Qu'est-ce qui détermine le bien-être au travail ?

Qu'est-ce qui détermine le bien-être au travail ?

15.03.2018

Gestion du personnel

Comment le travail peut-il contribuer au bien-être psychologique des personnes ? Quels sont les éléments qui entrent en ligne de compte dans l'épanouissement des actifs ? C'est à cette question que répond la Dares, dans une étude publiée hier, selon laquelle un tiers des actifs se déclarent ainsi satisfaits de leur travail.

Alors que le "bonheur au travail" est devenue un sujet d'étude et que l'on voit émerger une nouvelle profession, celle de "chief hapiness officer" (CHO) dans certaines entreprises, une étude de la Dares publiée hier recentre la discussion autour du "bien-être psychologique" des actifs.

A partir de l'enquête  "Conditions de travail et risque psychosociaux" (CT-RPS) de 2016, la Dares établit les éléments à prendre en compte pour déterminer le niveau de bien-être et établit deux typologies de travailleurs selon leur épanouissement - ou non - dans leur travail.

Les facteurs qui entrent en ligne de compte dans le bien-être au travail

L'étude a retenu neuf dimensions qui entrent en ligne de compte pour évaluer le bien-être. Six concernent des expositions et trois des ressources.

Les expositions :

  • la pénibilité physique à partir de quatre risques : subir au moins trois contraintes physiques lourdes, subir un bruit intense, respirer des fumées ou des poussières et être exposé à des produits toxiques ;
  • les contraintes d'organisation du travail autour de huit risques : travailler plus de 50 nuits par an, travailler plus de 40 dimanches par an, avoir une durée du travail supérieure à 42 heures par semaine, ne pas connaître ses horaires du mois suivant, devoir emmener du travail chez soi, avoir été joint plus de 20 fois dans l'année écoulée par des personnes extérieures à l'entreprise pour les besoins du travail, ne pas pouvoir s'absenter quelques heures de son travail en cas d'imprévu personnel ou familial, avoir des horaires qui ne s'accordent pas avec les engagements sociaux et familiaux hors travail ;
  • l'intensité du travail autour de six risques : avoir un rythme de travail imposé par au moins six contraintes, devoir se dépêcher, travailler sous pression, recevoir des ordres contradictoires, continuer à penser à son travail même quand on n'y est pas, effectuer une quantité de travail excessive ;
  • les conflits éthiques autour de cinq risques : devoir faire des choses qu'on désapprouve, ne pas pouvoir faire du bon travail et devoir sacrifier la qualité, ne pas éprouver la satisfaction du travail bien fait, ne pas avoir l'information suffisante pour faire correctement son travail, devoir faire trop vite quelque chose qui demanderait davantage de soin ;
  • la demande émotionnelle autour de cinq risques : vivre des situations de tension avec le public, devoir calmer des gens, travailler au contact de personnes en situation de détresse, devoir cacher ses émotions ou faire semblant d'être de bonne humeur, être bouleversé, secoué, ému dans son travail ;
  • l'insécurité de la situation de travail autour de quatre risques : craindre pour son emploi dans l'année qui vient, craindre une mutation dans l'année, vivre des changements imprévisibles et mal préparés, avoir peur dans son travail pour sa sécurité ou celle des autres.

L'enquête repose ensuite sur trois ressources :

  • l'autonomie autour de sept critères : pouvoir interrompre momentanément son travail quand on le souhaite, régler soi-même les incidents la plupart du temps, pouvoir modifier les délais, pouvoir intervenir sur la quantité de travail attribuée, avoir un travail où l’on ne répète pas continuellement une même série de gestes ou d’opérations, avoir l’occasion de développer ses compétences professionnelles, pouvoir apprendre des choses nouvelles dans son travail ;
  • le soutien social autour de six indices : disposer d’une coopération suffisante pour réaliser correctement son travail, avoir l’impression de faire partie d’une équipe, recevoir l’aide de son supérieur en cas de travail délicat, compliqué, recevoir l’aide de ses collègues en cas de travail délicat, compliqué, avoir un supérieur qui prête attention à ce qu’on dit, être traité de façon équitable au travail ;

  • la reconnaissance autour de trois critères : avoir l’impression d’être utile aux autres, recevoir le respect et l’estime que mérite son travail, être fier de travailler dans son organisation.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

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- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Une influence positive du travail sur le bien-être des professions très qualifiées

A partir de la combinaison de ces facteurs, l'étude dresse plusieurs constats sur l'impact du travail sur le bien-être des travailleurs. Le bien-être des agriculteurs et des ouvriers est plutôt affecté négativement par le travail, contrairement aux cadres. Le travail apparaît moins souvent favorable au bien-être psychologique pour les femmes, surtout du fait de leur plus grande exposition à la demande émotionnelle. Les conditions de travail des fonctionnaires (surtout dans la fonction publique hospitalière) sont un peu moins favorables au bien-être psychologique que celles des salariés en CDI du secteur concurrentiel.

L'étude constate une influence particulièrement positive du travail sur le bien-être parmi les professions très qualifiées comme les ingénieurs de l’informatique, les cadres des transports, les cadres administratifs et financiers, les personnels d’études et de recherche, mais aussi d’autres, à majorité féminine, comme les secrétaires, les assistantes maternelles, les employés de maison, les coiffeurs .

Les professions les plus difficiles psychologiquement sont des métiers ouvriers majoritairement  masculins (industries graphiques, ouvriers procédant par enlèvement de métal, conducteurs d’engins et ouvriers qualifiés des travaux publics, mais aussi les métiers de cuisiniers et d’employés de l’hôtellerie-restauration). Des métiers qui sont exposés au bruit et au manque d’autonomie. Du côté des métiers plutôt féminins, la demande émotionnelle et les conflits éthiques prédominent chez les infirmières et sages-femmes, alors que les employés de la banque et des assurances signalent un travail intense et peu reconnu avec de nombreux conflits éthiques ; pour les caissiers-employés de libreservice, il s’agit surtout du bruit, des problèmes de conciliation, de l’intensité du travail et d’une très faible autonomie.

Typologies des travailleurs selon leur ressenti au travail

L'étude dresse ensuite unt typologie de cinq classes parmi les actifs :

  1. les "insécurisés" qui représentent 15 % des actifs : ce sont souvent des femme d'âge moyen en CDD ou en intérim qui sont inquiètes pour leur emploi dans l'année à venir ;
  2. les "satisfaits" qui sont 41 %. Ce sont le plus souvent des hommes cadres qui jugent que leur travail leur permet  d'apprendre des choses nouvelles, ont des perspectives de promotion, de bons rapports avec leurs supérieurs,... ;
  3. les "empêchés" qui sont 17 %. Ce sont souvent des salariés de grands établissements qui n'éprouvent pas de fierté du travail bien fait et qui ressentent rarement un sentiment d'utilité et de plaisir de leur travail ;
  4. les "invisibles" qui représentent 19 % des actifs. Contrairement aux précédents, ils ont le sentiment d'un travail bien fait et utile, mais ils manquent de reconnaissance et peuvent rarement développer leurs compétences. Ce sont souvent des femmes, des seniors, des personnes qui travaillent dans de petits établissmeents ou qui occupent des fonctions de nettoyage ou de soins ;
  5. les "mécontents" enfin qui sont 8 %. Ils appartiennent à des métiers ouvriers ou sont encore caissiers ou employés de libre-service. Ils cumulent des sentiments négatifs dans tous les domaines.

L'étude propose une seconde classification qui recoupe en partie la première :

  1. les "confortables" (33 %) qui sont épargnés par la plupart des risques professionnels. Il s'agit avant tout d'auto-entrepreneurs et de salariés qualifiés ;
  2. les "stressés et les empêchés" (15 %). Soumis à un travail très intense, ils rencontrent des conflits éthiques mais sont plutôt autonomes et bénéficient de reconnaissance et d'un soutien social ;
  3. les "isolés" (11 %) : ils manquent de soutien social et de reconnaissance, mais ne manquent ni d'autonomie ni de sécurité socio-économique. Ce sont plus souvent des agriculteurs, des ouvriers du BTP ou de la métallurgie ;
  4. les "précaires laborieux" (11 %). Soumis à de nombreuses contraintes physiques, ils craignent pour leur emploi et/ou vivent des changements importants. Ce sont plutôt des hommes, ou des femmes de ménage, en CDD ou intérim ou bien non-salariés ;
  5. les "passifs" (11 %). Ils manquent d’autonomie mais ont un travail peu intense et ne manquent pas de soutien social ni de reconnaissance. Ce sont plutôt des femmes, seniors, ouvrières, dans une fonction de manutention ou de nettoyage-gardiennage ;

  6. les "accablés" (14 %). Ils cumulent l’ensemble des risques organisationnels et psychosociaux, sauf les pénibilités physiques pour lesquelles ils se situent dans la moyenne. Ils travaillent plutôt dans de grands établissements, et dans des fonctions de secrétariat, de commerce ou de soins.

"Les liens entre les deux typologies sont assez nets, explique la Dares, les "satisfaits" sont majoritairement parmi les "confortables", les "empêchés" parmi les "stressés empêchés" et les "accablés", les "insécurisés" sont nombreux parmi les "précaires laborieux", les "mécontents" parmi les "accablés" ; cependant, les "invisibles" se ventilent à peu près dans toutes les classes de la seconde typologie.

Un tiers des actifs satisfaits

En croisant les deux typologies, l'enquête souligne qu'un gros tiers des actifs en emploi sont satisfaits de leur travail et des perspectives qu’il offre de développement des capacités. "Les satisfaits se trouvent plutôt du côté des plus diplômés et qualifiés. Toutefois, des professions relativement peu qualifiées et à grande majorité féminine, telles les assistantes maternelles, les coiffeurs ou les employés de maison, figurent parmi les métiers pour lesquels la contribution du travail au bien-être est forte".

A l’autre extrême, un actif sur dix environ se trouve dans une situation de travail très délétère pour sa santé, avec un cumul d’expositions de tous ordres, physiques, organisationnelles et psychosociales, et un bien-être psychologique fortement dégradé. Des professions comme celles de caissières, de cuisiniers, d’infirmières, d’aides-soignantes, d’ouvriers des industries graphiques ou de la métallurgie, d’employés de banques, sont surreprésentées dans ces situations préoccupantes qui appellent sans doute un effort particulier pour les politiques de prévention.

 

(*) "Travail et bien-être au travail. L'apport de l'enquête CT-RPS 2016", de Thomas Coutrot. Dares, mars 2018.

Florence Mehrez
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