Recouvrement de créances cédées à un fonds commun de titrisation

16.01.2018

Gestion d'entreprise

La société de gestion d'un fonds commun de titrisation, qui en est la représentante légale, n'a pas pour autant qualité pour agir en recouvrement de la créance cédée à ce fonds.

La Cour de cassation rappelle que, sous l’empire du droit antérieur aux dispositions de l’ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017, entrées en vigueur le 3 janvier 2018, la possibilité offerte aux parties de confier tout ou partie du recouvrement des créances cédées à un organisme de titrisation à une autre entité désignée à cet effet supposait que le débiteur soit informé de cette modification par lettre simple.
 
Une banque, qui a consenti un prêt immobilier à un particulier, cède par bordereau à un fonds commun de titrisation un certain nombre de créances dont celle relative au prêt immobilier. Suite à la défaillance de l’emprunteur, la société de gestion, représentant légal du fonds commun de titrisation, assigne l’emprunteur en paiement.
 
La cour d’appel déclare cette action irrecevable faute pour la société de gestion de disposer de la qualité pour agir en recouvrement de la créance cédée. La motivation des juges du second degré est double. En premier lieu, si la société de gestion représente le fonds commun de titrisation sans être tenue de justifier d’un pouvoir ou d’un mandat, le bordereau de cession ne la charge pas expressément du recouvrement des créances cédées. En second lieu, l’article L. 214-172, alinéa 1er du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013, indique que lorsque des créances sont transférées à l’organisme de titrisation, leur recouvrement continue d’être assuré par le cédant ou par l’entité qui en était chargée avant leur transfert, dans des conditions définies par une convention passée avec la société de gestion de l’organisme. Il prévoit, toutefois, dans son alinéa 2, que tout ou partie du recouvrement peut être confié à une autre entité désignée à cet effet, dès lors que le débiteur en est informé par lettre simple. En l’espèce, aucune entité chargée du recouvrement n’avait été désignée par les parties et il n’était pas justifié que le débiteur eût été informé d’un quelconque changement à cet égard.
 
Cette double motivation est critiquée, sans succès, par les deux pourvois dont la jonction a été ordonnée.
 
Néanmoins, la chambre commerciale ne reprend qu’une partie de l’argumentation des décisions attaquées. Elle considère qu’il résulte de l’application combinée des articles L. 214-172 et L. 214-180 du code monétaire et financier, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013, applicable en l’espèce, que si, ne jouissant pas de la personnalité morale, un fonds commun de titrisation est, à l’égard des tiers et dans toute action en justice, représenté par sa société de gestion, il appartient à celui qui lui transfère des créances par bordereau, ou à l’entité qui en était chargée au moment du transfert, de continuer à assurer le recouvrement de ces créances et, pour ce faire, d’exercer les actions en justice nécessaires, la possibilité offerte aux parties de confier tout ou partie de ce recouvrement à une autre entité désignée à cet effet supposant que le débiteur soit informé de cette modification par lettre simple.
 
En revanche, le motif relatif au contenu du bordereau est jugé erroné mais surabondant ce qui permet à la Cour de cassation de rejeter les pourvois.
Remarque : à cet égard, il faut ajouter que l’article D. 214-102 du code monétaire et financier, alors applicable à l’espèce, n’exigeait pas que la mention de l’entité désignée pour procéder au recouvrement figure dans le bordereau. Depuis l’intervention du décret n° 2013-687 du 25 juillet 2013, le contenu du bordereau est précisé par l’article D. 214-227 du code monétaire et financier.
L’article L. 214-172 du code monétaire et financier règle spécialement la question du recouvrement des créances cédées et c’est donc sur cette base qu’il convient d’apprécier si le cédant a conservé la qualité pour agir en recouvrement des créances cédées. Signalons, enfin, que les dispositions de cet article ont été modifiées, depuis le 3 janvier 2018, suite à l’intervention de l’ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017 portant modernisation du cadre juridique de la gestion d’actifs et du financement par la dette.
Philippe Soustelle, Maître de conférences, CERCRID, Université Jean Monnet de Saint-Etienne

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