Un chèque numérique pour les exclus de la e-administration

Un chèque numérique pour les exclus de la e-administration

17.02.2017

Action sociale

À la mi-2017, un outil de réduction des inégalités face au numérique va faire son apparition : le chèque numérique. Identique à un titre restaurant, il cible en priorité les personnes fragilisées par le tout numérique des services publics et vise à solvabiliser des actions d’accompagnement dans le réseau de la médiation numérique. Une petite révolution.

Le déploiement du numérique dans toutes les sphères de la société est devenu un nouveau facteur d’inégalité. Près de 40 % des Français se disent inquiets à l’idée de réaliser des démarches administratives et fiscales en ligne, et 13 % s’en sentent même incapables. Ces laissés-pour-compte de la dématérialisation sont composés en majorité de personnes âgées ou au faible niveau d’étude. Mais les difficultés d’appropriation du numérique représentent aussi un frein dans l’évolution des organisations et des pratiques, en particulier dans le monde du travail social.

D’où le feu vert donné fin 2016 par Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique et de l’innovation, lors de la présentation de mesures en faveur de l’inclusion numérique, pour la mise en place rapide d’un système de financement des prestations délivrées par les services de médiation numérique. Adoptant la forme d’un « chèque numérique », celui-ci vise à solvabiliser des actions d’accompagnement à la dématérialisation des services publics, mais concernera également les entreprises et les associations.

Un chèque, un commanditaire, un utilisateur

Développé par Médias-Cité, un acteur historique de la médiation numérique en Gironde, avec le soutien stratégique de l’Agence du numérique, le chèque numérique, d’une valeur faciale de 10 euros, reprendra les codes déjà bien éprouvés des titres restaurants (carnet de coupons détachables, code-barres pour assurer la traçabilité, intitulé du commanditaire). Les commanditaires pourront être aussi bien des collectivités, des établissements publics, des CCAS, que des associations nationales, des grandes entreprises, des fondations ou des chambres de commerce. À charge pour chacun d’entre eux de redistribuer les chéquiers au sein du réseau d’acteurs qu’ils auront priorisé.

« La diversité des commanditaires va permettre de toucher des publics très différents. Outre les personnes mises en difficulté par la dématérialisation des services publics, le chèque pourra être utilisé par des acteurs d’utilité sociale ou dans le cadre de la formation des salariés à des pratiques numériques innovantes », indique Orianne Ledroit, coordinatrice du pôle société numérique de l’Agence du numérique.

Afin d’impliquer les administrations, une proposition de décret est également en cours d’élaboration. « L’idée est qu’à chaque procédure de dématérialisation entamée par un service public, un rapport d’analyse des coûts évités soit annexé et qu’une part des économies soit affectée à l’accompagnement des populations fragiles », explique Gérald Elbaze, chef de projet chèque numérique à Médias-Cité.

Une vocation structurante

Au-delà de l’accompagnement à la transition numérique, l’intention est de structurer la filière de la médiation numérique (10 000 lieux en France). Un diagnostic préparatoire réalisé par l’Agence du numérique, en 2016, a ainsi conclu à sa faible visibilité, non seulement territoriale mais en termes d’offre de services (voir encadré). La plateforme nationale de gestion et de télé-paiement qui accompagne le dispositif va contribuer à dissiper ce flou en traçant l’utilisation de chaque chèque, la structure où il aura été échangé, l’activité effectuée, le circuit de distribution emprunté, et en dressant ainsi une cartographie très précise des lieux de médiation numérique et de la palette de services associés. « Les exploitations statistiques resteront toutefois non nominatives. On trace les usages, mais pas les personnes, ce qui pour les travailleurs sociaux est déterminant », rassure Gérald Elbaze.

Les lieux de médiation numérique seront quant à eux équipés d’un lecteur de code-barres et n’auront plus qu’à renseigner l’utilisation des titres afin d’obtenir leur paiement. Pour cela, une adaptation de leur cadre réglementaire et fiscal a dû être engagée. « Beaucoup de lieux sont en effet pilotés par des collectivités, si bien qu’ils ne disposent pas de régie de recettes en propre et ne peuvent pas encore recevoir des paiements », explique Gérald Elbaze.

Enfin, un mécanisme redistributif est inclus pour compenser les inégalités entre territoires. A minima, 1 % des valeurs qui circuleront seront réaffectées dans des fonds de soutien territoriaux pour l’innovation sociale et numérique.
 
Un lancement fin de premier semestre 2017

Grâce aux soutiens déjà enregistrés au niveau des régions ou d’acteurs nationaux, comme la fondation AFNIC, l’organisme qui organise le dépôt des noms de domaines pour la France, un fonds d’amorçage de 150 000 euros en équivalent chèques est d’ores et déjà prévu pour le démarrage du dispositif sur quelques territoires présélectionnés, fin du premier semestre 2017. Une quinzaine d’autres territoires se sont portés candidats pour accompagner ce lancement.

Courant 2017, la structuration de la filière sera parachevée avec la création d’une coopérative des acteurs de la médiation numérique. Trois missions sont assignées à cette nouvelle entité : « représenter les acteurs de la médiation numérique auprès des pouvoirs publics et renforcer l’animation du réseau national, fournir des services aux membres de la coopérative (appui à l’ingénierie de projet, mutualisation d’achats, etc.), et enfin proposer un portage financier et une ingénierie de projets permettant de solliciter des financements de grande ampleur », indique l’Agence du numérique. Le dispositif des chèques numériques constituera le premier « bien commun » de cette coopérative.

 

La médiation numérique, une galaxie multi-services

Peu connue du grand public, la médiation numérique couvre l’ensemble des besoins générés par la transition numérique. Outre les 7 000 espaces publics numériques (EPN), on dénombre 3 000 autres structures très diverses, toutes dotées d’une dimension pédagogique. Les Fablabs et infolabs, les tiers-lieux, les maisons de service public, les plateformes numériques itinérantes, les Repair cafés, les médiathèques et les classes numériques.

 

Retrouvez nos précédents articles sur le défi des TIC (technologies de l'information et de la communation) dans le travail social :

Tous les articles de cette série sont rassemblés ici (lien à retrouver sur le site de tsa, dans la colonne de droite, rubrique "Dossiers").

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