Revenu de base : les départements PS veulent prendre au mot Emmanuel Macron

Revenu de base : les départements PS veulent prendre au mot Emmanuel Macron

19.10.2018

Action sociale

Grand jour pour les 18 présidents de départements PS : le dépôt d'une proposition de loi qui sera examinée en janvier à l'Assemblée puis en mars au Sénat. Celle-ci vise à expérimenter pendant trois ans un revenu de base auprès de 60 000 habitants. Les collectivités espèrent bénéficier du droit à l'expérimentation locale défendu par le président de la République.

Jean-Luc Gleyze, le président PS de la Gironde, pouvait avoir le sourire ce 17 octobre, journée de refus de la misère. Autour de lui, ses homologues de 17 autres départements et les présidents des groupes PS à l'Assemblée nationale et au Sénat, Valérie Rabault et Patrick Kanner. Ce qui n'était à l'automne 2016 qu'une intuition politique se traduit deux ans plus tard par une proposition de loi. Elle sera examinée, explique Valérie Rabault, dans le cadre de la niche parlementaire du groupe socialiste le 17 janvier 2019 puis le 6 mars dans celle du groupe PS à la Haute-assemblée. Décryptage du projet autour de cinq questions.

1/ Quelle est l'origine du projet de revenu de base ?

En septembre 2016, le département de la Gironde s'associe avec la Fondation Jean-Jaurès pour expérimenter le revenu de base en Gironde. Deux laboratoires de recherche sont associés à la démarche. Au départ, quatre scénarios sont retenus : une fusion APL/RSA/prime d'activité ; une fusion des minima sociaux (rapport Sirugue) ; un revenu universel à 750 € et à 1 000 €. Sur place est mobilisée la population à travers une participation citoyenne (120 personnes) et un jury citoyen. Sur le net, les habitants peuvent également s'exprimer, ce qui permet de recueillir 4 000 propositions. Parallèlement, le projet est repris à l'automne 2017 par douze autres départements (1) qui lancent au printemps 2018 une grande enquête sur internet pour laquelle ils reçoivent 15 000 réponses. Dernièrement, ils ont été rejoints par cinq nouveaux départements (2), tous à majorité socialiste. "C'est une déception de ne pas avoir dans nos rangs des départements d'autres couleurs politiques, reconnaît Jean-Luc Gleyze. Sans doute y a-t-il certains stéréotypes à déconstruire, notamment autour de la place du travail".

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2/ Qu'est ce qui distingue le revenu de base du revenu universel d'activité ?
Lors de la présentation de la stratégie anti-pauvreté, mi-septembre, Emmanuel Macron a annoncé la création d'un revenu universel d'activité (RUA) qui regrouperait a minima le RSA, les aides au logement (APL) et la prime d'activité. Les départements veulent de leur côté expérimenter le revenu de base. En quoi ces deux mesures se différencient ? Si les deux propositions prévoient l'automaticité du droit pour lutter contre le non-recours, deux points essentiels distinguent les deux projets. D'une part, le revenu de base prévoit l'inconditionnalité du versement de l'aide (sous condition de ressources) quand le RUA le conditionne à l'acceptation de propositions d'emploi. "En décidant de conditionner le RUA à la reprise d'activité, explique le président de la Gironde, une personne handicapée risquerait de perdre l'AAH." D'autre part, le revenu de base serait ouvert à la tranche des 18-24 ans qui reste globalement à la porte de dispositifs sociaux. "Il y a eu un débat entre nous, poursuit-il, pour savoir si on devait démarrer le versement du revenu de base à 18 ou à 21 ans. Finalement, nous avons retenu l'âge de 18 ans." Le fait qu'un quart des 18-25 ans vivent en-dessous du seuil de pauvreté a pesé dans cette décision.

Loi santé du 26 janvier 2016

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3/ Combien cela pourrait coûter ?
Pour les départements de gauche, la réforme ne peut se faire sans effort financier. "La fusion du RSA, de la prime d'activité et de l'APL à budget constant se traduirait par 3,55 millions de foyers perdants selon un rapport de France stratégie de juin 2018. Un effort est donc indispensable", indique un document des départements. Sur la base d'une expérimentation auprès de 60 000 personnes (en tout), le coût supplémentaire par an serait de 18 millions d'euros. 
4/ Comment se décline le projet de revenu de base ?
Les 18 départements défendent un projet qui se veut "audacieux socialement, soutenable financièrement, crédible scientifiquement". Ils expliquent que "le revenu de base n'est pas le fossoyeur de la valeur travail". Et ils estiment que celui-ci permet d'accompagner les gens en transition professionnelle ou ceux qui éprouvent des difficultés pour sa maintenir. "Les jeunes agriculteurs qui ont du mal les premières années sont intéressés par cette mesure", glisse Philippe Martin, président du Gers. Concrètement, les départements souhaitent expérimenter deux scénarios : une fusion du RSA et de la prime d'activité ; une fusion du RSA, de la prime d'activité et de l'APL. Dans le premier cas, le revenu pourrait être fixé à 550 euros ; dans le second, à 740 €. La proposition de loi prévoit un appel à projet pour expérimenter pendant trois ans sur des petits territoires l'une ou l'autre des hypothèses. L'ensemble des bénéficiaires auraient un accompagnement social et professionnel renforcé. Les départements expliquent que la fin des tâches de contrôle (puisque le revenu serait inconditionnel) dégagerait du temps pour que les travailleurs sociaux puissent se consacrer à leur mission d'accompagnement.
5/ La proposition de loi a-t-elle des chances d'être votée ?
Sur le papier, la PPL est très fragile. Le groupe socialiste aussi bien au Sénat et surtout à l'Assemblée est ultra-minoritaire. Même avec le renfort des autres groupes de gauche, cela ne suffira pas à dégager une majorité. Les socialistes doivent donc intéresser les parlementaires de La République en marche. Les départements veulent prendre au mot le président de la République qui vante régulièrement le droit d'expérimentation des territoires permis par l'article 72.4 de la Constitution. Ils savent que le pouvoir central aura besoin des collectivités territoriales, notamment les départements, pour déployer un plan de lutte contre la pauvreté. Voilà pourquoi les 18 départements disent au chef de l'Etat : chiche, laissez-nous expérimenter !

 

(1) Ardèche, Aude, Ariège, Dordogne, Gers, Haute-Garonne, Ille-et-Vilaine, Landes, Lot-et-Garonne, Meurthe-et-Moselle, Nièvre et Seine-Saint-Denis.

(2) Alpes-de-Haute-Provence, Finistère, Hérault, Loire-Atlantique et Lot.

Noël Bouttier
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