Secret des affaires : quels sont les premiers apports de l'Assemblée nationale ?

Secret des affaires : quels sont les premiers apports de l'Assemblée nationale ?

30.03.2018

Gestion d'entreprise

Dans sa version votée mercredi en première lecture par les députés, la proposition de loi transposant la directive sur les secrets d’affaires évolue légèrement.

Définition du secret d’affaire

Tout d’abord la définition de l’information protégée au titre du secret des affaires reste calquée sur celle de la directive et par là même sur l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC). Elle pourrait figurer dans le code de commerce. Deux éléments ont cependant été apportés :

  • une information ayant potentiellement une valeur commerciale pourrait être secrète si elle remplit les deux autres conditions cumulatives (information non connue ou aisément accessible et faisant l’objet de mesures de protection),
  • elle serait protégée notamment parce qu’elle est explicitement mentionnée comme confidentielle. Cet ajout par un amendement adopté en séance pourrait servir de ligne directrice aux entreprises.
Détention légitime d’un secret

La proposition de loi précise ensuite les cas dans lesquels un secret des affaires pourrait être légitimement détenu par une entreprise, sur le même schéma que la directive de juin 2016. Mais le texte sur lequel les députés ont donné leur aval ne retient pas un élément important du texte européen. Pourrait donc ne pas être reconnu, en droit français, le fait d’obtenir légalement un secret d’affaires par « toute pratique qui, eu égard aux circonstances, est conforme aux usages honnêtes en matière commerciale ». Cet oubli n’est pas favorable à la défense d’une société face à l’action de l’un de ses concurrents, par exemple.

Personnes n’ayant pas à le respecter

Concernant les exceptions à la protection du secret des affaires, le texte est légèrement allongé par rapport à la proposition initiale et à la directive de 2016. Elles visent notamment l’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’un secret par un journaliste (la mention de l’exercice du droit à la liberté d’expression, de communication, au respect de la liberté de la presse et à la liberté d’information établie par la Charte des droits fondamentaux de l’UE sont des références au droit constitutionnel français, au droit européen, ainsi qu’à la Convention européenne des droits de l’homme et du citoyen, sources du droit de la presse). De même que par un lanceur d’alerte - notamment un salarié - au sens de la loi Sapin II. Ou par les salariés dans le cadre de leur interaction avec leurs représentants du personnel (avec exceptions à l’exception cependant). « La protection d’un intérêt légitime reconnu par le droit de l’UE ou le droit français, notamment pour empêcher ou faire cesser toute menace ou atteinte à l’ordre public, à la sécurité publique, à la santé publique et à l’environnement », est aussi supérieure au secret des affaires.

Procédure abusive

Le détenteur d’un secret d’affaires qui s’estimera lésé pourra intenter une action en responsabilité civile contre l’auteur de l’atteinte. Les critères de fixation des dommages et intérêts au profit du demandeur sont explicités, conformément à la directive. De même que la possibilité de rendre publique la décision de justice. De telles mentions devraient figurer dans le code de commerce.

Mais attention, les députés ont décidé d’ajouter un cas, celui de la procédure dilatoire ou abusive. Toute personne morale ou physique agissant abusivement sur le fondement du secret des affaires pourrait alors se voir condamner au paiement d’une amende civile ne pouvant dépasser 20 % du montant de sa demande en dommages et intérêts ou 60 000 € (si aucune demande n’a été faite). Des dommages et intérêts seraient également accordés à la partie victime de l’action. Tout ceci resterait définit par le code de commerce.

Protection des pièces en justice

Enfin, concernant la production de pièces versées à l’occasion d’un procès, et lorsqu’il est allégué par une partie ou un tiers qu’elle est de nature à porter atteinte au secret des affaires, la manière dont le juge - tant civil que commercial - pourrait la protéger est abordée par le texte. Les idées retenues par le législateur sont déjà celles employées par le juge consulaire.

Un nouveau point de crispation pourrait émerger sur ce texte, déjà largement mis sur le devant de la scène médiatique. Car son interaction avec le devoir de vigilance des grands groupes, dont la loi a tout juste un an, est questionné. Dans une vidéo, le député Dominique Potier, rapporteur sur la proposition de loi devoir de vigilance, met en garde contre l’idée d'utiliser le secret des affaires pour amoindrir le plan de vigilance que les sociétés doivent intégrer dans les rapports de gestion cette année.

 

 

 

Sophie Bridier

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