Souplesse - encadrée - dans la mise en oeuvre du DALO

06.01.2017

Droit public

Dans trois arrêts rendus en décembre, le Conseil d'État donne des précisions sur les mesures temporaires ou alternatives au relogement des personnes reconnues prioritaires au titre du droit au logement opposable (DALO), ainsi que sur l'étendue de la réparation du demandeur qui n'a pas reçu d'offre adaptée.

La mise en œuvre du droit au logement opposable (DALO) continue d'alimenter la jurisprudence du Conseil d'État. Lequel, par trois arrêts rendus au mois de décembre 2016 et publiés au recueil Lebon, apporte des précisions sur le contentieux du DALO, concernant à la fois l’étendue de l’office du juge, de l’obligation de résultat pesant sur le préfet et celle de la responsabilité de l’État.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Un hébergement dans l’attente d’un logement

Les dispositions combinées des articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation (CCH) énoncent expressément la possibilité pour la commission de médiation et le juge administratif de prévoir une mesure d’hébergement du demandeur s’ils estiment qu’elle est mieux adaptée à la situation de l’intéressé que l’attribution d’un logement.

Par une interprétation souple de ces dispositions, le Conseil d’État, dans un arrêt du 9 décembre 2016 (n° 394766), considère "qu’indépendamment de cette possibilité", le juge, lorsqu’il ordonne le logement ou le relogement du demandeur, peut également ordonner qu’il soit pourvu, dans l’attente de l’attribution d’un logement, à son accueil temporaire dans une structure d’hébergement, un établissement ou logement de transition, un logement-foyer ou une résidence à vocation sociale.

La Haute juridiction administrative précise que cette mesure temporaire peut être décidée en raison de la situation particulièrement précaire du demandeur de logement, mentionnant à ce titre l’absence de logement ou le fait qu’il réside dans un logement dont les caractéristiques justifient la saisine de la commission de médiation sans délai (CCH, art. L. 441-2-3, II, al. 2).

Alternatives à l’offre de logement

Aux termes de l’article L. 441-2-3-1 du CCH, le juge administratif ordonne le (re)logement du demandeur, reconnu prioritaire et devant être logé d’urgence par la commission de médiation, lorsqu’il constate que le préfet ne lui a pas offert de logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités dans le délai imparti.

Le Conseil d’État indique, dans un premier arrêt du 16 décembre (n° 388016), que ces dispositions ne font pas obstacle par principe à ce que le préfet puisse établir que, sans avoir fait d’offre de logement, il a effectivement mis fin par un autre moyen à la situation qui avait motivé la décision de la commission.

Dans le cas d’espèce, la décision de la commission de médiation reconnaissant la demande de relogement comme prioritaire était notamment motivée par le caractère insalubre du logement. A ce titre, l’autorité préfectorale avait mis en place un dispositif "accompagnement vers et dans le logement" (ADVL) afin de faciliter la réalisation par le propriétaire de travaux mettant fin à cette insalubrité, en vue du maintien dans les lieux du demandeur après travaux.

La Haute juridiction administrative considère toutefois que le juge administratif ne pouvait pas estimer que cette proposition faite au propriétaire valait offre de logement au demandeur, sans rechercher si le propriétaire avait accepté cette offre et effectivement engagé les travaux de nature à mettre fin à la situation d’insalubrité. L’État ne peut être délié de son obligation de résultat qu’à la condition que cette offre alternative soit de nature à assurer le relogement effectif du demandeur.

Étendue de la responsabilité de l’État

Enfin, dans un second arrêt du 16 décembre (n° 383111), le Conseil d’État rappelle que lorsqu’une personne a été reconnue comme prioritaire et devant être logée d’urgence par une commission de médiation et que le juge a ordonné son (re)logement, la carence fautive de l’État à exécuter ces décisions dans le délai imparti engage sa responsabilité.

Reprenant la solution dégagée dans son arrêt du 13 juillet 2016 (CE, 13 juill. 2016, n° 382872), la Haute juridiction administrative précise que la responsabilité de l’État est engagée à l’égard du demandeur, au titre des troubles dans les conditions d’existence résultant du maintien de la situation qui a motivé la décision de la commission. Ces troubles doivent être appréciés en fonction des conditions de logement, de la durée de la carence de l’État et du nombre de personnes composant le foyer du demandeur pendant la période de responsabilité.

Dans ces conditions et dès lors que la situation qui a motivé la décision de la commission de médiation perdure, la carence fautive de l’État cause à l’intéressé un préjudice réel, direct et certain, ce dernier justifiant en effet de ce fait de troubles dans ses conditions d’existence lui ouvrant droit à réparation. En l’espèce, le juge a accueilli la demande de réparation liée aux conditions de logement (situation de suroccupation), mais a rejeté les prétentions formulées au titre de la réparation des conséquences du divorce du demandeur que ce dernier liait à ses conditions de logement.

 

Matthieu Perdereau, Avocat
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