Rétention en procédure « Dublin » : le Conseil d'État emboîte le pas de la Cour de cassation

06.03.2018

Droit public

La Haute juridiction administrative annule l'instruction du 19 juillet 2016 relative à l'application du règlement « Dublin III », le placement en rétention des demandeurs d'asile en procédure « Dublin » n'étant alors pas légalement possible.

Victoire posthume pour les associations : alors que la loi « permettant une bonne application du régime d’asile européen » vient de légaliser la rétention des demandeurs d’asile en procédure « Dublin », et après près de trois ans d’illégalité, le Conseil d’État annule les dispositions de l’instruction du 19 juillet 2016 relative à l'application du règlement (UE) n° 604/2013 dit « Dublin III ».
 
Prenant le contre-pied de l'ordonnance de son juge des référés, qui avait, pour en refuser la suspension, considéré que ce texte était « dépourvu d'effet »  faute d'avoir fait l'objet d'une publication telle que prévue aux dispositions de l’article R. 312-8 du code des relations entre le public et l’administration (CE, réf., 19 déc. 2016, n° 405471), la Haute juridiction juge qu'il « comporte des dispositions impératives à caractère général ». Dispositions par lesquelles le ministre de l’intérieur demandait aux préfets de recourir à la rétention pour assurer le transfert des demandeurs d’asile vers l’État responsable de l’examen de leur demande.
Remarque : bien que la Cour de cassation a également tranché dans le même sens par un arrêt du 27 septembre 2017 (Cass. 1re civ., 27 sept. 2017, n° 17-15.160), certaines juridictions du fond ont continué à rejeter les demandes tendant à l’annulation des placements en rétention des demandeurs d’asile placés dans l’attente de leur transfert (CA Paris, 9 févr. 2018, n° 18/00560).
Le placement en rétention administrative impossible dans tous les cas
Se référant à l’arrêt « Al Chodor » de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 2e ch., 15 mars 2017, aff. C-528/15), et au visa des articles 2, sous n) et 28 du règlement « Dublin », le Conseil d’État ne pouvait que constater, que faute d’une définition légale de la notion de « risque de fuite » en droit interne, à laquelle est subordonnée la régularité du recours à la rétention, en aucun cas le ministre de l’intérieur ne pouvait prescrire le recours à cette mesure.
 
Le Conseil d’État ajoute (ce qui a également fait l’objet de discussion devant la Cour de cassation), que les critères retenus par le législateur dans le cadre des dispositions de l’article L. 511-1 du Ceseda relatif aux obligations de quitter le territoire, ne peuvent s’appliquer aux demandeurs de protection internationale.
 
Il relève en outre que « l’engagement d’une procédure de détermination de l’État membre responsable de l’examen de la demande d’asile ne constitue pas, par lui-même, un motif de nature à justifier le maintien en rétention administrative ». Aussi, le ministre de l’intérieur ne pouvait pas non plus prescrire, pour ce seul motif, le maintien en rétention ou le refus de transmission de la demande d’asile à l’Ofpra tant que la procédure de détermination était en cours.
 
Enfin, si l’autorité administrative peut légalement rechercher si un étranger en situation irrégulière est demandeur d’asile dans un autre État membre, afin de procéder à son transfert plutôt que de le renvoyer dans son pays d’origine, là encore, son maintien en rétention n’est pas possible.
 
En revanche, le Conseil d’État rejette les autres griefs avancés par les associations.
Mais toujours une possibilité d’assignation à résidence
Tout d'abord, pour le Conseil d’État, l’instruction donnée d’assigner à résidence dans les conditions fixées par l'article L. 742-2 du Ceseda, c’est-à-dire pour une durée de six mois, renouvelable une fois, est parfaitement justifiée dès lors qu’elle est « limitée à ce qu’implique nécessairement le déroulement de la procédure de détermination ».
Validation des dispositions relatives à l’entretien individuel et à l’interprétariat
Par ailleurs le Conseil d’État considère que les instructions du ministre de l’intérieur n’ont ni pour objet ni pour effet :
 
- de faire obstacle à ce que le demandeur d’asile fasse valoir, au cours de l’entretien préalable auquel il est procédé, les liens familiaux qui existeraient en France ;
 
- de mettre les éventuels frais d’interprétariat que nécessite cet entretien à la charge du demandeur d’asile lorsqu’il y est recouru.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Christophe Pouly, avocat
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