[+ vidéo] Brexit : êtes-vous prêts ?

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17.04.2018

Gestion d'entreprise

Les directions juridiques doivent commencer à définir des plans de gestion des risques liés à la sortie du Royaume-Uni de l’UE. Car dans moins d’un an, le divorce ne sera plus une question théorique.

Comment gérer l’incertitude ? Dans le contexte actuel des négociations sur la sortie du Royaume-Uni de l’UE, la question se pose plus que jamais. D’ici le 29 mars 2019, un accord de libre-échange pourrait être l'option envisagée avec les Britanniques - avec une période de transition courant jusqu’au 31 décembre 2020 - afin de préciser les règles légales des rapports commerciaux entre l’Union européenne et outre-manche. Mais la perspective d’un hard Brexit, n’est pas exclue. Notamment si la Chambre des communes rejette l’accord de sortie que le gouvernement négocie avec les vingt-sept. Alors comment, dès à présent, préparer son entreprise sans un projet de texte solide ? En partant du scénario le plus catastrophique, répondent plusieurs intervenants à la table ronde organisée sur le sujet lors des Débats du Cercle Montesquieu.

Plannifer un hard Brexit

Le Brexit « c’est une catastrophe pour tout le monde. Il faut l’anticiper de manière stratégique », lance Guy Canivet, président du Haut comité juridique de la place financière de Paris (HCJP) et premier président honoraire de la Cour de cassation. Il préconise aux directeurs juridiques de construire un scénario de gestion du business, post sortie du Royaume-Uni, en optant pour un hard Brexit. Une idée partagée par le directeur juridique de la Société Générale, Dominique Bourrinet. L’absence d’accord trouvé entre les Européens et les Britanniques est le scénario « qui prédomine » au sein du groupe bancaire. Même si d’autres options sont aussi envisagées. De là, émergent différents plans pour assurer la continuité des affaires avec et au sein du Royaume-Uni.

Pour les activités bancaires, avec la disparition du passeport européen, il faudra créer des filiales au pays de Shakespeare. Dès lors, Dominique Bourrinet « travaille avec les régulateurs britanniques ». Inversement, Guy Canivet conseille aux banques de pays tiers ou du Royaume-Uni, souhaitant poursuivre leurs activités au sein de l’UE, « d’installer des structures les plus légères possibles pour une représentation - même quasi vide – en Europe ».

Se poser les bonnes questions

Au-delà de ce secteur, les plans d’urgence à établir, structurés sur une évaluation des risques préalables, doivent aborder tout un tas de sujets. La question des droits de douanes, potentiellement applicables, de l’interruption d’une chaîne logistique – du fait d’un changement de fournisseur -, mais aussi des droits de propriété intellectuelle, de pénurie du personnel, de transfert des données personnelles, ou de révision des contrats, sont à étudier. Guy Canivet précise que les contrats en cours, resteront soumis au droit actuel. Mais dès lors qu’ils sont à exécution successive, ils ne pourront « continuer en l’état ».

 

 

 

Outre-manche, les plans d’urgence seront prêts avant la fin de l’année, assurent 89 % des entreprises ayant répondu à une récente étude réalisée par le cabinet Pinsent Masons. C’est ce qu’évoque Christoph Maurer, partner, rechtsanwalt, solicitor, et avocat associé du cabinet, gérant du bureau de Paris. Il « doute qu’en Europe la préparation soit aussi avancée. [Pourtant] Le Brexit nous concerne tous ». L’enquête a été réalisée auprès d’une centaine de general counsel et de membres de board de sociétés établies au Royaume-Uni. Et à 93 % les dirigeants pensent que leur société est prête à répondre aux enjeux du Brexit. Contre 53 % seulement des general counsel. Conclusion : les membres de la direction « attendent que les directeurs juridiques prennent les rennes du processus », selon Christoph Maurer.

Un accord de libre-échange surement complexe

A partir de quand sera-t-on fixé ? Difficile de donner une réponse aujourd’hui. Le gouvernement de Theresa May envisagerait de transposer les règlements européens dans son droit national, alors que les directives le sont déjà et continueront de l’être jusqu’au 29 mars prochain, assure Hervé Jouanjean, of counsel chez Fidal et ancien directeur général de la Commission européenne. Au jour de la sortie, « l’environnement juridique du Royaume-Uni devrait être le même que celui de l’UE ou presque », énonce-t-il.

Mais les textes seront ensuite corrigés de leur « deficiencies », aurait déjà indiqué le « 10 downing street ». Un level playing field pourrait alors être conservé sur le droit des aides d’état, de la consommation ou sur les normes environnementales, par exemple. Au contraire, Theresa May a déjà annoncé refuser le marché intérieur, le contrôle de la CJUE ou l’appartenance de son pays à l’Union douanière, afin de retrouver de la souveraineté en matière de politique commerciale. Dès lors, pour Hervé Jouanjean les relations entre l’UE et le Royaume-Uni seront réglées par un accord de libre-échange. Mais il ne sera pas si simple à négocier. Car « il aura ses limites d’un point de vue politique ». Les Britanniques ne peuvent pas profiter des avantages du droit européen sans supporter les inconvénients du système. « Le Royaume-Uni devra bien comprendre qu’il devient un pays tiers » l’année prochaine - ou fin 2020 au plus tard -, lâche Hervé Jouanjean.

Sophie Bridier

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