[Vidéo] Mai 68 vu par la CGT

[Vidéo] Mai 68 vu par la CGT

16.05.2018

Représentants du personnel

L'Institut d'histoire sociale (IHS) de la CGT présente au siège du syndicat à Montreuil une exposition sur Mai 68. Visite guidée par le président de l'IHS, Gilbert Garrel, qui avait 9 ans en 68.

 

En 1968, Gilbert Garrel a 9 ans. Avec sa famille, il suit sur la télé des voisins les "événements", comme on dit alors. Ses parents soutiennent le mouvement, d'autant que son père est mineur dans ce bastion communiste qu'est le bassin houiller d'Alès (Gard). Mais le côté insurrectionnel de Mai 68 rappelle à ses parents la guerre ou plutôt les privations de la guerre et de l’après-guerre, car 1945 n’est pas si loin. "Il y avait comme une forme de peur résiduelle de pénurie dans cette génération", explique-t-il.

Cinquante ans plus tard, Gilbert Garrel, devenu président de l’Institut d’histoire sociale (IHS) de la CGT, après avoir été secrétaire général du syndicat CGT de la SNCF de 2010 à 2017, inaugure une exposition sur Mai 68 au siège de la CGT à Montreuil, exposition qui cherche à renouer le fil de la mémoire pour les jeunes syndicalistes (*).  "J'appartiens à une génération de militants qui n'ont pas une vraie connaissance de l'histoire syndicale ni même de celle de nos fédérations respectives. Il faut retrouver et transmettre tout cela", justifie Gilbert Garrel (► voir son interview vidéo ci-dessus). D'où l'accent mis, dans l'exposition, sur le mouvement ouvrier de 68, parfois relégué au second plan dans certaines publications, l'image des étudiants et des barricades parisiennes prenant le pas sur le mouvement social de l'ensemble du pays, regrette le syndicaliste.

L'exposition montre les prémices et le contexte de 68

L'exposition montre donc les prémices de Mai 68, annoncées par l’unité d’action scellée dès 1966 par la CFDT et la CGT, le contexte particulier du mouvement social qui n'est pas déterminé à l'avance, contexte à la fois politique (le gaullisme) et international (les guerres coloniales, la "lutte contre l’impérialisme"), et son épilogue marqué par de nombreuses négociations dans les entreprises pour l'application des avancées de Grenelle (**). Le tout non sans pédagogie, des blocs noirs aux allures de pavés recelant un téléviseur diffusant des images d’archives, contextualisées par des panneaux d’informations, des photos et des slogans rappelant que 68 fut aussi marqué par l’émergence des revendications de la jeunesse, des femmes, des travailleurs immigrés, etc. "On ne comprend rien à 68 si on ne rappelle pas le changement de 58 avec l'arrivée d'un régime républicain très présidentiel, le même dont se sert aujourd'hui Emmanuel Macron pour prendre des ordonnances", juge Gilbert Garrel.

L'histoire, source de réflexion "pour un rassemblement"

On cherchera toutefois en vain dans cette exposition une forme d’autocritique syndicale de la part de la CGT. Les liens entre la CGT et un PCF pris de court par le mouvement ne sont pas évoqués, ni davantage l'invasion en août 68 de la Tchécoslovaquie par les troupes soviétiques pour mettra fin au Printemps de Prague. Et la question intéressante du rapport de la jeunesse avec le monde syndical n'est pas véritablement creusée, alors qu'il s'agit là d'un enjeu crucial pour le renouvellement syndical.

Lundi soir, lors du vernissage de l'exposition devant un public clairsemé, une faible assistance attribuée par la CGT au succès de la grève des cheminots, Philippe Martinez, le secrétaire général du syndicat, a ironisé sur les leaders étudiants de 68 "qui sont devenus des adultes bien-pensants". Philippe Martinez a jugé que ce regard sur l'histoire était "une source de réflexion pour les militants d'aujourd'hui". La réflexion sur "ce grand affrontement de classes que fut 68" n'est cependant guère allée au-delà du regret de l'actuelle "désunion syndicale" et de l'affirmation du besoin d'action et de rassemblement dans un monde "de plus en plus éclaté" avec "une planète menacée".

La CGT rejoint l'appel pour "une marée populaire"

Mais cette déclaration a trouvé son prolongement deux jours après. Au lendemain de son comité confédéral national, la CGT a appelé mercredi les salariés à une nouvelle journée de mobilisation le samedi 26 mai. Le syndicat rejoint donc l'initiative, baptisée "marée populaire pour l'égalité, la justice sociale et la solidarité", lancée par un collectif d'organisations syndicales (Solidaires, Unef, FSU, etc.), associatives (Attac, Droit au logement, etc.) et politiques (La France insoumise, Les Verts, Generations, etc.) dans le but "d'imposer une autre répartition des richesses dans notre pays" (voir ici l'appel du collectif Icône PDFl'appel du collectif). La CGT, qui semble rompre ici la prise de distance instaurée ces dernières années avec le monde politique et notamment le PCF, explique que sa décision "reste fidèle à ses principes d'indépendance tout en favorisant l'expression du plus grand nombre de citoyens".

Une journée d'action intersyndicale est par ailleurs prévue le 22 mai dans la fonction publique.

 

(*) "1968-2018, la lutte continue", exposition dans le hall du siège de la CGT à Montreuil, 263 rue de Paris. Le public peut s’y rendre mais à la condition de s’inscrire auparavant, pour des questions liées à la sécurité, explique la CGT. Tel : 01 55 82 80 00. Par ailleurs, après septembre 2018, l'exposition a vocation à tourner en France, selon les demandes des militants syndicaux. L'institut CGT de l'histoire sociale publie par ailleurs un cahier spécial sur les 50 ans de Mai 1968 (10€). Tel : 01 55 82 81 13. Voir aussi notre vidéo de 2015 réalisée à l'occasion de l'exposition à Montreuil sur les 120 ans de la CGT.
(**) Voir à ce sujet notre série d'articles :
  1. Mai 68, la plus grande grève française
  2. Mai 68, quels résultats ?
  3. Mai 68, pourquoi un tel sentiment d'échec ?
  4. Mai 68, l'étonnante "révolution culturelle" dans les usines du Havre
  5. Mai 68, quelles correspondances avec 2018 ?

 

La CFDT donne aussi sa vision de Mai 68

Lors d'un colloque destiné à ses militants et relayé par des messages sur le réseau social twitter, la CFDT a livré mardi 15 mai sa vision du mouvement social d'il y a cinquante ans, le syndicat insistant notamment sur la reconnaissance de la section syndicale obtenue à cette occasion. "Mai 68 a représenté un moment fort pour la CFDT car il s'appuyait sur l'émancipation individuelle et l'expression des travailleurs au plus près de leur lieu de travail (..) Si notre génération a quelque chose à puiser dans ces événements historiques de Mai 68, c'est que l'action syndicale n'a jamais été de soi et que l'adversité d'aujourd'hui, nous l'avions aussi traversée à d'autres époques", a expliqué Laurent Berger. "Ça a toujours été une volonté de la CFDT de porter le compromis là où ils sont vivants", a pour sa part expliqué Marylise Léon, secrétaire nationale. "L'action de la CFDT ne s'est jamais arrêtée aux portes des entreprises, les questions sociétales sont aussi de vrais enjeux pour notre organisation, comme la défense des droits des femmes ou notre intransigeance sur la question des migrants", a encore ajouté le secrétaire général de la CFDT.

 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Bernard Domergue
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