Réforme de la médecine du travail : les derniers changements du gouvernement

Réforme de la médecine du travail : les derniers changements du gouvernement

08.07.2016

HSE

La nouvelle "visite d'information et de prévention" ne pourra être réalisée que par le médecin du travail, le collaborateur médecin, l'infirmier, ou – petit nouveau de l'équipe pluridisciplinaire – l'interne en médecine du travail. Le point sur le texte adopté via le 49-3.

Au fil des textes sur lesquels il engage sa responsabilité en faisant jouer l'article 49-3 de la Constitution, le gouvernement fait évoluer le projet de loi travail, soit en ajoutant ses propres modifications, soit en reprenant celles des députés de la commission des affaires sociales, voire celles du Sénat. C'est le cas de l'article 44, qui comporte la réforme de la médecine du travail et de l'inaptitude. Voici les dernières modifications, qui sont dans le texte adopté le 6 juillet 2016.

La loi travail devrait être publiée au Journal officiel au mois d'août, si l'on en croit le calendrier qui est en train de se dessiner. Considéré comme adopté mercredi 6 juillet 2016 – après qu'aucune motion de censure n'a pu être déposée pour contrer le choix du gouvernement d'engager sa responsabilité – le projet de loi doit être examiné au Sénat en nouvelle lecture le 18 juillet, et revenir à l'Assemblée nationale le 20 juillet pour son adoption définitive. Le texte devra alors encore passer par la très probable saisine du Conseil constitutionnel.

 

► L'interne fait son entrée dans l'équipe pluridisciplinaire du service de santé au travail

Il s'agit d'un ajout du gouvernement, qui n'a pas auparavant été suggéré par la commission des affaires sociales de l'Assemblée ou par les sénateurs. Les collaborateurs médecins et les internes en médecine du travail rejoignent l'équipe pluridisciplinaire définie à l'article L. 4622-8 du code du travail.

► Le suivi de l'état de santé réservé aux médecins et infirmiers

Le suivi individuel de son état de santé, dont bénéficie tout travailleur, ne pourra être assuré que par le médecin du travail lui-même ou, sous son autorité, par le collaborateur médecin, l'interne en médecine du travail ou l'infirmier. Les autres membres de l'équipe pluridisciplinaire – l'IPRP (intervenant en prévention des risques professionnels) par exemple – en sont explicitement exclus. Ce "suivi" commence notamment par la fameuse nouvelle "visite d'information et de prévention effectuée après l'embauche", qui doit remplacer l'actuelle visite médicale. Les députés de la commission des affaires sociales ont voulu ajouter un nouveau garde-fou en écrivant que "le professionnel de santé qui réalise la visite d’information et de prévention peut orienter le travailleur sans délai vers le médecin du travail, dans le respect du protocole élaboré par ce dernier" ; cela a été validé par le gouvernement.

► Un suivi "individuel régulier" pour les travailleurs de nuit

L'Anses vient d'alerter sur les dangers du travail de nuit (voir notre article), un rapport qui avait vocation à enrichir les débats en cours sur le projet de loi travail. Les experts ont été entendus : le projet de loi prévoit désormais que "tout travailleur de nuit bénéficie d’un suivi individuel régulier de son état de santé". Le médecin du travail décidera de la périodicité de ce suivi, "en fonction des particularités du poste occupé et des caractéristiques du travailleur", et selon des modalités déterminées par décret en Conseil d’État. Un ajout fait lors du passage du projet de loi au Sénat, sur amendement du gouvernement. C'est couplé à la possibilité, pour tout salarié, de "solliciter une visite médicale", lorsqu'il "anticipe un risque d'inaptitude" et "dans l’objectif d’engager une démarche de maintien dans l’emploi".

► Contestation de l'avis d'inaptitude : cela se passera devant les prud'hommes

Le Sénat, dans une modification que les députés de la commission des affaires sociales avaient décidé de conserver, avait imaginé une nouvelle procédure en cas de contestation de l'avis d'inaptitude du médecin du travail. Ils proposaient que le salarié ou l'employeur puissent saisir une "commission régionale composée de trois médecins du travail dont la décision collégiale se substitue à celle du médecin du travail". Actuellement, la contestation se déroule auprès de l'inspection du travail. Le projet de loi initial prévoyait de la transférer devant les prud'hommes, en référé. C'est bien cette solution qui est pour l'instant retenue. Mais elle a été profondément réécrite, pour éviter plusieurs écueils. La question se posait notamment de savoir qui paierait le médecin-expert saisi : il reviendra au juge d'en décider.

Les 5 étapes de la procédure prévue
 1 La contestation couvre "les éléments de nature médicale justifiant les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail" (en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3, L. 4624-4).
  Le salarié ou l'employeur saisit le conseil des prud'hommes (qui se réunit en référé) d’une demande de désignation d’un médecin-expert inscrit sur la liste des experts près la cour d’appel. Le demandeur en informe le médecin du travail.
  Le médecin-expert peut demander le DMST (dossier médical en santé au travail) au médecin du travail. Il n'est plus mentionné que l'avis du médecin-expert se substitue à celui du médecin du travail, contrairement à ce qui était écrit dans la version précédente du projet de loi, issue de la commission des affaires sociales.
  Le conseil des prud'hommes peut charger le médecin inspecteur du travail d'une "consultation" – au sens du code de procédure civile – relative à la contestation.
  Qui paie l'expertise ? "Dès lors que l'action en justice n'est pas dilatoire ou abusive", la formation de référé des prud'hommes "peut décider de ne pas mettre les frais d'expertise à la charge de la partie perdante".

 

► Recommandations de formation du médecin du travail en cas d'inaptitude : pour toutes les entreprises

Ce point fait l'objet de valse-hésitation depuis le début du parcours législatif du projet de loi travail. Dans la dernière version, le gouvernement est clair : que l'inaptitude soit ou non d'origine professionnelle, le médecin du travail formulera "des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté" (et non plus une formation "destinée à lui proposer un poste adapté", comme c'est actuellement le cas dans la loi en vigueur). Et ce quelle que soit la taille de l'entreprise ; ce n'est plus réservé aux entreprises d'au moins 50 salariés. 

► Suivi du DMST pour les salariés en contrat précaire

Le suivi de santé des salariés en contrat précaire (CDD ou travail temporaire) est renvoyé à un décret en Conseil d'État, mais il est précisé – depuis le projet de loi initial – que ce suivi devra être "d’une périodicité équivalente à celle du suivi des salariés en CDI". La commission des affaires sociales a précisé – et le gouvernement l'a conservé – que ce décret prévoira aussi où et comment sont hébergés leurs DMST (dossiers médicaux en santé au travail), ainsi que les modalités d'informations entre les différents médecins du travail.

► La gouvernance des services interentreprises de santé au travail ne sera pas dans ce projet de loi

Les 4 alinéas qui comportaient encore, dans la première version adoptée à l'Assemblée nationale en mai, une réforme de la gouvernance des Sist (services interentreprises de santé au travail) ont été supprimés de la nouvelle version, face à la difficulté de parvenir à un consensus sur un point qui n'est pas considéré comme prioritaire. 

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Élodie Touret
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