proposition de loi pour favoriser le télétravail en cas de pic de pollution.

 

L'employeur peut-il refuser le télétravail ?

Oui, peut refuser le télétravail à un salarié qui occupe pourtant un poste sur lequel cela serait possible. Mais il revient à cet employeur de motiver sa réponse. Cette inversion de la charge de la preuve était un des principaux apports de l'ordonnance du 22 septembre, et n'a pas été modifié.

 

Le salarié peut-il refuser le télétravail ?

Oui, et son refus n'est pas un motif de rupture de contrat.

Par ailleurs, le texte souligne que le télétravailleur "a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise". "Notamment en ce qui concerne l’accès aux informations syndicales, la participation aux élections professionnelles et l’accès à la formation", précisait l'ordonnance. Ce passage sera supprimé par la loi de ratification. L'ancienne liste étant non exhaustive, elle n'apportait aucune garantie supplémentaire et servait essentiellement à rassurer.

 

Une chute dans l'escalier entre le bureau et le salon durant le télétravail est-il considéré comme un accident du travail ?

Oui, le salarié bénéficie de la même protection que si l’accident a lieu dans les locaux de l’entreprise. C'était là un autre des apports essentiels de l'ordonnance : combler un vide juridique particulièrement souligné lors de la concertation entre les partenaires sociaux sur le télétravail qui s'est déroulée début 2017.

"L’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de travail", écrit la loi. Ce point ne bouge pas avec le texte de ratification.

La jurisprudence aura cependant peut-être à préciser les limites de l'espace-temps. Une chute à 7 heures du matin  ou à 22 heures est-elle un accident du travail ? Si l'employeur estime que l'accident n'a rien à voir avec le travail, il lui appartiendra de contester la présomption d'imputabilité.

 

Quelles sont les autres obligations de l'employeur envers ses salariés en télétravail ?

L'employeur conserve vis-à-vis du télétravailleur toutes ses obligations de droit commun, notamment en matière de prévention des risques, et par exemple pour les risques psychosociaux.
En plus, l'employeur doit organiser chaque année un entretien avec son salarié en télétravail, pour évoquer notamment ses conditions d'activité et sa charge de travail. Il doit aussi informer son salarié "de toute restriction à l'usage d'équipements ou outils informatiques ou de services de communication électronique" en lui précisant les sanctions qu'il risque. Et si un poste sans télétravail est à prendre, le télétravailleur qui le souhaite – et qui en aura obligatoirement été informé – est prioritaire, dès lors que ce poste "correspond à ses qualifications et compétences professionnelles".

 

L'employeur doit-il assumer les coûts du télétravail, en payant par exemple l'abonnement internet ?

Cette obligation, qui figurait dans le code du travail depuis 2012, et était un frein au développement du télétravail, a été supprimée par l'ordonnance de septembre. Matériels, logiciels, abonnements, etc. : l'employeur n'est plus obligé de prendre en charge tous les coûts directement engendrés par le télétravail. Cependant, rien n'empêche de s'accorder sur un forfait, par exemple, dans le cadre de l'accord collectif ou de la charte.

Élodie Touret
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