Un logiciel d'aide à la prescription est-il un dispositif médical ?

08.12.2017

Droit public

La Cour de justice précise les conditions pour qu'un logiciel d'aide à la prescription médicamenteuse puisse être regardé comme un dispositif médical.

La Cour de justice était saisie par le Conseil d’Etat d’une question préjudicielle portant sur le point de savoir si un logiciel d’aide à la prescription est susceptible de répondre à la définition du dispositif médical, dès lors que ce logiciel présente au moins une fonctionnalité qui permet l’exploitation de données propres au patient, en vue d’aider le médecin à établir sa prescription, notamment en détectant les contre-indications, les interactions médicamenteuses et les posologies excessives, et alors même qu’il n’agit pas par lui-même dans ou sur le corps humain (CE, 8 juin 2016, n° 387156).
Par un arrêt du 7 décembre 2017, la Cour de justice vient de répondre qu’un logiciel dont l’une des fonctionnalités permet l’exploitation de données propres à un patient, aux fins, notamment, de détecter les contre‑indications, les interactions médicamenteuses et les posologies excessives, constitue, pour ce qui est de cette fonctionnalité, un dispositif médical au sens de la directive 93/42/CE du 14 juin 1993, même si ce logiciel n’agit pas directement dans ou sur le corps humain.
Critères pour retenir la qualification de dispositif médical
La qualification d’un dispositif médical repose sur deux critères fondamentaux : la finalité médicale à laquelle le dispositif est destiné et le moyen par lequel l’action principale voulue est obtenue, l’intégration des logiciels dans le champ matériel de la définition du dispositif médical résultant de la directive 2007/47/CE du 5 septembre 2007.
En l’occurrence, la Cour de justice n’a pas eu de difficultés à considérer qu’un logiciel opérant un recoupement des données propres au patient avec les médicaments que le médecin envisage de prescrire et qui est ainsi capable de lui fournir une analyse visant à détecter d’éventuelles contre‑indications, interactions médicamenteuses et posologies excessives, est utilisé à des fins de prévention, de contrôle, de traitement ou d’atténuation d’une maladie et poursuit, en conséquence, une finalité spécifiquement médicale.
La seconde condition, tenant au mode d’action, impliquait de savoir si un logiciel qui n’agit pas par lui‑même dans ou sur le corps humain peut répondre à la définition du dispositif médical. La Cour a estimé que le législateur européen avait entendu, par sa directive 2007/47/CE, faire des logiciels autonomes des dispositifs médicaux en tant que tels.
De surcroît, même si elles sont dépourvues d’autorité juridique, les lignes directrices d’interprétation élaborées par la Commission européenne (couramment appelées « guides Meddev »), et notamment les Guidelines on the qualification and classification of stand alone software used in healthcare within the regulatory framework of medical devices (guide Meddev 2.1/6), prévoient que constituent des dispositifs médicaux les logiciels qui sont destinés à créer ou à modifier des renseignements médicaux, notamment par l’intermédiaire de processus de calcul, de quantification ou encore de comparaison des données enregistrées avec certaines références, afin de fournir des informations concernant un patient déterminé.
Par suite, un logiciel dont l’une des fonctionnalités permet l’exploitation de données propres à un patient, en vue de détecter des contre‑indications, des interactions médicamenteuses et des posologies excessives, constitue, pour ce qui est de cette fonctionnalité, un dispositif médical, peu importe qu’il n’agisse pas directement sur le corps ou dans le corps humain.
La Cour a également précisé que dans le cas où le logiciel implique plusieurs modules fonctionnels, seuls les modules répondant à la définition du dispositif médical doivent faire l’objet du marquage CE, les autres n’étant pas soumis à la réglementation des dispositifs médicaux.
La solution a été rendue sous l’égide de la directive 93/42/CE modifiée, mais elle est parfaitement transposable dans le contexte de l’application à venir du règlement 2017/745 du 5 avril 2017 qui abrogera et remplacera la directive à compter du 26 mai 2020.
Conséquences
Reste à voir comment le Conseil d’Etat statuera au fond. La Haute juridiction était en effet saisie d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le décret n° 2014-1359 du 14 novembre 2014 relatif à l’obligation de certification des logiciels d’aide à la prescription et à la dispensation, obligation introduite par la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 (CSS, art. L. 161-38).
Si les logiciels d’aide à la prescription médicale qui étaient en cause dans le cadre du renvoi préjudiciel sont qualifiés de dispositifs médicaux, le régime de certification auquel le droit interne les soumet pourrait en effet s’avérer incompatible avec le droit de l’Union, en ce que celui-ci ajoute une condition qui restreint la mise sur le marché ou la mise en service des dispositifs médicaux revêtus du marquage CE, une telle condition ne pouvant par ailleurs relever du mécanisme de la clause de sauvegarde permettant aux États membres d’interdire ou de restreindre la commercialisation de dispositifs risquant de compromettre la santé et la sécurité des personnes.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Jérôme Peigné, Professeur à l'université Paris Descartes
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