Tous les syndicats appellent à la grève le 30 janvier

Tous les syndicats appellent à la grève le 30 janvier

26.01.2018

Action sociale

C'est un vrai événement : une grève se prépare dans les Ehpad et les services d'aide à domicile mardi 30 janvier à l'appel de tous les syndicats de salariés. Les conditions de travail inhumaines et le sort réservé aux personnes âgées dépendantes sont vivement dénoncés. La ministre Agnès Buzyn tente de désamorcer la colère en annonçant des mesures jugées provocatrices.

"Lève, lave, rase, habille, alimente, tout ça en 10 minutes. Un exploit ? Non, mon quotidien, j'ai 90 ans et je (sur)vis en Ehpad." Le titre du dossier de l'Unsa donne le ton de la conférence de presse que les syndicats ont proposée le 25 janvier à la Bourse du travail à Paris. Ils sont tous là au premier rang, serrés les uns contre les autres, à appeler à la mobilisation le 30 janvier : CGT, CFDT, FO, CGC, CFTC, Unsa et Sud.

120 grèves locales

Tout a commencé par une lettre envoyée en octobre dernier au président de la République par l'association AD-PA et les syndicats CGT, FO, CFDT, CFTC et Unsa. Dans ce courrier, les organisations alertaient le chef de l'Etat sur la situation dramatique des Ehpad et la dégradation alarmante des conditions de travail des salariés. Cette lettre n'a jamais reçu de réponse de l'Elysée ; le pouvoir a fait la sourde oreille aux protestations qui montaient. La CGT santé et action sociale signalait que tous ses rendez-vous avec la ministre Agnès Buzyn ont été à chaque fois reportés. Déjà, en octobre, la perspective d'une grève nationale était envisagée si rien ne bougeait. Signe de la conflictualité en 2017 : 120 grèves locales ont été enregistrées, dont celle très médiatisée (et très longue) de Foucherans, dans le Jura.

Détresse humaine

Trois mois plus tard, nous y sommes : une grève nationale est prévue le 30 janvier pour tous les personnels des Ehpad et des services d'aide à domicile. Aux organisations syndicales initiales se sont joints la CGC et Sud. Même si elle n'appelle pas à la grève ("ce n'est pas notre rôle", explique Pascal Champvert), l'AD-PA déclare soutenir le mouvement (1).

La colère est présente sur toutes les lèvres. "La situation en France est dramatique. Nous avons un ratio de 0,60 ETP par résident quand l'Allemagne atteint le double", souligne Malika Belarbi pour la CGT. Sa collègue de l'aide à domicile Delphine Depay trace également un tableau très sombre : "Il y a une vraie détresse humaine. Les personnes âgées subissent des situations de maltraitance. Un problème de financement global se pose car il existe une inéquité entre les territoires. Il vaut mieux être vieux en Haute-Savoie qu'en Ardèche." Le représentant de la CFDT Bruno Lamy aligne les chiffres qui témoignent du mal-être ambiant : "Dans les Ehpad, le taux d'accidents au travail est le double de la moyenne nationale ; le taux d'absentéisme est de 10 %."

Des Ehpad dans l'ill��galité

Pour Luc Delrue, responsable de FO, la convergence tarifaire est en train d'appauvrir encore les Ehpad, déjà exsangues. "Elle aboutit en moyenne à la suppression d'un poste d'aide soignant par établissement", dénonce-t-il. Le représentant de la CGC Jean-Paul Zerbib dénonce une situation illégale dans de nombreux établissements : "Un tiers des Ehpad n'ont pas de médecin coordonnateur, contrairement à ce que prévoit la loi." Pour Christian Cumin, de la CFTC, nous sommes dans une situation de "non assistance à personnes en danger" et nous nous dirigeons vers "une crise majeure" comparable à celle dans les hôpitaux publics.

Une toilette faite en 10 mn

Sur le terrain, la situation est très tendue, à en croire le témoignage de Sandrine Ossard, aide-soignante syndiquée à la CGT : "Nous devons faire chacune 12 à 15 toilettes de résidents dans la matinée. Cela déborde souvent sur l'après-midi. Il faut faire une toilette en 10 mn alors que j'ai appris à l'école qu'il fallait 40 mn. Souvent, on met les résidents sur les fauteuils pour aller plus vite. C'est le même souci pour l'alimentation : pour que cela aille plus vite, on leur donne de l'alimentation mixée. Quand on n'a pas le temps de les emmener aux toilettes, on leur dit de faire dans leurs protections. Avant [elle travaille depuis 26 ans en Ehpad, NDLR], nous avions un résident en fauteuil pour quatre résidents qui marchaient ; aujourd'hui, les proportions sont inverses."

"Si c'était des dockers..."

La mobilisation sera-t-elle à la hauteur de la colère ? Les syndicats restent prudents sur ce point. A cela plusieurs raisons. D'une part, la ministre Agnès Buzyn a commencé à faire des annonces, jugées largement insuffisantes par les syndicats, qui visent à faire retomber le mouvement (lire encadré). Ensuite, la population concernée est largement féminine, peu syndiquée et profondément attachée au service rendu aux personnes âgées. Fera-t-elle grève dans ces conditions ? "Les pouvoirs publics profitent du fait que les salariés en Ehpad et dans les services à domicile sont très majoritairement des femmes et qu'elles sont engagées dans leur métier pour ne pas bouger. Ils ont même refusé l'agrément pour une augmentation des salaires de 0,54 % dans l'aide à domicile", dénonce Pascal Champvert qui ajoute : "Si c'était des dockers, la situation serait réglée depuis longtemps."

Lanceurs d'alerte

Pour le syndicat Sud, l'enjeu n'est pas simplement interne aux structures. "Nous sommes des lanceurs d'alerte, souligne Jean Vignes. La population doit se mobiliser avec nous." Ici ou là, à l'initiative des syndicats ou des directeurs, des pétitions ont été lancées auprès des familles ; des réunions ont été organisées ou vont l'être avec les élus locaux, etc. L'idée est de sortir le mouvement des établissements et de montrer la réalité au grand public. Des rassemblements devant les pr��fectures, les ARS ou les conseils départementaux devraient donner de la visibilité au mouvement.

2 500 postes d'aides-soignants

Le pouvoir acceptera-t-il d'ouvrir des négociations sur les conditions de travail ? Tout dépendra évidemment de l'écho rencontré par le mouvement, aussi bien en termes de mobilisation des salariés que d'impact sur l'opinion publique. Personne n'est prêt à se contenter des 50 millions d'euros annoncés par la ministre. "Cela représente la création de 2 500 postes d'aides-soignants", a comptabilisé Luc Delrue.

Le matin du 30, l'intersyndicale devrait rencontrer Agnès Buzyn (une autre entrevue est prévue à l'Elysée, mais non datée pour l'instant). Bercy qui a déjà fait les poches à la CNSA (100 M€ prélevés cette année) acceptera-t-il de desserrer les cordons de la bourse ? Les syndicats ont déjà prévenu qu'ils étaient prêts à poursuivre le mouvement s'ils ne se faisaient pas entendre. A bon entendeur, salut !

(1) La Fédération nationale des associations de directeurs d'établissements et services pour personnes âgées (Fnadepa) s'est déclarée également "solidaire de l'action du 30 janvier".

 

50 millions d'euros en plus
Le matin de la conférence de presse des syndicats, Agnès Buzyn faisait cette déclaration sur RTL : "Nous ajoutons [aux 100 millions d'euros de la loi de financement de la sécurité sociale, NDLR] 50 millions d'euros qui vont être donnés aux Agences régionales de santé pour qu'elles puissent accompagner au cas par cas, en fonction des difficultés, les Ehpad qui souffrent aujourd'hui d'un manque de moyens." La ministre devait se rendre ce 26 janvier dans un hôpital gérontologique pour évoquer la situation des Ehpad. Avec de nouvelles annonces ?

 

Action sociale

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Noël Bouttier
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