Simone Veil, celle par qui le handicap est devenu une politique

Simone Veil, celle par qui le handicap est devenu une politique

05.07.2017

Action sociale

Un hommage national est rendu aujourd'hui aux Invalides à Simone Veil, décédée le 30 juin. Son action à la tête du Parlement européen et dans la dépénalisation de l’avortement ne saurait faire oublier son engagement en faveur du handicap. C’est en effet elle qui a porté la loi de 1975 sur l’intégration des personnes handicapées, texte fondateur des politiques du handicap.

Moins de cinq mois après la promulgation de la loi sur l’interruption volontaire de grossesse, Simone Veil, ministre de la santé du gouvernement Chirac sous la présidence de Giscard d’Estaing, faisait voter la loi d’orientation du 30 juin 1975 sur « l’intégration des personnes handicapées ». Un texte qui posait ni plus ni moins que le premier cadre de référence à une politique nationale du handicap.

La loi de 1975 vient se substituer aux politiques d’assistanat en vigueur et pose comme « une obligation nationale » la mise en œuvre d’un ensemble de priorités jusqu’alors laissées au militantisme des acteurs ou à l’appréciation des décideurs locaux : éducation en milieu ordinaire, intégration dans l’emploi, intégration sociale et accès aux sports et aux loisirs, prévention et dépistage des handicaps dans la petite enfance, soins…

Une remise à plat du paysage du handicap

« A l’époque, c’était une révolution, explique Luc Gateau, président de l’Unapei. La loi de 1975 a représenté une étape décisive pour les personnes handicapées et leurs familles, car elle s’accompagnait d’un socle de droits fondamentaux, comme le droit au travail, le droit de bénéficier d’une garantie minimale de ressources et le droit d’être intégré en milieu ordinaire. »

Trois nouvelles prestations sont lancées avec l’allocation aux parents d��enfants handicapés, l’instauration d’un revenu minimum pour les travailleurs handicapés et l’allocation adulte handicapé (AAH). La reconnaissance du handicap et l’attribution des prestations sont confiées aux Cotorep et aux CDES (commissions départementales de l’éducation spéciale) – qui préfigurent les actuelles commissions des droits et de l’autonomies des personnes handicapés – et la politique nationale du handicap est soumise au Comité national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), « devenu depuis la principale instance de consultation des associations », souligne Luc Gateau.

Mais si le texte de Simone Veil a rebattu en profondeur les cartes du handicap, c’est aussi en raison de la philosophie politique qui le sous-tend. Pour Bruno Gaurier, membre de l’APF impliqué en 1975 dans les consultations préparatoires à la loi, la ministre de la Santé avait su capter le bouillonnement intellectuel de l’époque en faveur de l’intégration des personnes handicapées dans la société. « Avec la loi sur l’intégration des personnes handicapées, apparaît le premier texte qui nomme et organise l’obligation nationale de solidarité. C’était une avancée à l’échelle même de l’Europe ! La conséquence de ce principe est que nul ne peut être tenu en dehors de cette loi, à partir du moment où un handicap lui est reconnu. »

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Beaucoup de regrets, cependant

En 2002, auditionnée par une commission du Sénat lors des travaux préparatoires à la refonte de la loi de 1975, Simone Veil avait néanmoins convenu de l’immensité de la tâche qui restait à accomplir. « Avec l’autonomie bien plus importante qu’autrefois des personnes handicapées », constatait-elle, les problèmes de l’école, de l’emploi, de la tutelle parentale, du droit à la sexualité, de la vie en milieu ordinaire se posaient avec une acuité considérable, sans que « toutes les conséquences de ces évolutions » n’aient encore été tirées.

Le manque d’établissements pour certaines catégories de personnes handicapées, comme les autistes, lui apparaissait aussi comme la traduction d’un déficit jamais résolu qui affectait jusqu’à la prise en charge des personnes en institution. « Une question de ressources et de coût pour la collectivité », expliquait-elle aux sénateurs.

De même, celle qui confiait « avoir passé des dimanches à réécrire des formulaires rédigés dans un langage administratif incompréhensible pour le commun des mortels et même du public averti », s’agaçait des rigidités administratives, notamment sur la création et la répartition des places en établissements. Elle se disait également favorable à des pénalités aux collectivités refusant d’appliquer les règles d’accessibilité prévues par la loi pour les espaces publics ou les transports.

Loi santé du 26 janvier 2016

Morceaux choisis d'un texte aux multiples facettes

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Fidèle jusqu’au bout à une régulation par l’État

Autant de constats, parfois amers, qui expliquent qu’elle est restée jusqu’au bout très vigilante sur la place et le rôle de l’État dans l’organisation des politiques territoriales du handicap. Selon elle, il était indispensable de conserver « une politique nationale très exigeante et précise », même si, concédait-elle, sa mise en oeuvre devait s’effectuer « de façon plus souple au niveau des régions. » À ses yeux, déléguer la création de places nouvelles aux collectivités locales, censées être aux plus près des besoins du terrain, ne pouvait se faire que selon un plan national définissant « clairement les obligations des uns et des autres. »

C’est peut-être uniquement sur ce dernier point que l’évolution de la société l’a démenti. Avec le vote de la loi du 11 février 2005 « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », qui confiait aux départements de nouvelles compétences en matière de handicap, puis avec les différentes lois d’organisation territoriale (1), la politique du handicap a progressivement basculé du côté des collectivités, l’État ne conservant plus que les cordons de la bourse et la promulgation des grandes orientations.

(1) La loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles du 27 janvier 2014, ainsi que la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) du 7 août 2015, ont notamment achevé de désigner le département comme "chef de file" en matière de politiques d’autonomie.

Michel Paquet
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