Sauvetage des documents d'urbanisme, mode d'emploi

04.01.2018

Immobilier

Quand la jurisprudence Danthony ne trouve pas à s'appliquer, les dispositions de l'aticle L. 600-9 du code de l'urbanisme prennent le relais. Le juge peut ainsi surseoir à statuer dans l'attente d'une régularisation, via une nouvelle délibération, en cas d'omission d'une consultation obligatoire préalablement à l'adoption d'une carte communale, lorsque l'avis défaillant aurait été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la délibération du conseil municipal.

Une commune se dote d'une carte communale par délibération de son conseil municipal, suivie d'une approbation par arrêté préfectoral. Ces deux actes sont toutefois censurés par le tribunal administratif, le conseil municipal ayant omis de consulter préalablement la chambre d'agriculture, d'une part, la commission départementale de la consommation des espaces agricoles (CDCEA), d'autre part, en parfaite méconnaissance des dispositions de l'article L. 124-2 du code de l'urbanisme. Souhaitant régulariser, la commune sollicite en cours d'instance les avis manquants, qu'elle produit en appel. Néanmoins, le juge d'appel rejette sa requête. Après avoir relevé que le projet de carte permet de procéder à des réductions significatives d'espaces agricoles et naturels, il considère que l'omission de ces deux consultations a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise par la commune, et que ce vice n'est pas susceptible de régularisation (CAA Douai, 1re ch., 12 nov. 2015, n° 14DA01485).

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La gestion immobilière regroupe un ensemble de concepts juridiques et financiers appliqués aux immeubles (au sens juridique du terme). La gestion immobilière se rapproche de la gestion d’entreprise dans la mesure où les investissements réalisés vont générer des revenus, différents lois et règlements issus de domaines variés du droit venant s’appliquer selon les opérations envisagées.

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Incidence variable de l'omission de consultations obligatoires

L'incidence du défaut de consultation varie selon le sens de l'avis qui aurait été rendu si l'organisme en question avait été consulté en temps voulu sur le projet de document. En l'espèce, saisis en cours d'instance, les deux organismes se sont prononcés sur la carte adoptée par :

- un avis favorable pour la CDCEA : le juge en déduit que l'absence de consultation de cette commission, qui ne constituait pas une garantie, n'a pas eu d'influence sur le sens de la délibération attaquée. Il neutralise ainsi ce vice de procédure en application de la jurisprudence dite "Danthony" (en vertu de laquelle un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie)  ;

- un avis défavorable pour la chambre d'agriculture : "dans ces conditions, eu égard aux conséquences du projet de carte communale sur les réductions d'espaces agricoles et naturels au profit de l'urbanisation du bourg, notamment à proximité d'exploitations, l'omission de la consultation de la chambre d'agriculture avant l'adoption de la carte communale a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la délibération du conseil municipal".

Le Conseil d'État annule en conséquence l'arrêt d'appel et impartit un délai de 3 mois au conseil municipal pour confirmer l'approbation du document par une nouvelle délibération prise, cette fois-ci, au vu de l'avis (défavorable) de la chambre d'agriculture.

Conditions d'une régularisation en application de l'article L. 600-9
La loi ALUR a introduit la possibilité pour le juge administratif de surseoir à statuer en attendant la régularisation d'un document contesté. Ainsi, lorsqu'il est saisi de conclusions dirigées contre un SCOT, un PLU ou une carte communale et après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, il peut surseoir à statuer, jusqu'à l'expiration d'un délai qu'il fixe, s'il estime qu'une illégalité entachant l'élaboration ou la révision de cet acte est susceptible d'être régularisée (C. urb., art. L. 600-9).
 
Cette mesure qui concerne les documents dont l'élaboration, la révision ou la modification a été engagée avant la publication de la loi ALUR, soit avant le 26 mars 2014 ( L. n° 2014-366, 24 mars 2014, art. 137, II), est d'application immédiate aux instances en cours. Par conséquent, le juge d'appel peut la mettre en oeuvre à compter de son entrée en vigueur, y compris dans le cas où il est saisi d'un jugement d'annulation rendu avant l'entrée en vigueur de la loi, soit le 27 mars 2014 ( CE, 12 oct. 2016, n° 387308).
 
L'arrêt Sempy du 22 décembre 2017 (publié au Recueil) apporte plusieurs précisions.

La question se posait de savoir si le juge pouvait prendre en compte les avis émis postérieurement à l'adoption du document et fournis spontanément en vue d'une régularisation. Non seulement, il "peut se fonder sur ces éléments sans être tenu de surseoir à statuer, dès lors qu'il a préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur la possibilité que ces éléments permettent une régularisation en application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme", mais encore, s'ils s'avèrent insuffisants pour lui permettre de regarder le vice comme régularisé, "il peut surseoir à statuer en vue d'obtenir l'ensemble des éléments permettant la régularisation".

Par ailleurs, l'incertitude demeurait sur le droit applicable pour la régularisation des vices, entre deux options possibles : celui en vigueur lors de la décision initiale contestée ou celui applicable au moment de la régularisation.  Le Conseil d'État indique qu'il "appartient à l'autorité compétente de régulariser le vice de forme ou de procédure affectant la décision attaquée en faisant application des dispositions en vigueur à la date à laquelle cette décision a été prise".

Laurence Guittard, Dictionnaire permanent Construction et urbanisme
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