Validité du décret fixant la liste et le ressort des TCS

27.10.2017

Gestion d'entreprise

La demande d'annulation du décret du 26 février 2016 fixant la liste et le ressort des tribunaux de commerce spécialisés (TCS) n'est pas fondée, les critères de bassins d'emplois et de bassins d'activité économique ayant été pris en compte.

En vertu des dispositions de l'article L. 721-8 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, certains contentieux ou procédures sont attribués à des tribunaux de commerce spécialement désignés. Ils ont compétence exclusive pour connaître, des procédures collectives des débiteurs exerçant une activité commerciale ou artisanale lorsque ceux-ci ont une certaine importance ou lorsque la procédure a une dimension internationale. Cet article prévoit qu'un décret, pris après avis du Conseil national des tribunaux de commerce, fixe la liste de ces tribunaux et détermine leur ressort. En particulier, la détermination de cette liste et ressort doit tenir compte des bassins d'emplois et des bassins d'activité économique. Les Ordres des avocats aux barreaux de Toulon et Versailles ont demandé l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2016-217 du 26 février 2016 fixant la liste et le ressort des tribunaux.

La légalité externe du décret est contestée au motif qu’il aurait du être contresigné par le ministre des finances et des comptes publics et le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Le moyen est écarté par le Conseil d’État, ces derniers n’étant pas chargés de son exécution.

Mais c’est principalement la légalité interne du décret qui est contestée au regard des critères d’appréciation mis en œuvre pour fixer la liste et ressort des TCS. Le Conseil d’État rappelle en premier lieu, que la spécialisation de certains tribunaux de commerce décidée par le législateur vise, dans un but d'intérêt général, à attribuer à un nombre réduit de juridictions les contentieux et procédures les plus complexes et sensibles. Cette spécialisation renforce ainsi la professionnalisation des juges consulaires et elle limite les risques de conflits d'intérêts liés à une trop grande proximité entre les acteurs économiques locaux et les tribunaux de commerce. Comme l'a prévu la loi, le décret attaqué a désigné 18 TCS parmi les 134 tribunaux de commerce existants.

Le Conseil d’État juge que le moyen selon lequel le décret attaqué serait illégalement fondé sur des critères qui n'ont pas été prévus par le législateur, doit être écarté. En effet, l’article L. 721-8, dernier alinéa prévoit que le ressort de ces juridictions est déterminé en tenant compte des bassins d'emplois et des bassins d'activité économique. Par conséquent, le pouvoir réglementaire pouvait légalement retenir, des critères pertinents au regard des objectifs poursuivis, tels que l'activité économique des territoires concernés, le nombre d'entreprises qui y sont implantées, l'activité et les effectifs des tribunaux concernés, l'accessibilité du service public de la justice ainsi que la cohérence du maillage des TCS avec le découpage administratif et judiciaire ;

Enfin, malgré l'éloignement et les difficultés pratiques pouvant en résulter pour certains justiciables et professionnels, le fait de n'avoir prévu que 18 TCS, sans retenir ceux de Toulon et Versailles, ne constitue pas, eu égard aux motifs d'intérêt général présidant à cette réforme de l'organisation de ces juridictions, une atteinte disproportionnée au principe d'égalité entre les usagers du service public de la justice et ne procède pas d'une erreur manifeste d'appréciation.

En dernier lieu, la contestation du choix du tribunal de Poitiers comme TCS au lieu du tribunal de La Rochelle et dont ressort inclut, outre ces deux juridictions, les tribunaux de commerce de Brive-la-Gaillarde, Guéret, La Roche-sur-Yon, Limoges, Niort, et Saintes, ne relève pas non plus d’une erreur manifeste d’appréciation. Les requérants faisaient valoir  que l'activité du tribunal de commerce de La Rochelle est plus importante et son effectif de juges consulaires supérieur. Ils précisaient également que la population et l'activité économique de son département, la Charente-Maritime, excédaient ceux du département de la Vienne. Toutefois, le Conseil d’État juge que les éléments chiffrés fournis, qui sont du même ordre de grandeur, ne révèlent pas de différence déterminante en faveur du tribunal de commerce de La Rochelle. En outre, la désignation du tribunal de commerce de Poitiers, pour des motifs d'intérêt général tient, en particulier, à la nécessité d'assurer la cohérence de la carte des juridictions commerciales spécialisées. Les requêtes sont, par conséquent, rejetées.

Catherine Cadic, Dictionnaire Permanent Difficultés des entreprises

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