Uniopss : la "vieille dame" veut toujours peser sur les politiques sociales

Uniopss : la "vieille dame" veut toujours peser sur les politiques sociales

10.11.2017

Action sociale

L'Uniopss a soufflé ses 70 bougies lors d'une journée de réflexions et festive organisée à l'Hôtel de ville de Paris. L'occasion pour l'organisation de se replonger dans une histoire méconnue et de mesurer le chemin parcouru depuis 1947. L'occasion aussi d'ausculter les tendances sociétales actuelles.

 

 

"Un meuble d'une immense qualité". La formule de l'ancien ministre Patrick Kanner traduit l'ancrage dans l'histoire des politiques sociales de l'Uniopss qui a fêté ses 70 ans, le 9 novembre. L’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux est née, en effet, en avril 1947 "dans la continuité du Conseil national de la résistance (CNR)", selon Patrick Doutreligne, son actuel président. Dans le contexte de l'après-guerre où la puissance publique s'affirme fortement, les associations entendent se regrouper pour peser et ne pas être écrasées par le rouleau compresseur de l'Etat.

Le plus grand dénominateur commun

Ancien directeur général de l'Uniopss, Hugues Feltesse explique que l'union s'est créée sur "le plus grand dénominateur commun possible" autour de "trois piliers". Il s'agit d'abord de "lutter contre tout ce qui fait que l'homme est transformé en objet". Aujourd'hui, on parle volontiers de marchandisation du travail social, mais le dessein est le même. D'autre part, l'Uniopss s'inscrit dans le cadre d'une "solidarité fraternelle" avec l'objectif de définir un "nous collectif".

Action sociale

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Enfin, l'organisation entend défendre la liberté d'action collective qu'elle juge menacée. En effet, la création deux ans plus tôt de la sécurité sociale inquiète les militants associatifs et mutualistes qui craignent que l'Etat impose ses règles et ne laisse pas d'espace au tiers secteur. Pour éviter que s'installent des relations de subordination entre le secteur public et les associations, l'Uniopss avance l'idée de contrat entre les deux parties.

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L'après-68 : faire tomber les murs

Dans cette déjà longue histoire, Hugues Feltesse identifie deux périodes clés qui ont conduit l'Uniopss à évoluer. Dans l'après-68, "un nouvel impératif apparaît : faire avec les personnes (et non plus pour elles), renforcer l'identité associative et faire tomber les murs de l'action sociale." Autant de thèmes qui sont plus que jamais d'actualité avec la logique de décloisonnement des secteurs et celle de l'accompagnement des personnes.

Années 80 : conquête de nouveaux droits

La seconde période se situe dans les années 1980 à un moment où se développe la grande pauvreté (les fameux "nouveaux pauvres"). C'est la période des prémices du collectif Alerte, à l'initiative de l'Uniopss, qui, sur la base du rassemblement des grandes fédérations associatives, va se mobiliser pour l'obtention de nouveaux droits fondamentaux. Alerte sera créé officiellement en 1994.

Le RMI d'inspiration associative

L'ancien ministre de la santé Claude Evin se souvient de l'influence qu'a eue le mouvement associatif sur la création du revenu minimum d'insertion (RMI) en 1988. "Michel Rocard, note celui dont il a été proche, s'est inspiré largement du rapport devant le conseil économique et social du père Wresinski "Grande pauvreté et précarité économique et sociale". De toute façon, sans le secteur associatif, il n'y aurait pas eu de réponse sur le volet insertion du RMI".

"Comment garder son originalité ?"

Les associations ont donc grandement influencé les décideurs politiques. Ils ont la capacité, explique Patrick Gohet, adjoint au Défenseur des droits, de "mettre le doigt sur ce qui ne va pas". Et à l'avenir, ce rôle d'alerte sera-t-il toujours reconnu par le pouvoir ? Les premières décisions du gouvernement (sur l'APL et les contrats aidés, par exemple) lors de cet "été pourri", selon l'expression de Patrick Doutreligne, ont montré que le gouvernement pouvait se passer de l'avis des associations. Pour Claude Evin, la question qui est posée à celles-ci est la suivante : "Comment garder son originalité dans une démarche d'ouverture à la société ?"

Logique individuelle d'adhésion

Jean-Paul Delevoye, ancien président du Cese, analyse les changements culturels très puissants. "Les tensions sont en train de s'exacerber. Les individus ne sont plus dans une logique d'obéissance, mais d'adhésion". Toutes les institutions, y compris les associations, sont fragilisées par ce nouvel individualisme.

"Le monde de demain appartient aux contestataires"

Selon le Haut-commissaire à la réforme des retraites, les associations ont toujours un rôle à jouer, mais elles doivent le redéfinir. "Elles doivent se demander ce qui renforce le collectif", soutient-il. Elles peuvent, d'une part, apaiser les inquiétudes sur l'avenir. Car, explique J.-P. Delevoye, "quand on n'a plus la gourmandise du futur, on est dans la surconsommation du présent". D'autre part, les associations doivent toujours éveiller les consciences. "Le monde de demain appartient aux contestataires", conclut-il. Voilà une belle feuille de route pour les... 70 ans à venir de l'Uniopss !

Noël Bouttier (texte) et Linda Daovannary (vidéo)
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