[vidéo] Handicap : "zéro sans solution" d’ici 2022 en Ile-de-France ?

[vidéo] Handicap : "zéro sans solution" d’ici 2022 en Ile-de-France ?

05.07.2018

Action sociale

Les responsables de l’ARS Ile-de-France ont présenté le 3 juillet un plan "choc" pour permettre à la région de rattraper son retard en matière d’accompagnement des personnes handicapées. Une enveloppe de 200 M€ est prévue pour créer environ 5 000 "solutions" nouvelles en cinq ans. Forte de son droit de déroger aux appels à projet, l'ARS compte alléger les procédures.

Listes d’attente de plusieurs années dans certains établissements, ruptures de parcours pour les enfants comme pour les adultes, départs en Belgique (plus de 2 000 Franciliens y sont accueillis aujourd’hui)… : la région Ile-de-France veut en finir avec son déficit structurel de places et propose un plan « choc » pour y parvenir. L’ambition affichée est d’ordre financier mais aussi de nature administrative, juridique voire organisationnelle.

Une sous-capacité illustrée par "l'affaire Amélie"

Près de cinq ans après « l’affaire Amélie Loquet », la région capitale veut donc se donner les moyens d’agir. On se souvient en effet qu'à l’automne 2013, le tribunal administratif avait condamné l'agence régionale de santé d'Ile-de-France (ARS IDF) à trouver une solution de prise en charge pour cette jeune fille lourdement handicapée, mettant ainsi en lumière la problématique cruciale des lacunes existant dans l'accompagnement des personnes handicapées en France. Une décision emblématique qui avait conduit le gouvernement de l’époque a actionné différents leviers pour répondre à ces « situations critiques ». On connaît la suite : remise du rapport Piveteau prônant le « zéro sans solution », lancement de la démarche « Réponse accompagnée pour tous », impulsion des pouvoirs publics en faveur des réponses modulaires dans la prise en charge… et plus récemment plaidoyer pour une « société inclusive ».

Action sociale

L'action sociale permet le maintien d'une cohésion sociale grâce à des dispositifs législatifs et règlementaires.

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Ne pas opposer le médico-social au milieu ordinaire

La démarche de l’ARS Ile-de-France est donc complètement en phase avec la volonté du gouvernement, et de la secrétaire d’Etat Sophie Cluzel, de faire en sorte que les personnes handicapées soient insérées dans un milieu de vie ordinaire que ce soit à l’école, au travail ou dans le logement, comme l’ont rappelé les responsables de l’ARS le 3 juillet lors d’une conférence de presse.

D’emblée toutefois ils ont pris soin de ne pas opposer les secteurs : « Il ne faut pas de rupture trop forte entre le médico-social (les établissements) et le milieu ordinaire », a insisté Christophe Devys (voir vidéo), directeur général de l’ARS [1], reconnaissant aussi en passant que cette solution ne pouvait pas convenir à tout le monde. « Il est parfois très difficile pour les enfants polyhandicapés ou pour les personnes atteintes d’autisme lourd d’être insérées dans le milieu ordinaire ».

Loi santé du 26 janvier 2016

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Logique inclusive difficile à mettre en place

L’inclusion en milieu ordinaire est très difficile à mettre en place en Ile-de-France. La région connaît un taux d’équipement insuffisant, « c’est plus facile dans les régions à peu près dotées convenablement », a fait remarquer le DGARS. L’IDF est très largement sous-dotée, elle se situe 20 % en dessous de la moyenne nationale en nombre de places. On dénombre aujourd’hui 53 000 places (enfants et adultes) alors qu’il en faudrait au moins 10 000 de plus.

Conséquence : les associations gestionnaires, qui ont déjà « des files d’attente énormes », ne peuvent pas se permettre de réduire leur offre traditionnelle en s’engageant dans une démarche inclusive. D’où la volonté de créer « un choc en Ile-de-France ».

En mobilisant différents crédits (Priac, mesures CIH, FIR…), l'ARS est parvenue à rassembler une enveloppe de 200 millions d’euros (M€) pour les cinq ans qui viennent (2018-2022). Les mesures du plan autisme ne sont pas intégrées dans cette enveloppe et viendront donc en complément.

Déroger au cadre juridique et administratif habituel

Pour parvenir à cette transformation de l’offre en matière de handicap, l'ARS a décidé d'aménager le cadre juridique et administratif actuel qui présente les défauts d'être complexe, de prendre trop de temps et de ne pas favoriser l’innovation. La région a donc obtenu l'autorisation de déroger au droit des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS), et donc de contourner les procédures lourdes d’appel à projet.

Le cadre juridique a été aménagé par un décret du 29 décembre 2017 qui permet dans quatre régions (Ile-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes, Hauts-de-France et Provence-Alpes-Côte d'Azur) de s’exonérer de l’appel à projet même pour des extensions importantes (jusqu’au doublement de la capacité d’accueil), y compris pour les établissements sous double tarification ARS/conseil départemental comme les foyers d’accueil médicalisés (mesure permis par le récent décret du 29 juin 2018).

Publication d'un « appel à manifestation d’intérêt »

Changement de méthode donc. L’ARS a publié le 3 juillet un « appel à manifestation d’intérêt » (AMI). La dynamique est inversée : l’agence ne définit plus les besoins comme avec les appels à projet (« innover est difficile pour des administratifs » admet le DGARS), mais c’est aux associations de faire des propositions d’extension innovantes. Lesquelles ? Par exemple, un IME avec des jeunes sous "amendement Creton" qui proposerait de leur faire bénéficier d’un logement accompagné, tout en maintenant un suivi par des personnels de l’équipe.

La phase de dépôt des candidatures sera possible sur deux périodes, la première entre le 3 juillet 2018 et le 15 octobre 2018, et la seconde au premier trimestre 2019. D’autres fenêtres pourront être ouvertes au 2e semestre 2019 et en 2020.

Le dispositif a déjà été présenté aux acteurs du secteur lors d’une réunion le 25 mai. Les opérateurs (privés associatifs ou publics) doivent envoyer une lettre d’intention. Seule condition : être innovant par rapport au fonctionnement habituel de leur établissement. Il s'agit en quelque sorte de faire porter la démarche de désinstitutionnalisation par les associations elles-mêmes.

Notons toutefois que le principe des appels à projet subsiste dans certains cas, comme les créations de places en UEM (unités d’enseignement en maternelle) par exemple.

Vers une « inconditionnalité de l’accueil »

Objectif affiché : se rapprocher d’ici cinq ans du « zéro sans solution » et mettre pleinement en œuvre la « réponse accompagnée pour tous ». Christophe Devys veut tendre vers une « inconditionnalité de l’accueil », ce qui signifie que toute personne doit se voir proposer une solution. L'ARS vise la création d'au moins "5 000 solutions" sur cinq ans avec l'enveloppe de 200 M€ (crédits pérennes). Pour avoir une échelle de grandeur, le budget consacré au médico-social par l’ARS IDF est d'1,8 milliard d’euros. Le précédent plan était doté d’un financement deux fois moins important, de l’ordre de 100 M€ sur cinq ans.

Le directeur de l’autonomie à l’ARS IDF, Marc Bourquin, est en charge du pilotage de ce plan handicap. Il n’a pas manqué de rappeler que les objectifs étaient ambitieux : « on passe de 600/700 places ou solutions nouvelles par an à 1 500/2 000, soit un triplement de la vitesse de marche ». Il a par ailleurs insisté sur le fait qu’il ne s’agissait pas forcément de créer des "places nouvelles" mais des "solutions nouvelles" (plateforme de services, solutions modulaires, pôles de compétences et de prestations externalisées, accompagnement personnalisé, etc.).

Didier Jaffre, directeur de l’offre de soins (et par ailleurs corédacteur avec Denis Piveteau du rapport « zéro sans solution »), était là pour rappeler l’importance d’associer le secteur de la psychiatrie à ce plan handicap.

Création d'un « Living lab »

Pour faire en sorte de croiser les points de vue, l’ARS a décidé de créer un espace « handicap innovation », sorte de « Living lab », animé par Alain Cordier. Son objet : recueillir les expériences innovantes pour en faire la promotion et conseiller les associations qui veulent construire un projet inclusif. Cet espace permettra aussi d'identifier les points de blocages administratifs ou financiers qui rendent difficiles le développement de solutions innovantes ou l’articulation entre les secteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux.

 

Interview vidéo de Christophe Devys, DGARS :

 

 

 

[1] L'ancien conseiller social de Jean-Marc Ayrault à Matignon (2012-2014) a succédé à Claude Evin à la tête de l'ARS en août 2015.

Linda Daovannary
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