Réforme du crédit d'impôt : la fausse bonne idée par excellence !

Réforme du crédit d'impôt : la fausse bonne idée par excellence !

24.08.2017

Action sociale

Directeur d'une structure d'aide à domicile, Julien Mayet livre sa réflexion sur la proposition faite par la Fesp, le Medef et d'autres de réformer le crédit d'impôt pour créer 200 000 emplois dans le secteur des services à la personne. Au-delà du doute sur le nombre d'emplois escomptés, l'auteur entrevoit un risque de surcoût du service à domicile au profit des banques.

Le Medef, la Fédération Française des banques et leurs alliés ont réussi leur coup de communication [lire la tribune publiée dans le Journal du dimanche], réussiront-ils à bluffer le gouvernement et qui d’autre encore ?

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La mise en place d’un système de préfinancement de la réduction et du crédit d’impôt pour l’utilisation des services à la personne créerait 200 000 emplois et de surcroît très rapidement selon les défenseurs de cette idée. Rien que cela ! Selon la Dares, le secteur représente actuellement 1,3 millions d’emplois, la mesure proposée permettrait donc d’augmenter l’activité de 15 % !

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Cette mesure, n’aura d’intérêt véritable que pour les primo-demandeurs de services à la personne, puisque les autres bénéficient d’ors et déjà de la réduction d’impôt en lien avec leur consommation de l’année précédente. De fait si 2 ou 3 000 emplois pouvaient être créés, cela serait déjà un succès.

Ces chiffres rejoindront donc le cimetière des annonces fantaisistes dont certains sont coutumiers (le pin’s 1 million d’emplois du Medef et autres 500 000 emplois du plan Borloo).

Mais après tout, si l’on peut créer quelques emplois et faciliter l’accès aux services des moins fortunés pourquoi pas… Mais pas à n’importe quel prix !

Des frais bancaires

Et c’est là qu’il y a lieu d’être particulièrement critique vis-à-vis du projet proposé : il s’agirait de mettre en place un système où toutes les prestations seraient désormais réglées par le biais du CESU et l’appui des banques qui préfinanceraient le dispositif fiscal.

Pour rappel, pour une structure les frais prélevés sur les CESU varient au minimum de 3 % et jusqu’à 7 ou 8 % de leur valeur faciale, c’est-à-dire entre 60 centimes et 1,50 € de l’heure. Sur quelque 850 millions d’heures prestées par an, on comprend rapidement à qui profitera le système ! Et ce d’autant plus que se rajoutera le taux d’intérêt que pratiquera l’établissement financier et le service associé qu’il ne manquera pas de facturer. Les vrais bénéficiaires de l’opération seront donc les banques et le CRCESU (derrière lequel on retrouve là encore, des banques)

La structure verra donc sont coût de revient fortement impacté par le paiement de ces frais bancaires. Il faudra évidemment rajouter à ce surcoût, la charge de travail qui correspond au traitement des CESU en interne, et bien entendu l’augmentation très importante des délais de paiement et donc la dégradation des trésoreries déjà exsangues.

Au final, le surcoût pour la structure sera donc proche de 2 € (estimation beaucoup plus réaliste que les 200 000 emplois envisagés) : supporté par qui ? Les départements ? Les personnes aidées ? Les structures ? Il faudra que l’on nous explique.

Quand on connaît la situation désastreuse dans laquelle se trouvent bon nombre de structures, c’est totalement irresponsable de proposer un tel dispositif.

Quand on sait qu’il y a des problématiques autour de la rémunération des frais de transport engagés par les salariés, autour des conditions de travail qui ne sont pas satisfaisantes, il y a vraiment d’autres priorités.

Julien Mayet, directeur de L’Agence de l'aide à domicile et vice-président de la Fédération UNA.

Julien Mayet
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