Télétravail : signer un accord pour sortir de la "zone grise"

Télétravail : signer un accord pour sortir de la "zone grise"

21.09.2016

HSE

Conclure un accord sur le télétravail n'est pas de tout repos. Mais ce serait la meilleure façon de limiter les répercussions négatives liées à ce mode de travail. C'est en tout cas la voie qu'ont choisi Thalès, Schneider Electric et Generali. Que trouve-t-on dans leur accord ?

Nous sommes aux environs de 2005, dans une structure semi-publique implantée en région parisienne. Un accord sur le télétravail est signé, il concerne 10 % des employés. Dix ans plus tard, le quota de 10% est largement dépassé, et comme les télétravailleurs n’ont qu’à faire acte de présence dans les locaux 2 à 3 jours par mois au maximum, plusieurs ont quitté l’Ile-de-France. Résultat : le collectif de travail est réduit à peau de chagrin, et aujourd’hui, personne ne veut revenir dans les locaux plus régulièrement… En France, 17 % des salariés télétravaillent (voir notre brève). Mais le font-ils dans les règles de l’art ? Pour maîtriser les risques du télétravail et bénéficier de ses retombées positives – baisse de l’absentéisme, hausse de l’autonomie pour les salariés, etc. – mieux vaut éviter le "bricolage" (voir notre article).

Les textes clés
  • L’accord-cadre européen du 16 juillet 2002 ;
  • l’ANI (accord national interprofessionnel) du 19 juillet 2005 qui en résulte ;
  • la loi du 22 mars 2012 sur la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives (dite loi Warsmann II).
 
Formaliser, c’est mieux

L’accord sur le télétravail n’a rien d’obligatoire. Et pour arriver à en signer un, les négociations sont techniques et longues. L’affaire est donc bien plus compliquée que de faire un avenant au contrat de travail de son salarié. Quoique : environ 70 % des entreprises ne s’en donneraient même pas la peine (alors qu’il est obligatoire, contrairement à l’accord). C’est ce que Marion Denneulin, du cabinet Techologia, appelle la "zone grise" : le télétravail existe dans l’entreprise, mais sans être clairement défini ni encadré, ni même officialisé. "Signer un accord permet de poser des règles claires, comme les horaires auxquels on peut être contacté par l’entreprise par exemple", souligne-t-elle. Par ailleurs, certains textes comme celui signé par Schneider Electric en 2013 prévoient un modèle d’avenant au contrat de travail. Dans ce grand groupe industriel, l’avenant en question doit contenir dix informations, telle "le lieu du télétravail", "le rattachement hiérarchique du télétravailleur", ou encore "la prise en charge des coûts de fonctionnements liés au télétravail".

Imposer un quota ?

Hormis le modèle d’avenant, que mettre dans l’accord ? Dans le sien, signé en 2014, le groupe Thalès commence par poser les conditions d'éligibilité au télétravail. Dans cette entreprise, pour pouvoir y prétendre, il faut ainsi avoir une ancienneté d’au moins un an. Est également rappelé le principe de volontariat et d’engagement mutuel sans lesquels il ne peut y avoir de télétravail. Chez Thalès, on impose aussi un quotas de salariés qui pourront bénéficier de la mesure : 8 % si l’activité exercée en télétravail n’excède pas 2 jours par semaine, 10 % si cette durée est d’une journée hebdomadaire. Le quota est une option que Manon Denneulin déconseille : "Si certains salariés remplissent les conditions mais ne peuvent pas accéder au télétravail, cela crée une injustice", assure-t-elle. Ensuite, on trouve souvent dans les accords ce qui relève de la mise en place (ou de l'arrêt du télétravail, voir notre article). Conditions de candidature, conditions d’acceptation ou de refus des candidatures, délai de mise en place, période d’adaptation : en général, les entreprises signataires n'hésitent pas à rentrer dans le détail. D'autres comme la compagnie d’assurance Générali concentre le tout dans une rubrique "procédure et formalisation du passage au télétravail" où est expliquée la marche à suivre pour le salarié demandeur. Son accord date de décembre 2015.

"Il faut des gardes-fous"

Chez Schneider Electric, comme chez beaucoup d’autres, un bon tiers de l’accord est ensuite dédié à l’organisation à proprement parler du télétravail. Quel est le rythme et la fréquence de travail du salarié ? De quelle formation peut-il bénéficier ? En e-learning ? Quel est l’équipement mis à disposition ? À quelle hauteur sont remboursés les frais liés au télétravail à domicile ? Autant de questions cruciales résolues dans cette partie. Car bien souvent, il s’agit aussi pour l’entreprise de poser des jalons afin que le lien soit maintenu avec le travailleur. Chez Sanofi par exemple, en ce sens il a été décidé d’instaurer un jour dans la semaine où personne ne télétravaille, "de telle sorte qu’il est possible d’organiser des réunions", relate Marion Denneulin. D’autres entreprises choisissent d’imposer que les deux jours de télétravail hebdomadaires soient les mêmes pour tous. "Souvent, les IRP sont poussés par les salariés, qui veulent de la souplesse, de la latitude. Mais il doit y avoir des gardes-fous, pour ne pas que le collectif s’étiole et que les travailleurs s’isolent", commente-t-elle encore.

La question du contrôle

La loi n’impose pas de façons de contrôler le temps de travail. Ce contrôle peut donc passer par de l’auto-déclaration ou par un logiciel de pointage ; on peut aussi estimer que le temps de travail correspond au temps de connection. Générali précise simplement que "le télétravailleur gère l’organisation de son temps de travail à domicile sur la base des règles applicables au sein de l’entreprise du lundi au vendredi". À Technologia, on estime en tout cas que "les dispositions de contrôle doivent permettre de donner lieu à une éventuelle alerte", en cas de non-respect répété du temps minimal de travail ou bien plutôt de repos (voir notre article). Là où certaines entreprises prévoient de couper la connexion au réseau à partir d’une certaine heure, d’autres inscrivent dans leur accord la possibilité d’aborder la thématique de la charge de travail lors de l’entretien annuel du travailleur. C’est là aussi qu’intervient la commission suivi prévue par la plupart des accords. Chez Schneider Electric elle est composée de représentant de la direction, tandis qu’elle est paritaire chez Generali. C’est en tout cas elles qui auront sous les yeux les indicateurs permettant de mesurer régulièrement les apports du télétravail. La diminution des accidents de trajet (voir notre article) ou de l’absentéisme par exemple.

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Claire Branchereau
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