Vieux, exprimez-vous !

Vieux, exprimez-vous !

11.09.2018

Action sociale

Les 6 et 7 septembre, s’est tenu pour la première fois en France un « congrès sur les âges et le vieillissement » qui convoquait aussi bien des professionnels que des personnes âgées. C’est sans doute là l’une des clés alors que s’engage une réflexion globale : que tous les acteurs du secteur se fassent entendre fortement, à commencer par les personnes âgées elles-mêmes.

Il y en avait des têtes blanches, au premier congrès des âges et du vieillissement qui s’est tenu les 6 et 7 septembre à Paris. C’était le pari des organisateurs : réunir des professionnels du secteur, des élus, mais aussi des personnes âgées, des aidants, et le grand public en général, sur ce sujet éminemment sociétal. Il y aura été énormément question des moyens d’assurer une place aux aînés dans la société et dans les structures qui les accueillent, de dépasser l’isolement et l’invisibilité dont ils font l’objet.

Tous invisibles

À cette solitude des aînés répond celle des professionnels – presque toujours des femmes, précaires, mal payées, en mal de reconnaissance, et des familles « qui n’osent pas parler, par peur que les équipes des Ehpad s’en agacent et que cela ait des conséquences sur la qualité des soins donnée à leurs proches ». Même les directeurs seraient touchés. « Ils craignent de critiquer leurs tutelles et sont moins reconnus que ceux des structures hospitalières », a remarqué la directrice de la résidence Les Aubépins, Marie-Pascale Mongaux-Masse.

D’où une difficulté pour tous à se faire entendre. Or, force du déni sans doute, peur de vieillir, notre société ne se saisit pas d’elle-même du sujet de l’âge. « C’est une question qui touche toujours à un niveau individuel, quand les parents vieillissent, quand l’état d’un grand-parent s’aggrave. Mais ce mouvement interne que chacun fait pour lui se referme dès qu’on n’est plus concerné », a poursuivi la directrice.

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Un écho dans la population

Le mouvement de contestation de ces derniers mois, qui a démarré avec la grève de l’Ehpad de Foucherans pour se généraliser au secteur – est venu briser ce silence. On aura vu émerger dans l’espace public des collectifs citoyens, comme Vieux debout, qui auront remis des images et des voix sur cette problématique de l’âge si vite refoulée. Or ce que chacun retient, quelques mois après, c’est le soulagement de s’être senti soutenu par les médias et la population. « La société dans son ensemble nous a dit : vous avez raison. Ça nous a énormément encouragés », a reconnu la secrétaire générale CFDT santé-sociaux Eve Rescanières.

Preuve éloquente de cet élan : à Foucherans, malgré 117 jours de grève, le soutien des syndicats et des citoyens a permis aux salariés de ne pas perdre un euro de salaire. Et si le président Macron n’a pas répondu aux interpellations des organisations syndicales, qui souhaitaient une rencontre, le sujet de l’âge est malgré tout entré à l’ordre du jour du gouvernement.

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Faire témoigner

Ce qui était frappant, durant ce congrès, c’est le contraste entre ce manque de visibilité des personnes âgées dans la vie publique, et la force d’émotion qu’elles véhiculent lorsqu’elles prennent la parole. La psychologue clinicienne et auteur Marie de Hennezel s’en est fait l’écho, forte des groupes qu’elle anime depuis des années auprès de personnes âgées : « Quand on leur ouvre un espace d’expression, pour qu’elles racontent ce qu’elles vivent de spécifique et ce qui donne du sens à leur âge, on sort de l’image courante qui associe vieillesse et diminution. On entend des vieux dire qu’avec l’âge, ils se sont rapprochés d’eux-mêmes, qu’ils sont plus curieux, parfois plus gais, qu’ils profitent davantage des petites choses, ont plein de souvenirs et sensations qui leur reviennent à la mémoire et leur donne le sentiment de s’unifier », relate-t-elle. Et dans une société où la vieillesse terrifie, ces paroles rassurent. « Ces témoignages peuvent considérablement contribuer à changer l’image des personnes âgées », poursuit-elle.

D’où l’intérêt de tout ce qui peut encourager la prise de parole des vieux, tant dans les établissements que dans la société en général. À cet égard, on citera le projet « Citoyennage », initié par l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA) pour favoriser l’expression de ces dernières à domicile et en établissement, et dont le congrès hébergeait le séminaire national.

Les directeurs, des animateurs éthiques

Alors qu’au Québec, des participants de tous les âges sont conviés aux événements dédiés au vieillissement, quelque chose en France avait jusqu’ici résisté à aller dans ce sens. Venu assister au congrès, l'ex-député Jérôme Guedj s’est ému de cette longue invisibilité des personnes âgées et réjoui de l’émergence de collectifs comme Vieux debout. « Faites-vous entendre, organisez votre prise de parole, il faut que ça se démultiplie là où c’est le plus pertinent !, a-t-il conseillé. Il y a une perspective de calendrier politique sur le grand âge : ce débat ne doit pas rester entre sachants, car je ne suis pas certain que les décideurs aient vraiment notion de ce qu’attendent les aînés ».

De son côté, Marie-Pascale Mongaux-Masse en a appelé à la responsabilité des directeurs d’établissements et services à la fois pour encourager cette parole, mais plus généralement pour accompagner la mobilisation qui doit avoir lieu. « Nous avons un rôle d’animateurs éthiques à jouer, en déployant les conseils de la vie sociale, en intervenant dans les instances, en encourageant les professionnels à dire aux médias ce qui dysfonctionne dans les établissements et services. Il faut inonder l’espace public avec les questions de l’âge, de façon pédagogique, créative, provocatrice. Cela peut faire peur de dire ce que personne ne veut entendre, a-t-elle reconnu. Mais nous nous protégerons mutuellement si nous le faisons tous ».

Laetitia Darmon
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