SAAD : un régime d'autorisation conforté

11.12.2017

Droit public

Par un arrêt en date du 6 décembre, le Conseil d'État juge que les règles d'autorisation prévues pour les services d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD) ne méconnaissent pas les dispositions de la directive européenne sur les services du 12 décembre 2006.

Saisi par la Fédération française des services à la personne et de proximité (Fédésap) d’un recours visant à obtenir l’annulation du décret n° 2016-750 du 6 juin 2016 relatif à la liste des activités de services à la personne soumises à agrément ou à autorisation dans le cadre du régime commun de la déclaration, le Conseil d'État a  validé le 6 décembre ce texte qui n’est pas pour lui contraire aux règles européennes, plus précisément à la directive européenne sur les services du 12 décembre 2006. Explications.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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De la mise en place à la suppression du droit d'option

Les règles encadrant les activités des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) ont connu de nombreux changements au cours de ces 15 dernières années. Alors que la loi du 2 janvier 2002 avait entendu les faire relever du régime d’autorisation de création, de transformation et d’extension applicable aux ESSMS et lieux de vie et d’accueil, le plan Borloo de développement des services à la personne avait souhaité permettre aux gestionnaires de s’y soustraire en optant, s’ils le souhaitaient, pour un régime d’agrément, dit agrément qualité. Une ordonnance du 1er décembre 2005 se chargea d’introduire un article L. 313-1-1 au sein du code de l'action sociale et des familles (CASF) prévoyant ce droit d’option pour les SAAD intervenant dans le champ de l’aide sociale à l’enfance, en direction des personnes âgées, des personnes handicapées ou des malades chroniques. Fortement critiqué notamment par la Cour des Comptes, ce droit d’option fut supprimé par la loi d’adaptation de la société au vieillissement (ASV) du 28 décembre 2015. Le CASF prévoit désormais que tous les services agissant en mode prestataire figurant à l'article L. 312-1 de ce code doivent être autorisés (autorisation de création, de transformation ou d'extension). Par ailleurs, pour intervenir auprès des bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH) et bénéficier des financements à ce titre, un SAAD pour personnes âgées ou handicapées doit y être autorisé spécifiquement s'il n'est pas détenteur de l'habilitation à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale (CASF, art. L. 313-1-2). Il s'agit en quelque sorte d'autoriser les services à dispenser des prestations prises en charge par l'APA ou la PCH. Afin de permettre aux structures de poursuivre leur activité sans interruption sous le nouveau régime de l'autorisation, le législateur a prévu que les SAAD agréés au 29 décembre 2015 "sont réputés détenir [...] une autorisation ne valant pas habilitation à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale à compter de la date d'effet de leur dernier agrément". Ils sont également réputés autorisés au titre du nouveau régime mis en place par l'article L. 313-1-2 du CASF (autorisation de dispenser des prestations prises en charge au titre de l’APA ou de la PCH).

La directive européenne "services"...

C’est sur la base de ces nouvelles dispositions législatives que le précédent gouvernement a pris le décret du 6 juin 2016 relatif à la liste des activités de services à la personne soumises à agrément ou à autorisation dans le cadre du régime commun de la déclaration (D. n° 2016-750, 6 juin 2016 : JO, 8 juin). La Fédésap, contestant la légalité de ce décret, a saisi le Conseil d'État en vue d'en obtenir l’annulation. La Haute juridiction administrative, après avoir écarté toute une série de moyens de droit portant notamment sur la procédure d’élaboration du décret et ses signataires, en vient à trancher la question essentielle, à savoir celle de la compatibilité du régime d’autorisation avec la directive européenne relative aux services dans le marché intérieur (Dir. 2006/123/CE, 12 déc. 2006).

Cette directive vise notamment à limiter les régimes d’autorisation préalable. Son article 9 prévoit ainsi que "Les États membres ne peuvent subordonner l'accès à une activité de service et son exercice à un régime d'autorisation que si les conditions suivantes sont réunies : / a) le régime d'autorisation n'est pas discriminatoire à l'égard du prestataire visé ; / b) la nécessité d'un régime d'autorisation est justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général ; / c) l'objectif poursuivi ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu'un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle". Le 2 de l'article 2 de la même directive prévoit que : "La présente directive ne s'applique pas aux activités suivantes : (...) / j) les services sociaux relatifs (...) à l'aide aux familles et aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin qui sont assurés par l'État, par des prestataires mandatés par l'État ou par des associations caritatives reconnues comme telles par l'État ; (...)".

Ce n’est pas la première fois que le Conseil d'État est saisi de la question de la compatibilité avec cette directive par des acteurs du secteur social et médico-social. Ainsi en 2011, certains groupements représentatifs des lieux de vie et d’accueil (LVA) avaient entendu obtenir l’annulation du décret n° 2010-870 du 26 juillet 2010 sur la nouvelle procédure d’autorisation en ce qu’il s’appliquait aux LVA. La Haute juridiction administrative avait considéré que les LVA étaient exclus de la directive services car ils pouvaient être regardés comme des services sociaux mandatés par l’État au vu des "obligations particulières pesant sur eux, s'agissant de leur création, de leur organisation, notamment en termes de structure et de financement, et de leur fonctionnement", prévues par les articles L. 313-1, L. 313-1-1 et L. 313-13 à L. 313-20 du CASF (CE, 30 déc. 2011, n° 343450).

...s'applique aux services d'aide à domicile...

La solution ne pouvait être aussi simple pour les SAAD puisque lors de la transposition de la directive services, le gouvernement avait renoncé à cette qualification. Le 21 janvier 2010, lors de l’examen par l’Assemblée nationale de la proposition de loi relative à la protection des missions d’intérêt général imparties aux services sociaux et à la transposition de la directive services, la secrétaire d'État chargée des Aînés, Nora Berra, avait ainsi déclaré que "certains services entrent dans le champ de la directive, par exemple les services d’aide à domicile, qui ne remplissent pas le critère du mandatement, ou les crèches et haltes-garderies, qui n’ont pas été considérées comme des services d’aide à l’enfance". Elle avait cependant ajouté que, pour le gouvernement "l’inclusion de ces services dans le périmètre de la directive ne remet en cause ni leur régime juridique ni leurs caractéristiques essentielles. Leurs régimes d’autorisation et d’agrément sont en effet justifiés pour des raisons impérieuses d’intérêt général, remplissant ainsi la condition posée aux articles 9 et 16 de la directive" (AN, 21 janv. 2010, 2e séance, compte rendu des débats parlementaires).

...et est compatible avec le régime d'autorisation

C’est bien l’analyse que fait également le Conseil d'État. Pour lui, "le régime d'autorisation auquel sont soumis, en application de l'article L. 313-1 du code de l'action sociale et des familles, les services d'aide et d'accompagnement à domicile relevant des 6° et 7° du I de l'article L. 312-1 du même code, dont il n'est pas soutenu qu'il serait discriminatoire, se justifie par le motif impérieux d'intérêt général que constitue l'encadrement de prestations fournies à leur domicile à des personnes vulnérables, que ne pourrait suffisamment assurer une mesure moins contraignante telle qu'un contrôle a posteriori". Pour la Haute juridiction administrative, ni les dispositions de la loi ASV, ni celles de son décret d’application ne méconnaissent les dispositions de l’article 9 de la directive sur les services.

Reste à savoir si la Fédésap en restera là ou saisira la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). L’histoire n’est donc peut-être pas terminée.

Arnaud Vinsonneau, Juriste en droit de l'action sociale
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