Un médecin non psychiatre de l'hôpital d'accueil peut être l'auteur du certificat d'admission

04.07.2017

Droit public

Le certificat initial pour l'admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'Etat peut émaner d'un médecin non psychiatre exerçant dans l'établissement d'accueil.

La Cour de cassation estime, dans une décision du 15 juin 2017, que, au regard de la lettre de l’article L.3213-1 du code de la santé publique, le certificat nécessaire pour l’admission en soins psychiatriques sans consentement sur décision du représentant de l’Etat (SDRE), s’il ne doit pas émaner d’un psychiatre exerçant dans l’établissement d’accueil, peut néanmoins émaner d’un médecin non psychiatre exerçant dans l’établissement d’accueil.
 
Une personne placée en soins psychiatriques sur décision du préfet conteste, dans le cadre du contrôle judiciaire obligatoire, la mesure dont elle a fait l’objet en s’appuyant sur le fait que le certificat exigé pour prononcer une telle admission par l’article L.3213-1 du code de la santé publique a été dressé par un médecin non psychiatre (probablement un médecin généraliste, on en trouve en grand nombre dans les établissements psychiatriques) exerçant dans l’établissement dans lequel elle a été admise. En cause d’appel, le premier président retient cet argument dans son ordonnance, considérant que l’article L. 3213-1, dans sa finalité, vise à imposer une garantie de neutralité résultant de la nécessité d'une évaluation médicale pratiquée par un médecin extérieur, indépendant de l'établissement d'accueil.
 
La première chambre civile de la Cour de cassation, cassant sèchement sans renvoi cette décision, affirme, en invoquant les termes mêmes de l’article L.3213-1 du code de la santé publique que, si le certificat initial préalable à l’arrêté du représentant de l’Etat dans le département ne peut pas émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement d'accueil, ce document peut néanmoins tout à fait être établi par un médecin non psychiatre exerçant dans cet établissement (ou par un psychiatre exerçant hors de l’établissement d’accueil).
Seul le psychiatre exerçant dans l’établissement d’accueil ne peut établir le certificat d’admission
La disposition de l’article L.3213-1 interdisant au psychiatre de l’établissement d’accueil d’établir le certificat d’admission a manifestement été introduite pour prévenir les conflits d’intérêt entre sa position de prescripteur de la mesure et d’agent de l’établissement la mettant en œuvre. Il serait logique de penser qu’une telle disposition, eu égard à sa finalité, doive alors s’appliquer à tout médecin de l’établissement d’accueil et non au seul « psychiatre » et c’est ainsi que le premier président de la cour d’appel a raisonné. La Cour de cassation considère pour sa part qu’il y a lieu de s’en tenir à la lettre du texte. Il faut admettre que celui-ci est clair : le législateur a bien écrit qu’il est interdit au « psychiatre » exerçant dans l’établissement d’accueil d’établir le certificat nécessaire à l’admission, et non, de manière générale, au « médecin » exerçant dans l’établissement d’accueil. Or, comme on l’enseigne aux étudiants en droit dès leur première année, interpretatio cessat in claris. Le Conseil d’Etat avait, avant la loi de 2011, abouti aux mêmes conclusions s’agissant des textes relatifs à l’hospitalisation d’office dont les modalités relatives au certificat d’admission étaient rédigées de manière identique (CE, 9 juin 2010, n°  321506).
Comparaison avec les soins sur décision du directeur d’établissement
Il faut ajouter que si le législateur de 2011 avait voulu interdire à tout « médecin » de l’établissement d’accueil, et non au seul « psychiatre », d’établir le certificat nécessaire à l’admission en SDRE, il aurait pu l’inscrire dans la loi. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait pour les autres types de soins. En effet, concernant les soins sur demande d’un tiers (SDT), le législateur a prévu expressément que le premier des deux certificats nécessaires pour l’admission ne peut émaner que d’un « médecin n’exerçant pas dans l’établissement d’accueil ». De même, quand la décision d’admission en soins est prononcée, sur la base d’un seul certificat, dans le cadre de la procédure de soins en péril imminent (SPI), « le médecin qui établit ce certificat ne peut exercer dans l'établissement accueillant la personne malade » (C. santé publ., art. L.3212-1). Il apparaît donc que les dispositions établies dans un but de prévention des conflits d’intérêt ont un contenu plus souple dans le cas des SDRE. L’explication à donner à cet allègement des garanties procédurales est obscure. Les débats parlementaires relatifs à la loi de 2011 n’éclairent pas particulièrement la justification de cette différence de régime. On peut seulement soulever l’hypothèse que, dans le cas d’un trouble à l’ordre public, le législateur a considéré qu’il faut, sans doute dans le but de protéger plus efficacement les tiers, faciliter le déclenchement des mesures permettant de mettre à l’écart en milieu psychiatrique l’auteur de ce trouble.
 

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Mathias Couturier, Maître de conférences à l'université de Caen
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