Quel sort pour le crédit-bail en cas de résolution du contrat de vente ?

17.04.2018

Gestion d'entreprise

L'anéantissement du contrat de vente entraîne la caducité du contrat de crédit-bail ayant financé l'opération et non sa résolution ou sa résiliation.

Aux termes d'un récent arrêt qui marque un revirement de jurisprudence, la chambre mixte de la Cour de cassation juge désormais que la résolution du contrat de vente entraîne la caducité du contrat de crédit-bail et non pas sa résolution ou sa résiliation (Cour cass. mixte, 13 avr. 2018, n° 16-21.345, n° 16-21.947, n° 285 P + B + R + I).

En conséquence, les clauses prévues en cas de résiliation du contrat sont inapplicables.

Une opération de crédit-bail mobilier se caractérise notamment par la location de biens d'équipement ou de matériel d'outillage achetés en vue de cette location par des entreprises qui en demeurent propriétaires. Cette opération, quelle que soit sa qualification, donne au locataire la possibilité d'acquérir tout ou partie des biens loués, moyennant un prix convenu tenant compte, au moins pour partie, des versements effectués à titre de loyers (C. mon. fin., art. L. 313-7).

La location financière, quant à elle, ne comprend aucune option d’achat ; elle concerne des biens que l’utilisateur n’envisage pas d’acquérir à terme en raison de leur caractère trop rapidement obsolète (matériel informatique par exemple). Le contrat est d'une durée irrévocable et il reste en dehors des dispositions de la réglementation bancaire.

Depuis 1990,  il est jugé que la résolution du contrat de vente entraîne la résiliation du contrat de crédit-bail, sous réserve de l’application de clauses ayant pour objet de régler les conséquences de cette résiliation (Cass. mixte., 23 nov. 1990, n° 86-19.396, n° 88-16.883 et n° 87-17.044 ; Cass. com., 12 oct. 1993, n° 91-17.621 ; Cass. com., 28 janv. 2003, n° 01-00.330 ; Cass. com., 14 déc. 2010, n° 09-15.992).

Plus généralement, la chambre mixte de la Cour de cassation a jugé dans deux arrêts du 17 mai 2013 que les contrats concomitants successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants (Cass. ch. mixte, 17 mai 2013, n° 11-22.768 ; Cass. ch. mixte, 17 mai 2013, n° 11-22.927), précisant, en outre, que les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance sont réputées non écrites (Cass. com., 7 janv. 2014, n° 13-10.887 ; Cass. com., 24 sept. 2013, n° 12-25.103 ; Cass. com., 26 nov. 2013, n° 12-25.191).

Une nouvelle précision a été apportée l'an dernier par la chambre commerciale de la Cour de cassation, celle-ci ayant jugé que, lorsque des contrats sont interdépendants, la résiliation de l’un quelconque d’entre eux entraîne, par voie de conséquence, la caducité des autres (Cass. com., 12 juillet 2017, n° 15-23.552 ; Cass. com., 12 juill. 2017, n° 15-27.703).

La question de la sanction semblait donc réglée depuis, au moins pour ce qui concerne l'interdépendance des contrats incluant une location financière.

Par ce revirement, la chambre mixte vient donc harmoniser la jurisprudence en la matière en précisant que cette interdépendance n'est pas pas transposable au contrat de crédit-bail mobilier, qui est un accessoire au contrat de vente ; c'est la caducité du contrat de crédit-bail qui constitue la mesure la plus adaptée lors de la résolution du contrat de vente :

- elle n’affecte pas la formation du contrat et peut intervenir à un moment où celui-ci a reçu un commencement d’exécution ;

- elle diffère de la résolution et de la résiliation puisqu'elle ne sanctionne pas une inexécution du contrat de crédit-bail mais la disparition de l’un de ses éléments essentiels, à savoir le contrat principal en considération duquel il a été conclu ;

- elle intervient à la date d’effet de la résolution, qui est le plus souvent la date de conclusion du contrat de vente ;

- si le contrat se réalise par tranches, elle peut alors être constatée à une date postérieure à celle de la conclusion du contrat.

Remarque : rappelons que l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats avait introduit un nouvel article 1186 au sein du code civil prenant notamment en compte la jurisprudence relative à l'anéantissement en chaîne des contrats indivisibles. Aux termes de cette nouvelle disposition, lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie. En visant cette dernière catégorie de contrat, l’article 1186 fait incidemment référence à l’indivisibilité subjective, née de la volonté des parties.
Stefano Danna, Dictionnaire Permanent Droit des affaires

Nos engagements