Sort des baux successifs de courte durée

04.07.2017

Gestion d'entreprise

Le preneur qui se maintient dans les lieux à l'issue de son bail dérogatoire, sans toutefois dépasser la limite prévue à l'article L. 145-5 du code de commerce, mais sans que soit régularisé à son profit un nouveau bail dérogatoire, bénéficie d'un bail commercial soumis au statut.

Dans le cas d’espèce, un bail dérogatoire est conclu le 14 juin 2010 pour une durée de 4 mois expirant le 13 octobre 2010. Le contrat est donc soumis aux dispositions de l’article L. 145-5 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2008.

Le preneur donne congé pour le 15 avril 2012, libère effectivement les lieux et remet les clés au bailleur le 21 mai 2012. Ultérieurement, le bailleur assigne le preneur en paiement des loyers et charges échus postérieurement aux termes du bail dérogatoire, au motif qu’il s’est opéré un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux et que le preneur est donc tenu au paiement du loyer jusqu’à l’échéance triennale du 13 octobre 2013.

La cour d’appel accueille la demande du bailleur et la Cour de Cassation rejette le pourvoi du preneur en retenant que ce dernier étant resté dans les lieux au-delà du terme contractuel d'origine (c'est-à-dire au-delà du 13 octobre 2010), il s’est opéré un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux à compter de cette date.

Cette motivation qui peut paraître surprenante est néanmoins justifiée.

En effet, en ayant occupé les lieux moins de 2 ans, le preneur pouvait considérer que son maintien au-delà de la date d’expiration contractuelle du bail dérogatoire lui permettait "d’échapper" au statut des baux commerciaux puisque, comme le prévoit l’article L. 145-5 du code de commerce dans sa rédaction applicable en la cause, la dérogation s’étend sur une durée maximum de 2 ans.

Cependant, l’article L.145-5 pose deux conditions dont, en l’espèce, une seule a été respectée :

- la durée effective de l’occupation ne doit pas être supérieure à 2 ans, ce qui est le cas ;

- pendant cette durée le preneur doit bénéficier d’un bail ou de baux successifs.

Or, dans le cas présent, le preneur s’est maintenu dans les lieux à l’expiration d'un premier et unique bail dérogatoire qui lui a été consenti. Il est donc resté en possession au-delà de la durée initiale sans qu’un nouveau bail dérogatoire lui soit consenti. La Cour de cassation, retenant l’argumentation des juges du fond, a donc estimé, à juste titre, que le preneur était soumis au statut des baux commerciaux à compter du 13 octobre 2010, date d’expiration du bail dérogatoire.

Remarque : avant la loi LME du 4 août 2008, l’article L. 145-5 du code de commerce prévoyait que les parties pouvaient, lors de l’entrée dans les lieux du preneur, déroger au statut des baux commerciaux à condition que le bail soit conclu pour une durée au plus égale à 2 ans. Si à l’expiration de cette durée, le preneur était laissé en possession il s’opérait un nouveau bail dont l’effet serait réglé par les dispositions statutaires.
Lors de l’entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008, la rédaction de l’article L. 145-5 du code de commerce a été modifiée, les parties pouvant, lors de l’entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions statutaires à condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à 2 ans. Depuis la loi du 6 août 2015, la rédaction de l’article L. 145-5 a encore été modifiée.
Désormais, il est possible de déroger aux dispositions statutaires à condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à 3 ans, date au-delà de laquelle les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant au statut des baux commerciaux pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux. Si, à l’expiration de la durée de 3 ans, et au plus tard à l’issue du délai d’un mois à compter de l’échéance, le preneur est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail soumis aux dispositions statutaires.
Philippe Legrand, Avocat à la cour d'appel de Paris

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