Taxation des contrats courts : le Conseil d’Etat limite le pouvoir réglementaire du gouvernement

Taxation des contrats courts : le Conseil d’Etat limite le pouvoir réglementaire du gouvernement

02.05.2018

Gestion du personnel

Dans son avis rendu vendredi dernier, le Conseil d‘Etat limite, jusqu’au 30 septembre 2020, le droit que se réservait l’exécutif de modifier par décret la modulation des cotisations patronales sur les contrats courts. Il critique également les cas d’exonération départementale figurant dans le volet sur le financement de la formation du projet de loi "Avenir professionnel".

Le Conseil d’Etat a fait part, en fin de semaine dernière, de ses objections concernant le projet de loi Avenir professionnel, adopté vendredi en Conseil des ministres. Et elles sont assez nombreuses. Sur le volet assurance chômage, il contrarie même sérieusement les projets du gouvernement qui prévoyait d'instaurer pour les entreprises des taux de cotisations patronales variables en fonction de leurs pratiques d'embauche pour freiner le recours aux contrats courts. L’exécutif se réservait, de fait, le droit de modifier par décret la modulation de ces cotisations patronales. L’objectif étant, aux yeux de l’exécutif, de prendre des mesures susceptibles de "lutter contre la précarité" en cas d’échec des négociations de branche d’ici à fin 2018. Or, les Hauts magistrats limitent "dans le temps, jusqu’au 30 septembre 2020, la capacité d’intervention du pouvoir réglementaire" sur ce sujet. Au-delà, "les règles ainsi fixées par décret en Conseil d’Etat cesseront d’être en vigueur et ne pourront à nouveau être adoptées que par les partenaires conventionnels". Idem pour les dispositions relatives au cumul d’une indemnisation chômage avec un revenu d’activité. Le Conseil d’Etat fixe là encore une dead line (le 30 septembre 2020) et renvoie aux partenaires sociaux le soin de négocier à nouveau.

Principe d'égalité remis en cause

Par ailleurs, le Conseil d'Etat note que l’extension de l’assurance chômage à certains indépendants en perte d’activité "soulève une difficulté sérieuse au regard du principe d’égalité entre assurés d’un même régime". En effet, cette allocation "n’est la contrepartie d’aucune cotisation sociale", à la différence des salariés. D’où une inégalité de traitement entre ceux qui cotisent et ceux qui ne cotisent pas.

En outre, en confiant à la convention d'assurance chômage "le soin de définir les mesures d’application du revenu de remplacement des travailleurs indépendants", le projet de loi implique "que ces mesures soient négociées par les syndicats de salariés, qui ne sont pas représentatifs de ce champs". Dès lors, il préconise de considérer la convention comme "un régime particulier distinct du régime d’assurance" ; les règles d’applications devant dans ce cas être fixées par décret en Conseil d’Etat.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Nouvelle donne pour le financement de l’assurance chômage

Autre sujet d’inquiétude : la transformation du financement de l’assurance chômage. Demain, le régime ne sera plus financé par les cotisations salariales mais par la contribution sociale généralisée (CSG), laquelle est assimilée à un impôt. Or, jusqu’à présent, le droit à un revenu de remplacement correspondait "à la contrepartie du versement de cotisations sociales". Le Conseil d’Etat met en garde contre cette "situation inédite" et invite l’exécutif "à approfondir sa réflexion (…) dans la perspective d’une réforme du système de protection sociale" en tirant toutes les conséquences "de la part prise par les impositions dans le financement de la protection sociale obligatoire".

Travail titanesque pour les instances paritaires régionales

Le Conseil d’Etat épingle également le projet de loi qui octroie une assurance chômage aux démissionnaires porteurs d’un projet de reconversion à "caractère réel et sérieux". Celui-ci sera évalué par des instances partiaires régionales. Mais pour le Conseil d’Etat, "celles-ci devront examiner plusieurs dizaines de milliers de projets par an". Un travail titanesque. L’étude d’impact, qui est annexé au projet de loi, "n’évalue pas de manière suffisante la charge", en termes "de secrétariat et de disponibilité des représentants des organisations syndicales et patronales". De même, elle passe sous silence "les moyens permettant d’assurer le bon fonctionnement du dispositif". Aussi la haute juridiction invite-t-elle le gouvernement à apporter des précisions sur ce sujet.

Cas d'exonération injustifiée pour la formation

Sur le volet formation professionnelle, le Conseil d'Etat regrette que le texte qui prévoit la conversion en euros des heures inscrites sur les CPF ne comporte "aucune disposition sur la revalorisation des montants acquis". Côté CPF de transition, il déplore également "que la commission chargée de statuer sur des projets individuels, qui ont vocation à être nombreux, ne soit pas dotée par le texte de moyens dédiés". Mais c’est surtout sur le financement de la formation que les Hauts magistrats se montrent plus critiques. Ils estiment, en effet, "que l’application des taux réduits pour les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle méconnaît le principe d’égalité". En effet, le projet de loi prévoit des cas d’exonération départementale : 0,75 % de la masse salariale pour les entreprises de moins de 11 salariés, 1,24 % pour celles de 11 à 250 salariés et 1,34 % au-delà (contre respectivement 0,99 %, 1,48 % et  1,60 % pour les autres départements). "La différence de taux de contribution pour ces trois départements n’est justifiée ni par une différence de situation, ni par un motif d’intérêt général", tacle le Conseil d’Etat.

Le risque d’atteinte à la vie privée

Enfin, côté égalité professionnelle, le Conseil d’Etat met en garde l’exécutif sur le recours d’un indicateur chiffré mesurant les écarts éventuels de rémunération, dans les entreprises d’au moins 50 salariés. En cause : "les risques potentiels d’atteinte à la vie privée et à la protection des données personnelles qu’un défaut d’anonymisation de l’indicateur chiffré ferait peser sur certains salariés aisément identifiables notamment dans certaines entreprises ayant un effectif réduit et oeuvrant dans certains secteurs d’activité".

L'examen parlementaire débutera le 29 mai en commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale pour une adoption prévue à l'été.

Anne Bariet
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