Suivi médical au travail, constatation de l'inaptitude : les règles changent !

Suivi médical au travail, constatation de l'inaptitude : les règles changent !

30.12.2016

Gestion du personnel

Dans quelques jours, le 1er janvier 2017, la réforme de la médecine du travail introduite par la loi El Khomri entrera en vigueur. A l'occasion de la publication de son décret d'application, nous revenons en détails sur les nouvelles règles qui vont désormais être applicables.

Avec la publication au Journal officiel hier du décret d'application de la loi Travail concernant la médecine du travail, le nouveau dispositif est prêt à entrer en vigueur au début de l'année 2017. Le titre V de la loi du 8 août 2016 portée par Myriam El Khomri, intitulé "moderniser la médecine du travail", prévoit en effet diverses mesures tendant à réformer le suivi médical au travail des salariés. Le décret fixe en particulier la nouvelle périodicité des visites médicales.

Attention : les articles du code du travail cités en référence sont ceux applicables au 1er janvier 2017

 
Quelle surveillance médicale pour les salariés ?

La loi et son décret d'application envisagent deux situations : le suivi individuel "classique" des salariés, et un dispositif spécial destiné aux salariés affectés à des postes dits "à risques".

Le suivi médical classique (articles L. 4624-1 et R. 4624-10 à R. 4624-21 du code du travail)

Chaque travailleur bénéficie d'un suivi individuel de son état de santé, comprenant une visite d'information et de prévention effectuée après l'embauche, et un suivi médical périodique. Notons qu'en dehors de ces visites et examens, le salarié peut bénéficier à sa demande d'un examen avec le médecin du travail (article R. 4624-34), ce dernier pouvant également réaliser ou prescrire des examens complémentaires (articles R. 4624-35 à R. 4624-38).

  • Visite d'information et de prévention

La visite d'information et de prévention doit avoir lieu durant la période d'essai, au maximum trois mois après l'arrivée du salarié dans l'entreprise. Elle peut être réalisée par le médecin du travail ou être confiée à un collaborateur médecin, un interne en médecine du travail ou un infirmier. Cette visite, réalisée individuellement pour chaque salarié, permet notamment d'interroger ce dernier sur son état de santé, de l'informer sur les risques éventuels auxquels l���expose son poste de travail et les moyens de prévention à mettre en oeuvre ou encore de l’informer sur les modalités de suivi de son état de santé par le service. A l'issue de cette visite, le salarié doit recevoir une attestation de suivi. Il peut être orienté vers le médecin du travail si le professionnel de santé ayant mené la visite le juge nécessaire.

La visite d'information et de prévention n'est pas toujours requise pour le travailleur qui a bénéficié d'une telle visite dans les 5 ans précédant son embauche. Pour en être dispensé, il doit être appelé à occuper un emploi identique et présentant des risques d'exposition équivalents. Mais il doit également n'avoir vu formuler à son égard aucune mesure individuelle d'aménagement de poste ni aucun avis d'inaptitude depuis 5 ans. En outre, la médecine du travail doit être en possession de la dernière attestation de suivi ou du dernier avis d’aptitude du travailleur. Pour les travailleurs handicapés, de nuit ou titulaires d'une pension d'invalidité, la durée est ramenée à 3 ans au lieu de 5 (article R. 4624-15).

  • Suivi médical périodique

Par la suite, la visite médicale d'information et de prévention doit être renouvelée, selon une périodicité déterminée par le médecin du travail dans le cadre d'un protocole fixé par ce dernier. Cette périodicité doit prendre en compte les conditions de travail du salarié, son état de santé, son âge, ainsi que les risques professionnels auxquels il est exposé. Le salarié doit au minimum effectuer une visite médicale tous les 5 ans.

Les salariés en CDD bénéficient d'un suivi individuel de leur état de santé d'une périodicité équivalente à celui des salariés en CDI.

Travailleurs handicapés, travailleurs mineurs, travailleurs de nuit... Quelle adaptation du suivi médical ? Selon la loi, le suivi individuel du salarié doit prendre en compte ses conditions de travail, son état de santé et son âge, ainsi que les risques auxquels il est exposé. Si la situation du salarié tenant à l'un de ces éléments semble risquée, le médecin du travail peut fixer une périodicité de son suivi qui n'excède pas 3 ans (contre 5 ans pour les autres salariés). Tel sera en particulier le cas, précise le décret, des travailleurs handicapés, de ceux déclarant être titulaires d'une pension d'invalidité ou encore des travailleurs de nuit. Pour ces derniers ainsi que pour les travailleurs de moins de 18 ans, la visite d'information et de prévention devra en outre être effectuée avant leur affectation au poste, et non durant la période d'essai.

Les femmes enceintes, venant d'accoucher ou allaitantes, ainsi que les travailleurs handicapés ou titulaires d'une pension d'invalidité sont, à l'issue de la visite d'information et de prévention, orientées sans délai vers le médecin du travail dans le respect du protocole qu'il fixe. Cette nouvelle visite peut notamment viser à adapter le poste de travail de la personne (articles R. 4624-17 à R. 4624-21).

 

Le suivi médical renforcé pour les postes "à risques" (articles L. 4624-2 et R. 4624-2 à R. 4624-28 du code du travail)

La loi définit le poste à risque d'un salarié comme "présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité ou pour celles de ses collègues ou des tiers évoluant dans l'environnement immédiat de travail". Les salariés concernés bénéficient d'un suivi individuel renforcé de leur état de santé. Le médecin du travail peut décider à tout moment de placer sous contrôle renforcé un travailleur dont le poste correspondant à la définition d'un poste à risques (article R. 4624-21).

On retrouve notamment parmi les postes à risques ceux exposant les salariés à l'amiante, au plomb au delà d'un certain seuil, aux agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction, à certains agents biologiques, aux rayonnements ionisants, aux risques hyperbares et au risque de chute de hauteur lors des opérations de montage et démontage d'échafaudages. Sont également concernés les postes pour lequel le code du travail prévoit un examen d'aptitude spécifique (par exemple, les jeunes en formation professionnelle affectés à des travaux dangereux), ainsi que les postes que l'employeur considère présenter des risques particuliers. Ce dernier peut en effet compléter (en le justifiant) la liste des postes à risque dans l'entreprise, sous réserve de l'avis des médecins y intervenant et de celui du CHSCT (ou à défaut, des DP). Cette liste doit être mise à jour tous les ans.

  • Examen médical d'aptitude

Pour ces postes, le suivi comprend un examen m��dical d'aptitude réalisé par le médecin du travail avant l'affectation du salarié sur son poste. Cet examen se substitue à la visite d'information et de prévention. Les salariés sous suivi renforcé continuent donc à bénéficier (comme c'était jusqu'alors le cas pour tous les nouveaux salariés), d'une visite médicale d'aptitude permettant de s'assurer de la compatibilité de leur état de santé avec le poste auquel ils sont affectés. L'examen donne lieu à la délivrance d'un avis d'aptitude ou d'inaptitude au poste qui est transmis à l'employeur et au travailleur et qui est versé au dossier médical en santé au travail de ce dernier.

L'examen médical d'aptitude n'est pas toujours requis pour le travailleur qui a été déclaré apte dans les 2 ans précédant son embauche. Pour en être dispensé, il doit être appelé à occuper un emploi identique et présentant des risques d'exposition équivalents. Mais il doit également n'avoir vu formuler à son égard aucune mesure individuelle d'aménagement de poste ni aucun avis d'inaptitude depuis 2 ans. En outre, la médecine du travail doit être en possession du dernier avis d’aptitude du travailleur (article R. 4624-27).
  • Suivi médical périodique renforcé

Les salariés affectés à des postes à risque devront faire constater leur aptitude par le médecin du travail selon une périodicité qu'il détermine, et au minimum tous les 4 ans. Mais, durant ce laps de temps, les salariés continuent à bénéficier d'un suivi, puisqu'ils doivent passer une visite médicale dite "intermédiaire" avec un professionnel de santé au travail (infirmier, par exemple) au maximum 2 ans après l'examen mené par le médecin du travail. Au final, ces salariés auront donc au minimum une visite médicale tous les deux ans : un examen d'aptitude avec le médecin du travail tous les 4 ans, et un entretien médical avec un autre professionnel de santé tous les 4 ans.

Les salariés en CDD bénéficient d'un suivi individuel de leur état de santé d'une périodicité équivalente à celui des salariés en CDI.

Une nouveauté concernant les examens de reprise (R. 4624-31)

Le travailleur bénéficie toujours d’un examen de reprise du travail par le médecin du travail après un congé de maternité, après une absence pour cause de maladie professionnelle et après une absence d’au moins 30 jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel. Mais le décret ajoute que, dès que l’employeur a connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail, il doit saisir le service de santé au travail. Ce dernier organise l’examen de reprise le jour de la reprise effective du travail par le travailleur, et au plus tard dans un délai de huit jours qui suivent cette reprise.

Quelle procédure pour constater l'inaptitude du salarié ?
Un examen médical suffit (L. 4624-4 et R. 4624-42)

Alors que deux examens médicaux espacés de deux semaines étaient jusqu'ici systématiquement nécessaires pour constater l'inaptitude d'un travailleur à son poste, la loi Travail prévoit la possibilité d'un examen unique (accompagné des examens complémentaires le cas échéant), sans conditions. Le texte rajoute toutefois que le médecin doit obligatoirement échanger avec le salarié durant son examen à propos des possibilités d'aménagement, d'adaptation, de mutation ou de changement de poste. Il doit aussi échanger avec l'employeur, par tous moyens. Ces échanges doivent permettre à chacun de donner son avis sur les observations et propositions que le médecin du travail entend adresser.

Comme c'était déjà le cas, le médecin du travail doit également avoir fait réaliser une étude du poste en question ainsi qu'une étude des conditions de travail dans l'établissement. L'employeur doit également indiquer la date à laquelle la fiche d'entreprise a été actualisée.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, si aucun aménagement de poste n'est possible et que l'état de santé du salarié justifie un changement de poste, le médecin du travail peut établir un avis d'inaptitude. Ce document doit être éclairé par des conclusions écrites et assorti d'indications concernant le reclassement du travailleur ainsi que sa capacité à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté (que l'inaptitude soit d'origine professionnelle ou non).

Si le médecin du travail estime qu'un second examen est nécessaire, ce dernier doit être réalisé dans un délai qui n'excède pas 15 jours après le premier examen, la notification de l'avis d'inaptitude devant intervenir au plus tard à cette date.

Obligation de reclassement consécutive à l'inaptitude

L'employeur a une obligation de proposer au salarié déclaré inapte un poste de reclassement, quelle que soit l'origine de l'inaptitude. Le poste proposé doit être aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail. L'obligation de reclassement est réputée satisfaite quand l'employeur a proposé au salarié un poste de travail qui tient compte de l'avis et des indications du médecin du travail.

  • Consultation préalable des délégués du personnel avant n'importe quel reclassement (L. 1226-2 et L. 1226-10)

Les délégués du personnel ne devaient jusqu'ici être consultés, dans le cadre d'une procédure de reclassement, que lorsque celle-ci faisait suite à un accident ou une maladie d'origine professionnelle. La loi Travail étend cette obligation aux cas d'inaptitude faisant suite à un accident ou une maladie d'origine non-professionnelle.

  • Impossibilité de reclasser : les cas de licenciement (L. 1226-12 et 1226-2-1)

Autre nouveauté : le médecin du travail peut désormais dispenser l'employeur de la recherche d'un reclassement en mentionnant dans l'avis que "l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi". Rappelons qu'il peut déjà mentionner que "tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé". L'employeur peut alors licencier le salarié.

En dehors de ces cas de dispense, rappelons que l'employeur ne peut licencier que s'il justifie de l’impossibilité de proposer au salarié un poste de reclassement correspondant à ses capacités et aux préconisations du médecin du travail (il doit faire connaître au salarié, par écrit, les motifs qui s'opposent à son reclassement) ou en cas de refus du salarié d’un tel poste.

Ces quatre motifs de licenciement s’appliquent à l’inaptitude d'origine professionnelle ou non professionnelle du salarié, qu’il soit en CDI ou en CDD.

Des recours contre les avis du médecin du travail (L. 4624-6 et L. 4624-7)

La loi Travail rend obligatoire pour l'employeur la prise en compte de certains avis ou propositions du médecin du travail : il s'agit des propositions d'aménagement de poste, des avis d'aptitude ou d'inaptitude ainsi que des avis rendus lors des examens médicaux des salariés sous suivi renforcé. Tout refus de l'employeur de tirer les conséquences de l'un de ces actes doit dorénavant être justifié par écrit auprès du médecin du travail (article L. 4624-6). En cas de contestation relative aux éléments de nature médicale ayant été retenus par le médecin pour rédiger ces documents, un recours est toujours possible. Cependant, il est modifié.

Le recours existant devant l'inspecteur du travail est en effet remplacé par une saisine en référé du conseil de prud’hommes pour demander la désignation d’un médecin expert (cette désignation s'effectuant via une liste d'experts inscrits auprès de la cour d'appel). La saisine doit être effectuée dans un délai de 15 jours suivant la notification des avis ou propositions litigieux, et doit donner lieu à information du médecin du travail. Par le biais de cette saisine, le médecin expert a accès au dossier médical en santé au travail du salarié, sans que ne puisse lui être opposé le secret médical. La formation de référé du tribunal de prud’hommes pourra décider de ne pas mettre les frais d’expertise facturés par le médecin-expert à la charge de la partie perdante, dès lors que l’action en justice n’est pas dilatoire ou abusive.

Ce nouveau recours est valable pour les décisions du médecin du travail émis à compter du 1er janvier 2017.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Laurie Mahé Desportes
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