Reprise de la liquidation judiciaire : pas de dessaisissement général du débiteur

07.04.2017

Gestion d'entreprise

La reprise de la procédure de liquidation judiciaire a un effet rétroactif limité aux seuls actifs et actions qui ont été omis dans la procédure clôturée. Le débiteur reste donc libre de contracter et d'engager des biens non compris dans la liquidation.

Que ce soit sous l’empire de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 ou de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, dans sa rédaction d’origine, les textes qui prévoient les conditions de la reprise d’une procédure de liquidation judiciaire précédemment clôturée pour insuffisance d’actif, ne précisent pas les effets de cette reprise, au regard notamment du dessaisissement du débiteur.

La Cour de cassation a eu l’occasion d’affirmer à plusieurs reprises l’effet rétroactif d’une décision de reprise. Elle l’a fait une première fois dans une affaire où, après clôture de la liquidation judiciaire d’un époux commun en biens, son épouse est elle-même mise en liquidation judiciaire. La liquidation judiciaire de l’époux étant reprise, son effet rétroactif a eu pour effet de faire échapper le bien commun au périmètre de la procédure de l’épouse, de sorte que seul le liquidateur et le juge-commissaire désigné dans la procédure de l’époux pouvaient le faire vendre (Cass. com., 16 mars 2010, n° 08-13.147). Dans un arrêt de 2012, elle réaffirme cet effet rétroactif tout en précisant que la reprise porte sur tous les actifs qui, à la date de la clôture de la procédure de liquidation judiciaire, faisaient partie du patrimoine du débiteur soumis à la procédure de liquidation judiciaire et qui n’ont pas été réalisés (Cass. com., 10 mai 2012, n° 11-13.284). Une telle précision signifiait-elle que seuls ces actifs étaient concernés par la reprise, de sorte que le dessaisissement du débiteur doit être limité à ces seuls actifs ?

Oui, répond la Cour de cassation par cet arrêt rendu le 22 mars 2017, dans une affaire où, après reprise des opérations de sa procédure de liquidation judiciaire, une personne physique souscrit un prêt dans le remboursement duquel il est défaillant. Le prêteur l’assigne en paiement. Le débiteur fait valoir que le prêt a été conclu au mépris de la règle du dessaisissement pour conclure à sa nullité. Si on ne pouvait suivre ce débiteur dans la seconde partie de son raisonnement, dès lors qu’il est jugé avec constance que les actes accomplis au mépris de la règle du dessaisissement ne sont pas nuls, mais simplement inopposables à la procédure collective (Cass. com., 23 mai 1995, n° 93-16.930), encore fallait-il trancher la question préalable de la portée du dessaisissement.

La Cour de cassation, en jugeant que cette portée a un effet limité aux actifs existants au jour de la clôture, choisit la voie de la sécurité juridique pour tous les actes accomplis après la clôture de la procédure de liquidation judiciaire. Certes, dans l’espèce donnant lieu à l’arrêt commenté, le prêt a été conclu après la décision de reprise, de sorte que le créancier aurait pu en avoir connaissance et éviter de contracter avec un débiteur dessaisi. Mais la solution aurait été moins évidente si le prêt avait été conclu entre la date de la clôture et la date de la reprise en raison précisément de l’effet rétroactif de la décision de reprise. Admettre un dessaisissement général, c’était donc remettre en cause l’efficacité des actes accomplis en toute bonne foi, tant par le débiteur et surtout par ses cocontractants.

Ce n’est pas la voie choisie par la chambre commerciale qui, par l’arrêt commenté, affirme clairement que le dessaisissement est limité aux actifs existant à la date de la clôture, et ce faisant exclut du périmètre de la procédure reprise tous les actifs acquis après la clôture de la procédure.

Solution qui annonce sans doute l’interprétation qu’elle aura des nouvelles dispositions de l’article L. 643-13 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 12 mars 2014, qui reprenant les termes du précédent du10 mai 2012 précité, précise dans son dernier alinéa que la reprise produit ses effets rétroactivement pour tous les actifs que le liquidateur aurait dû réaliser pendant la procédure de liquidation judiciaire.

Il en résulte qu’en l’espèce, le gage du créancier prêteur ne pourra pas porter sur les biens et actifs qui existaient au jour de la clôture, mais uniquement sur les biens acquis postérieurement, par dérogation aux dispositions de l’article 2284 du code civil.

Frédérique Schmidt, Conseiller référendaire à la Cour de cassation

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