Résiliation de plein droit d'un contrat continué et absence de fonds nécessaires

17.07.2018

Gestion d'entreprise

Le juge-commissaire, qui constate la résiliation de plein droit d'un contrat continué pour non-paiement des échéances durant la période d'observation, doit vérifier que l'administrateur ne disposait pas des fonds nécessaires.

Le 13 décembre 2012, une société fait l’objet d’une procédure de sauvegarde. Sur mise en demeure d’un cocontractant, la société débitrice et son mandataire judiciaire puisqu’aucun administrateur n’avait été désigné, font connaître leur volonté de poursuivre le contrat de location de biens d’équipements qui les lient. Les échéances sont réglées jusqu’au 21 novembre 2013, et un plan de sauvegarde est adopté le 3 avril 2014. Le 22 avril qui suit, le cocontractant adresse à la société désormais soumise à un plan, un commandement de payer visant la clause résolutoire, puis assigne ladite société en paiement des loyers impayés et de l’indemnité de résiliation et demande la restitution du matériel loué. La société soumise au plan lui oppose la résiliation de plein droit du contrat au 21 novembre 2013 et l’absence de déclaration de la créance d’indemnité.

Or, pour la Cour de cassation, par application des articles L. 622-13, III, 2° et R. 622-13 du code de commerce dans leur rédaction résultant des textes de 2008 (Ord. n° 2008-1345, 18 déc. 2008 et D. n° 2009-160, 12 févr. 2009), lorsque ne sont pas payées à leur échéance, au cours de la période d’observation, des sommes dues en vertu d’un contrat dont la continuation a été décidée, et à défaut d’accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles, la résiliation de plein droit de ce contrat doit, à la demande de tout intéressé, être constatée par le juge-commissaire qui en fixe la date. La formule est proche de celle déjà utilisée dans un arrêt du 20 septembre 2017 (Cass. com., 20 sept. 2017 n° 16-14.065, n°1191 P+B+I, "résiliation de plein droit d'un contrat continué", vp. 2 oct. 2017) à ce ceci près que la Cour de cassation avait alors ajouté « peu important l’existence d’une clause résolutoire ».

Mais en l'occurrence, la Cour de cassation ajoute que le juge-commissaire qui va donc constater la résiliation de plein droit du contrat, le fait après avoir vérifié que l’absence de paiement est justifiée par la constatation que l’administrateur ne dispose plus des fonds nécessaires pour remplir les obligations nées du contrat.

En d’autres termes, la résiliation de plein droit prévue par l’article L. 622-13, en raison du non-paiement d’une échéance d’un contrat continué, doit être constatée par le juge-commissaire, faute de quoi le contrat n’est pas résilié. Il peut alors être cédé (Cass. com., 20 sept. 2017, préc), et le débiteur ne peut se prévaloir de la résiliation, contrairement à ce que soutenait le débiteur dans l’espèce ici commentée.

Mais une fois saisi, pour constater la résiliation, le juge doit vérifier que l’administrateur, ou s’il n’est pas désigné comme c’est le cas en l’espèce, le débiteur, ne disposait plus des fonds nécessaires. La solution évite qu’après avoir continué un contrat, le titulaire de l’option de continuation des contrats, puisse en provoquer la résiliation en ne payant pas une échéance, même s’il dispose des fonds disponibles. Et il en r��sulte que si le débiteur disposait des fonds nécessaires, et même si la Cour de cassation ne le précise pas expressément, le juge-commissaire devrait, du moins nous semble-t-il, pouvoir refuser de constater la résiliation.

Quoi qu’il en soit, puisqu’en l’espèce, la société débitrice n’a pas saisi le juge-commissaire en constatation de la résiliation du contrat, elle ne peut donc se prévaloir de la résiliation de plein droit du contrat, une fois le plan de sauvegarde arrêté.

 

Philippe Roussel Galle, Conseiller scientifique

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