Système « Dublin » : ni décision de transfert ni rétention avant la réponse de l'État requis

21.07.2017

Droit public

Le préfet ne peut notifier une décision de transfert et décider du placement en rétention avant que l'État saisi d'une demande de prise en charge ou de reprise en charge ait répondu, ou, le cas échéant, avant que le délai pour répondre ait expiré.

Dans un avis du 19 juillet 2017, rendu à la demande de la cour administrative d'appel de Douai (CAA Douai, 1ère ch., 14 mars 2017, n° 16DA01958), le Conseil d'État estime que le juge administratif, statuant sur des conclusions dirigées contre une décision de transfert et explicitement saisi d’un moyen en ce sens, doit prononcer l’annulation de cette décision si elle a été prise sans acceptation préalable de la prise ou de la reprise en charge de l'intéressé par l’État responsable.
 
Par voie de conséquence, l’étranger en cause ne peut être légalement placé en rétention avant qu'une décision de transfert ne soit régulièrement adoptée.
Annulation de la décision de transfert anticipée
La première question posée au Conseil d’État était de savoir si (comme le préfet du Pas-de-Calais le pratique de manière habituelle), une décision de transfert pouvait être prise avant même que l'État présumé responsable de l'examen de la demande d'asile ait notifié sa décision d'acceptation de prise ou de reprise en charge.
Remarque : la cour demandait également si le moyen tiré de la violation de l'article 26 du règlement ou de l'article L. 742-3 du Ceseda permettait de conduire à l'annulation, et si en l'absence d'un tel moyen, le juge pouvait le soulever d'office.
En réponse, le Conseil d'État affirme clairement qu'en l'absence de disposition expresse dans le Ceseda, « pour pouvoir procéder au transfert [...] l'autorité administrative doit obtenir l'accord de l'État responsable de l'examen de la demande d'asile avant de pouvoir prendre une décision de transfert du demandeur d'asile vers cet État ». Et, pour la Haute juridiction, une telle décision ne peut être prise, a fortiori, qu'après la réponse de l'État requis.
 
Dans ces conditions, comme le demandait la cour dans un second temps, le juge ne peut que prononcer l'annulation d'une décision de transfert adoptée de façon anticipée.
Nécessité d’un moyen expressément soulevé
Toutefois, répondant implicitement à la troisième question posée par la cour, le Conseil d’État estime que le juge administratif ne peut pas relever d'office l'illégalité de cette décision et ne doit prononcer son annulation que s'il est « saisi d'un moyen en ce sens ».
Impossibilité du placement en rétention
Toujours selon le Conseil d’État, le préfet ne peut, a fortiori, pas décider du placement en rétention administrative avant que l'État requis n'ait répondu, dès lors qu'il n'est pas habilité à prendre, à ce stade de la procédure, une décision de transfert qui est le seul acte qui peut en constituer légalement le fondement, comme en disposent les articles L. 551-1 et L. 561-2 du Ceseda.
 
Pour arriver à cette solution, le Conseil d'État fait une application singulière de la théorie de la loi écran, l'article 28 du règlement « Dublin » autorisant bien les États membres à placer les demandeurs d'asile en rétention « en vue de garantir les procédures de transfert conformément au présent règlement lorsqu'il existe un risque non négligeable de fuite de ces personnes, sur la base d'une évaluation individuelle et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel et si d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement appliquées ».
 
Cependant, pour le Conseil d'État, cette prérogative n'a pas été transposée par le législateur français qui n'a autorisé le placement en rétention qu'après l'intervention d'une décision de transfert.
 
C'est pourquoi, selon la Haute juridiction, il convient d'écarter les dispositions du règlement et d'appliquer strictement la loi, « le législateur [n'ayant] pas entendu que l'autorité administrative puisse placer en rétention administrative le demandeur d'asile faisant l'objet d'une procédure de transfert avant l'intervention de la décision de transfert ».
 
Dans ce cas, l'autorité administrative ne peut recourir qu'à l'assignation à résidence.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Christophe Pouly, avocat
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