[Vidéo] Ehpad : une seconde journée de grève mi-chèvre mi-chou

[Vidéo] Ehpad : une seconde journée de grève mi-chèvre mi-chou

16.03.2018

Action sociale

La seconde journée de grève organisée dans les Ehpad et l'aide à domicile a moins mobilisé que le 30 janvier. Les syndicats ont été reçus par la première fois par la ministre Agnès Buzyn. Laquelle n'a fait aucune annonce nouvelle. Reste à savoir comment prolonger ce mouvement social inédit, mais assez fragile.

 

 

 

On ne peut pas dire que le rassemblement devant le ministère des solidarités et de la santé ait fait le plein. Pas plus de 200 à 300 personnes se sont retrouvées ce jeudi 15 mars sur les coups de 13 heures pour faire pression sur la ministre Agnès Buzyn qui recevait une délégation intersyndicale. Un mois et demi plus tôt, le 30 janvier, au moins 600 personnes s'étaient rassemblées au même endroit pour crier leur ras-le-bol (lire notre article).

Une mobilisation plus réduite

Deux explications peuvent être données à cette mobilisation en demi-teinte (même s'il y a eu quelques rassemblements très fournis comme à Angers). D'une part, dans un secteur peu syndiqué, il est particulièrement délicat de proposer deux journées de grève sur un espace de temps aussi court. Plusieurs personnes nous ont indiqué qu'il n'était pas évident avec des salaires assez modestes de se passer de deux journées de salaire. De plus, de nombreux professionnels hésitent à "abandonner" leurs résidents alors que le taux d'encadrement est si faible. D'autre part, certains salariés se sont sans doute réservés pour la grande journée de mobilisation de la fonction publique, le 22 mars, à laquelle appellent notamment la CGT et FO.

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L'action sociale permet le maintien d'une cohésion sociale grâce à des dispositifs législatifs et règlementaires.

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Edwige est venue de son Ehpad public d'Issy-les-Moulineaux dans la proche banlieue parisienne où elle travaille comme aide-soignante. Cette militante de la CFTC explique la lente dégradation des conditions de travail. "On nous demande de faire des toilettes en 10 minutes quand il en faudrait 30. Eh bien, on essaie de prendre le temps de bien faire les choses. Voilà pourquoi on termine souvent les toilettes l'après-midi." Sur la sono, un speaker propose à Agnès Buzyn d'enfiler une blouse blanche et de venir en Ehpad "quand elle veut" pour une sorte de "Vis ma vie". "Je ne lui conseille pas de venir la nuit, poursuit la voix, car elle risque de ne trouver personne."

Loi santé du 26 janvier 2016

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Une infirmière pour 200 résidents

A quelques pas de là, un directeur d'établissement discute avec le directeur de l'AD-PA. La voix calme, Christophe Thouvard explique les raisons d'un malaise de plus en plus perceptible. Il raconte que la veille, l'Ehpad associatif situé dans les Yvelines qu'il dirige s'est retrouvé avec une seule infirmière pour 200 résidents. "Il a fallu prendre beaucoup de temps pour répondre aux familles très énervées. Et ce matin, l'infirmière a explosé au moment des transmissions." Il dit aussi que les agents ne s'autorisent pas à faire une journée de grève. Voilà pourquoi cet adhérent de l'AD-PA a fait le déplacement jusqu'à Paris pour représenter les salariés de son établissement.

"Nous sommes sortis du déni de la réalité"

Il est 13h30 et le soleil sort de l'ombre. A ce moment, la délégation intersyndicale quitte le ministère après avoir été reçue pendant près de deux heures par Agnès Buzyn. Sur la forme, les représentants des organisations semblent plutôt satisfaits. "Un dialogue ouvert et courtois", souligne une participante. La ministre les a écoutés longuement, reconnaissant la légitimité de leurs récriminations. "Nous sommes sortis du déni de la réalité", poursuit-elle.

Aller vers un ratio de 0,65 ETP par résident

Mais sur le fond, aucune avancée n'est à signaler. Selon les syndicalistes, la ministre a réaffirmé sa volonté de neutraliser, pour deux ans, les effets de la convergence tarifaire sur le volet de la dépendance. Elle s'est engagée à améliorer le ratio d'encadrement, en espérant le porter à la fin du quinquennat à 0,65 ETP par résident. Elle doit rédiger sa feuille de route sur le thème du vieillissement pour la fin du mois et se déclare ouverte à d'autres rencontres. Pas question, pour autant, de négocier car elle a indiqué qu'elle n'avait pas les milliards d'euros nécessaires pour satisfaire la principale revendication du mouvement : un professionnel pour un résident. Les syndicalistes en concluent qu'il faut se tourner désormais vers le président de la République car lui seul peut débloquer la situation en apportant une réponse globale à la question de société qu'est la prise en charge du vieillissement.

Une troisième journée de grève ?

Et maintenant que faire ? La question est dans tous les esprits. Faut-il organiser une troisième journée de grève ? La CFDT y semble favorable. "Nous devons nous adresser directement à ceux qui peuvent ouvrir les cordons de la bourse", nous déclare Évelyne Rescanières, nouvelle secrétaire générale de la fédération CFDT santé-sociaux. La centrale syndicale qui est venue en force, avec la présence de son numéro 1, Laurent Berger (voir la vidéo), tient à ce que le mouvement garde son caractère propre et ne se noie pas dans une mobilisation plus large du mouvement social. Un avis que ne partage pas FO. Le secrétaire fédéral Luc Delrue estime que la mobilisation du secteur s'essouffle un peu et aimerait que la lutte des Ehpad converge avec celles des fonctionnaires et des cheminots, notamment. Il importe, estime le responsable de FO, de construire un rapport de force avec le gouvernement.

Les organisations ont convenu de se retrouver lundi prochain pour décider ensemble de la suite du mouvement. Trouver un point d'équilibre entre les dix organisations ne va pas être chose aisée...    

Noël Bouttier
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