Réforme de l'assurance chômage : le gouvernement pose ses conditions

Réforme de l'assurance chômage : le gouvernement pose ses conditions

14.12.2017

Représentants du personnel

Le gouvernement demande aux partenaires sociaux de réformer d'ici fin janvier l'assurance chômage afin que les salariés démissionnaires et les indépendants accèdent au régime. Le ministère du Travail menace d'imposer un bonus malus sur les cotisations si syndicats et patronat ne s'accordent pas sur un mécanisme dissuasif pour les contrats courts.

Le gouvernement transmet ce jeudi 14 décembre aux partenaires sociaux, qu'il a réunis hier au ministère du Travail, un document d'orientation les invitant à ouvrir des négociations sur l'assurance chômage. Syndicats et patronat sont priés de négocier un nouvel accord d'ici la fin janvier 2018, afin que ses dispositions alimentent le projet de loi que le gouvernement veut déposer au printemps, et qui sera aussi consacré à la réforme de la formation et de l'apprentissage.

Ces négociations au timing très serré font l'objet d'un cadrage également très serré de la part de l'Exécutif. Si le ministère se dit prêt à fournir aux partenaires sociaux ses outils d'analyse et de diagnostic, qu'il a déjà utilisés pour imaginer la faisabilité d'un bonus-malus pour inciter les entreprises à ne plus recourir aux contrats courts, il fait savoir qu'il attend des syndicats et du patronat des propositions consistantes, à même de nourrir la réforme du modèle social promise par Emmanuel Macron pendant la présidentielle, le mot d'ordre étant de "donner davantage de liberté professionnelle pour tous les actifs".

Les points que devrait aborder le document d'orientation du gouvernement sont les suivants.

L'ouverture de l'assurance chômage en cas de démission

Pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait promis que les salariés qui démissionnent auraient droit à une indemnité chômage (une fois tous les 5 ans, avait-il dit avant de nuancer par la suite), le but étant d'impulser de la mobilité sur le marché du travail. Le gouvernement souhaite donc que les partenaires sociaux réfléchissent à ce nouveau droit en définissant la durée d'affiliation nécessaire au régime pour en bénéficier, mais aussi la durée d'indemnisation (plus courte que la durée normale) et, bien sûr, le montant de l'indemnité, celle-ci devant être plafonnée "afin d'éviter des effets d'aubaine", dit-on dans l'entourage de la ministre du Travail où l'on souhaite aussi voir supprimé le délai de carence existant.

L'ouverture de l'assurance chômage aux indépendants

C'était une autre idée du candidat devenu président : élargir le bénéfice de l'assurance chômage aux indépendants. Depuis, les scénarios étudiés par l'IGAS et l'IGF ont montré la difficulté de la tâche et les risques d'aubaine ainsi que les risques financiers qui pourraient en résulter pour l'assurance-chômage. Mais le gouvernement n'en démord pas : syndicats et patronat devront plancher sur le sujet. Le ministère les a prévenus : ce sera à recettes constantes. Argument : les indépendants contribuent à la CSG, laquelle participe au financement de l'assurance chômage. L'équation paraît pour le moins compliquée, d'autant que les partenaires sociaux sont divisés sur le sujet. Le gouvernement attend néanmoins qu'ils définissent la population ciblée, l'élément déclencheur ouvrant droit au chômage (cessation d'activité, par exemple), mais aussi la durée d'indemnisation et le montant.

Le bonus malus et la lutte contre la précarité

Faire moduler la cotisation patronale de l'assurance chômage d'une entreprise en fonction de son recours plus ou moins importants à des contrats de travail courts, afin d'inciter les entreprises à privilégier un comportement vertueux : cette autre promesse de l'ancien ministre de l'Economie n'est pas abandonnée, fait-on savoir au ministère du Travail. En précisant toutefois : le bonus malus n'est qu'un des moyens possibles pour faire changer les comportements des acteurs sur le marché du travail.

Le gouvernement demande aux partenaires sociaux de se saisir pleinement de cette question. A défaut, menace-t-on au ministère du Travail, le gouvernement imposera le bonus malus. Un groupe de travail au sein du ministère du Travail aurait déjà élaboré différents scénarios. Une des hypothèses consisterait à calculer pour chaque entreprise le coût que représente son comportement pour l'assurance chômage, et de le comparer soit à un taux moyen soit à une moyenne sectorielle, puis de décider dans quelles proportions sa contribution à l'assurance chômage s'en trouverait soit affaiblie soit augmentée. Une variante consisterait à s'en tenir à un seul indicateur relatif au recours aux contrats courts. Dans les deux cas, les partenaires sociaux (ou le gouvernement) devront arbitrer sur un élément essentiel : dans quelle proportion faire varier les taux de cotisation patronale et donc de mutualisation ? S'agit-il d'une hypothèse plausible ou d'une menace forte sur les organisations patronales pour les pousser à négocier, sachant que les branches, censées plancher sur une meilleure lutte contre la précarité, n'ont guère avancé sur le sujet ? A suivre.

Contrôle et gouvernance : le gouvernement garde la main

Sur deux autres points sensibles, le gouvernement a d'ores et déjà décidé de garder la main.

► Sur le contrôle des demandeurs d'emploi, sujet sur lequel Emmanuel Macron avait promis un renforcement, le ministère du Travail fera des propositions aux partenaires sociaux à la mi-janvier, propositions sur les modalités de sanction mais aussi sur le barème.

► Sur la question de la gouvernance de l'assurance chômage, pré carré des partenaires sociaux qu'ils ont défendu dans un texte commun publié mardi, toutes les options sont ouvertes..."sauf le statu quo". Le gouvernement considère que l'Etat, parce qu'il garantit la dette du régime et parce qu'il est amené à participer davantage au financement du régime, a nécessairement son mot à dire. Cette question très politique (qui décide et qui gère le régime : l'Etat, les partenaires sociaux ou les deux ?) devra donc être tranchée à l'occasion de la concertation entre le gouvernement et les syndicats et le patronat. Une réunion devrait avoir lieu autour du 20 janvier sur le sujet avec l'ensemble des partenaires sociaux.

Le gouvernement évoque une ultime réunion multilatérale le 10 février, avant la transmission au Conseil d'Etat du projet de loi un mois plus tard. Des délais très courts, qui confirment la stratégie impulsée par la présidence de la République avec les ordonnances : prendre tout le monde de vitesse pour boucler les réformes le plus rapidement possible, une urgence encore renforcée par la persistance d'un taux de chômage élevé.

 

Premières réactions syndicales et patronales

"La précarité et la qualité de l'emploi devront être abordées lors de la négociation", réagit Véronique Descacq en demandant au gouvernement d'organiser "des allers-retours réguliers entre négociation et concertation". Préoccupée par le souci "de paramétrer les bons dispositifs afin d'éviter les effets d'aubaine", la numéro 2 de la CFDT se dit favorable à ce que les travailleurs des plateformes placés dans une situation de dépendance puissent bénéficier, lors d'une expérimentation, de l'assurance chômage. 

Denis Gravouil (CGT) aspire lui-aussi à une avancée pour les travailleurs des plate-formes numériques, mais il exprime surtout la crainte d'un renforcement des contrôles et des sanctions sur les demandeurs d'emploi "dans le but de faire des économies sur le dos des chômeurs". Le négociateur CGT se montre par ailleurs critique sur la méthode : "Nous allons devoir négocier là où le gouvernement va avoir envie qu'on négocie".

Pour FO, Michel Beaugas estime pour sa part que le bonus malus voulu par Emmanuel Macron "disparaît au profit d'une lutte contre la précarité, alors que nous voyons que les branches ne veulent pas négocier là-dessus". Quant à la question de savoir qui pilotera le futur régime, le négociateur de FO a cette formule : "Doit-on considérer que la gouvernance sera notre hochet si nous sommes sages ?!"

Du côté patronal, Alexandre Saubot (Medef) s'est borné à ce seul commentaire : "Nous sommes prêts à négocier. La gouvernance fait partie des sujets à venir".

 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Bernard Domergue
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