Un clip pour changer l'image de la vieillesse

Un clip pour changer l'image de la vieillesse

04.05.2018

Action sociale

"Les mémés s'éclatent"... sous ce titre humoristique, en Franche-Comté, six personnes âgées d'un Ehpad et d'une association de maintien à domicile ont concocté un clip vidéo qui souligne l'aspiration à la liberté et le refus de toute discrimination par l'âge. Le clip a déjà eu 150 000 vues sur Youtube. Les explications de la directrice de l'Ehpad.

 

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"Je ne veux pas que vous décidiez pour moi / offrez moi du personnel, j'en ai besoin / une sortie à Neufchâtel, ça me ferait du bien / du chocolat, j'en mangerai plein... Moi, je veux vivre selon mes valeurs / de l'amour, de la joie, de la bonne humeur..." Sur les paroles d'une chanson de Zaz retravaillées pour l'occasion, six "mémés" proposent une ballade enjouée où elles se mettent en scène, autour d'une partie de pétanque, d'une fête foraine ou d'une séquence de maquillage, loin des images classiques associées au vieillissement.

Ce petit trésor de bonne humeur déjà vu par 150 000 personnes sur Youtube est le fruit du travail commun d'un Ehpad, la Résidence du parc à Audincourt, dans le Doubs, et d'une association d'aide à domicile basée dans le Territoire de Belfort voisin. Maryline Bovée, la directrice de l'Ehpad, explique les tenants et aboutissants de cette démarche originale.

 

tsa : Pouvez-vous nous présenter l'Ehpad que vous dirigez ?

Maryline Bovée : La Résidence du parc est un Ehpad public autonome qui relève de la fonction publique hospitalière. Il comprend 89 personnes en hébergement classique, 5 lits en accueil temporaire et une unité fermée de 26 personnes présentant des problèmes cognitifs. Ce lieu a été agrandi et repensé entièrement en 2012 selon une conception innovante dans les couleurs, le mobilier, etc. Il est vraiment conçu comme un lieu de vie qui donne du soin et surtout pas l'inverse.

 

Comment est né ce projet de clip ?

Directrice de cet établissement depuis 2002, je suis, par ailleurs, correspondante régionale de l'association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA). Celle-ci développe la démarche Citoyennage qui vise à donner la parole aux personnes âgées et à les considérer comme de vrais citoyens. Pour lancer cette idée dans ma région, je me suis adressée à l'ensemble de mes collègues, mais pratiquement personne n'a semblé intéressé. Cette absence de réaction favorable est sans doute due à une trop grande frilosité. Seule une association d'aide à domicile basée à Belfort, Colchique, a répondu à notre invitation. Un groupe de six personnes, trois de chaque structure, s'est constitué et s'est retrouvé régulièrement pendant deux ans.

 

Quel était leur objectif ?

Ces six citoyennes - selon la dénomination de Citoyennage - ont choisi de travailler sur le thème "Passer de l'exclusion à l'inclusion". Elles ressentent très fortement le fait qu'avec l'âge, elles ne sont plus écoutées, y compris de leur famille qui a tendance à décider de tout et à avoir un droit de regard sur toutes les dimensions de leur vie. Pendant deux ans donc, à raison d'une rencontre toutes les trois semaines, elles ont réfléchi à cette question de liberté, réalisé des petites interviews filmées et des sketchs. Pour laisser une trace de leur réflexion, elles ont eu l'idée de composer une chanson ou plutôt d'en adapter une, celle de Zaz "Je veux". De là est né le projet de réaliser un clip vidéo. Il a fallu chercher des financements pour réunir les 2 000 euros nécessaires à la réalisation de celui-ci. Ce clip a été présenté devant 200 personnes réunies en avril lors d'un colloque de Citoyennage à Sochaux. Il y avait là des personnes âgées, des professionnels, mais aussi des représentants de l'ARS et du conseil départemental du Territoire de Belfort.

 

Et alors, comment a-t-il été reçu ?

Les réactions ont été extrêmement favorables. Les participantes au clip ont reçu une standing ovation lors de cette manifestation. Tant et si bien que j'ai décidé de mettre la vidéo sur Youtube où elle a rencontré un succès foudroyant : en une semaine, elle a été déjà vue 150 000 fois. Et de nombreux journalistes s'y sont intéressés. Une équipe de Zone interdite a même passé plusieurs jours au sein de notre établissement pour réaliser un sujet qui devrait être diffusé en septembre.

 

Quelles sont les suites envisagées à cette mobilisation ?

Les six citoyennes ne vont pas s'arrêter là. Un projet de défilé intergénérationnel est dans l'air. Par ailleurs, elles ont prévu d'aller rencontrer des élus locaux pour parler des problèmes de transport. Les 6 et 7 septembre, elles seront présentes à Paris pour présenter leur clip lors d'un colloque de l'AD-PA. Pour la suite, il y a des projets de théâtre, de courts métrages, etc. qui pourraient se faire avec un groupe élargi.

 

Mais comment raccrochez-vous cette réalisation au projet de votre établissement ?

Dans notre Ehpad, nous avons choisi d'être à l'écoute des envies des résidents, notamment via les discussions au sein du conseil de la vie sociale. Quand des personnes ont des projets de vie, elles allongent leur vie. C'est ainsi que nous en avons emmené certaines en boîte de nuit, d'autres faire un karaoké ; nous avons organisé une soirée disco et même un baptême de l'air pour un résident. Dans toutes ces activités, l'âge importe peu. D'ailleurs, je ne connais pas l'âge des résidents. Le fait de le leur demander systématiquement est un élément stigmatisant. Est-ce que, dans la vie courante, on demande leur âge à tous ceux que l'on rencontre ?

Noël Bouttier
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