Un projet de loi mais encore beaucoup d’inconnues

Un projet de loi mais encore beaucoup d’inconnues

30.04.2018

Gestion du personnel

Muriel Pénicaud, la ministre du travail, a présenté vendredi en Conseil des ministres sa réforme de la formation professionnelle, de l'apprentissage et de l'assurance chômage, affichée comme le volet "émancipation sociale" d'une "flexisécurité à la française". Mais plusieurs questions restent en suspens, notamment les épineux problèmes de financement.

Après le premier volet de transition sociale, consacré à modernisation du marché du travail, en septembre, Muriel Pénicaud a présenté, vendredi, en Conseil des ministres le deuxième volet des réformes, portant sur la formation professionnelle, l’apprentissage, l’égalité professionnelle, le handicap et le travail détaché. "Ce texte fera date car il permettra à tous nos concitoyens d’avoir des droits réels et non formels", s’est-elle félicitée. Le projet de loi "Pour la liberté de choisir son avenir professionnel", affiché comme le volet "émancipation sociale", devrait être discuté en commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, le 29 mai.

Le oui mais de l’ANDRH

Aussitôt, le Medef a salué le texte. "La réforme de l’apprentissage est une chance pour notre jeunesse et nos entreprises, a indiqué Florence Poivey, présidente de la commission Education, formation et insertion de l’organisation patronale. Les branches sont prêtes à relever le défi de leur responsabilité nouvelle au cœur du dispositif. Nous savons que c’est ensemble, en copilotage avec les régions et l’Etat, que nous pourrons construire cette véritable ambition nationale". De son côté, l’ANDRH a accueilli positivement de nombreuses dispositions. Même si l’association regrette l’absence d’avantages fiscaux pour les employeurs qui investissent dans la formation et la mise à l’écart des entreprises vis-à-vis du CPF de leurs salariés. "Il faut que l’entreprise qui finance le CPF ait un droit de regard sur le compte du salarié pour valider si cet argent est utilisé à bon escient", a pointé Jean-Paul Charlez, le président de l’association qui plaide pour une meilleure articulation du CPF avec le plan de formation.

Un véritable parcours du combattant

Cette réforme, en apparence consensuelle, a buté sur plusieurs obstacles. "Il a fallu déverrouiller beaucoup de choses sur le plan administratif et financier", a reconnu la ministre. De fait, de nombreuses discussions ont été nécessaires pour parvenir à des compromis : concertation sur l’apprentissage réunissant régions, partenaires sociaux, chambres consulaires, CFA et administrations ; négociation avec les partenaires sociaux pour le volet sur la formation continue ; multiples rencontres bilatérales avec les organisations syndicales au ministère du travail et même à Matignon… Et ce, jusqu’à la dernière minute pour traiter les ultimes arbitrages avant la transmission du texte au Conseil d’Etat, fin mars. De nombreuses dissensions sont en effet apparues entre les acteurs de la formation. Un différend entre le Medef, la CPME et l’Association des régions de France sur la question du financement de l’apprentissage a perturbé sérieusement les négociations. Au point où deux séances de discussion ont été annulées, le 19 et le 26 janvier. La conclusion d’un accord, le 22 février après une longue nuit studieuse, n’a pas non plus calmé les esprits. Le mécontentement est cette fois venu de la ministre du travail qui a regretté que l’accord scellé par les partenaires sociaux n’aille pas assez loin. Comprenez : qu’il ne touche pas à "la complexité du système". "Il faut traiter l'architecture du système", "c'est le big bang dont le pays a besoin", avait-t-elle insisté, après la lecture du projet de l’ANI. D’où sa réécriture pour engager "une réforme systémique": compte libellé en euros et non plus en heures, transformation des Opca en opérateurs de compétences, nouvelle gouvernance avec la participation de l’Etat, transfert de la collecte aux Urssaf…

Une démarche guère appréciée des syndicats. En avril, Jean-Claude Mailly, alors secrétaire général de FO, avait critiqué, devant l'Association des journalistes sociaux (Ajis), le projet de loi "Avenir professionnel" dont bien des points vont "plus loin" que les accords conclus entre les partenaires sociaux sur la formation et l'assurance chômage. Il y a "pas mal de dispositions des accords qui ne sont pas respectées, ou qui vont plus loin, ce qui pose quand même un problème", avait-il souligné.

Un taux de contribution globale non déterminé

Le dossier n'est, d'ailleurs, pas tout à fait clos. Car si le projet de loi fait état d’un taux de contribution unique de formation revu à la baisse, de 0,99 % de la masse salariale pour les entreprises de moins de 11 salariés à 1,60 % au-delà de 250 (avec un pallier à 1,48 % pour celles de 11 à 250 salariés), la copie pourrait être revue lors du débat parlementaire. De source proche du ministère, la suppression d’exonération dont bénéficient certaines professions pour la taxe d'apprentissage, à savoir les secteurs associatif, agricole et des banques mutualistes, initialement prévue, pourrait être abandonnée. Ces aides sont évaluées à 600 millions d'euros par an. La faute aux lobbyings professionnels ? La cotisation globale pourrait du coup remonter à 1,23  % pour les entreprises de moins de 11 salariés à 1,68 % au-delà.

La ventilation renvoyée à un décret

De même, la ventilation de la contribution n’est pas tranchée. La question est renvoyée à un décret, "plus flexible afin d’ajuster les taux en fonction de la réussite ou non du CPF ou de l’alternance", selon l’entourage du ministère. La valorisation de l’heure de formation pour le CPF fait également débat. Si Muriel Pénicaud avait annoncé, en mars dernier, une valorisation d’environ 14,28 euros par heure, la question soulève de nombreux mécontentements, notamment du côté des organismes de formation. Car si celle-ci est supérieure au coût de prise en charge de la période de professionnalisation (fixé par le code du travail à 9,15 euros de l’heure), elle est, dans certains cas, bien inférieure au financement de certains Opca qui caracolent à 50 euros de l’heure pour le CPF. "Concrètement, cela veut dire moins de droits pour les individus, fulmine Natanaël Wright, président de Wall Street English (ex Wall Street Institute), un organisme de formation en langues. Si jusqu’ici une personne suivait une formation sur deux ans, elle devra, avec le nouveau système, se limiter à huit mois, en raison de la perte de son pouvoir d’achat". De son côté, le Conseil d'Etat, pointe, dans un avis publié le 27 avril, qu’aucune disposition "ne prévoit de revalorisation régulière des montants acquis".

Soit autant de délicates questions à régler. Probablement par décret. 30 textes d’application sont, d'ailleurs, attendus, pour accompagner le projet de loi.

 

Le calendrier de la réforme

Dès la publication de la loi

Apprentissage :

- Versement d’une aide de 500 euros pour le permis de conduire pour les jeunes qui entrent en apprentissage ou qui y sont déjà.
- Mesures assouplissant le droit du travail (durée du temps de travail, âge maximal…)
- Modulation possible pour un CFA pour adapter la durée de la formation et de l’apprentissage en fonction des acquis du jeune (formation plus courte).
- Lancement des prépas apprentissage (pour revoir les fondamentaux).
- Les entreprises pourront signer des contrats toute l’année.

Formation

- Nouvelle définition de l’action de formation
- Suppression de la période de professionnalisation
- Création de France compétences

1er janvier 2019

Apprentissage

- Instauration de l’aide unique aux entreprises de moins de 250 salariés employant un apprenti de niveau IV ou V

Formation professionnelle

- CPF libellé en euros : 500 euros par an et par salarié ( 800 euros pour les personnes non qualifiées)
- Transformation des Opca en opérateurs de compétences

Septembre 2019

Formation professionnelle

- Transfert en euros des heures CPF déjà acquises
- Lancement de l’application CPF pour smartphones

Fin 2019

Formation professionnelle

- Réorganisation des opérateurs de compétences en "filières ou en grand secteur d’activité"

Janvier 2020

Formation professionnelle

- Mise en place des nouveaux opérateurs de compétences
- Mise en place du financement au contrat pour les CFA

Janvier 2021

Formation professionnelle

- Certification des organismes de formation

Février 2021

- Formation professionnelle

- Première collecte de la contrition formation/alternance par les Urssaf

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Anne Bariet
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