Nathalie Andrieux, membre du Conseil national du numérique, a piloté, à la demande du gouvernement, un rapport sur l’irruption du numérique dans le monde du travail. La commission préconise de définir juridiquement le lien de subordination économique entre donneurs d’ordre et travailleurs indépendants et d’expérimenter le revenu minimum d’existence.
Vous remettez ce matin à Myriam El Khomri un rapport sur "Travail, emploi, numérique : les nouvelles trajectoires". Quel est son objectif ?
Le rapport du Conseil national du numérique, placé sous l’égide d’Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat chargée du numérique, est destiné à formuler des propositions sur la transformation numérique des entreprises et sur les effets de l’automatisation des activités sur le travail et ses conditions. Il servira à nourrir le volet numérique du projet de loi Travail de Myriam El Khomri (présenté début mars en Conseil des ministres) et du projet de loi Macron II. Pour ce faire, nous avons procédé à une cinquantaine d’auditions, complétées par une journée contributive, en novembre dernier, afin d’affiner les éléments recueillis par les témoignages. Il s’agira d’ailleurs du dernier rapport de la commission. L’équipe, composée de 30 membres (universitaires, PDG d’entreprise, fondateurs de start-up, philosophe..) sera renouvelée d'ici le premier semestre 2016.
La révolution numérique entraînera-t-elle une disparition massive des emplois ?
Il est impossible, pour l’heure, d’établir un lien de cause à effet entre création d’emploi et développement numérique. Une seule tendance se confirme : la transformation numérique s’accélère ces dernières années. Pour preuve : entre 1980 et 2007, 29% des destructions d'emplois dans l'industrie sont dues à l'augmentation des gains de productivité (et donc en large partie aux évolutions technologiques). Entre 2000 et 2007, cette part s'élève à 65%.
Pourquoi ce phénomène va-t-il remettre en cause les notions classiques de travail et d’emploi ?
Cette transformation numérique n’a rien à voir avec les révolutions industrielles précédentes. D’une part, les changements ne se font plus à l’échelle d’une génération mais au niveau d’une carrière. Un jeune actif commence par un métier mais termine in fine par une autre profession. Aussi chaque individu doit-il accepter de concourir à l'obsolescence de sa propre activité, comme les salariés de l’usine Kodak spécialisée dans l’argentique, pour recréer son propre emploi. D’autre part, il faut savoir accepter l’incertitude. On ne sait pas comment la transformation numérique va impacter concrètement les métiers et les compétences. Mais une chose est sûre : les transformations vont avoir lieu et très vite. Il va falloir faire preuve d’adaptabilité.
Quid de la relation du travail ?
Les nouvelles formes d’emploi, induites par l’arrivée du numérique et des nouvelles technologies, permettant à des particuliers de proposer des services payants via des plateformes de mise en relation, comme Uber, Airbnb ou Blablacar, ne peuvent être occultées. Ces business models nécessitent, en effet, de redéfinir le lien de subordination qui n’est plus seulement juridique mais aussi économique. Nous préconisons par exemple que ce lien soit avéré lorsqu’un indépendant perçoit au moins 70% à 80% de son revenu d’une seule et même entreprise. D’où la nécessité de faire évoluer le droit du travail.
La révolution numérique requiert également de mettre en place un nouveau modèle de management qui intègre et valorise la création de communautés, à l’image des réseaux sociaux et accepte de ne pas tout contrôler. Or, trop d’entreprises restent encore campées sur des modèles hiérarchiques et cloisonnées, inefficaces à l’heure de la gestion de projet.
Enfin, côté dialogue social, il reste également à imaginer, aux côtés des syndicats traditionnels, de nouvelles formes de représentation collectives, porte-voix des collaborateurs atypiques.
Comment sécuriser les parcours professionnels ?
Nous insistons sur la nécessité de dessiner un nouveau modèle de redistribution et de solidarité. Parmi les pistes, le revenu de base ou revenu d’existence permettrait de faire face aux périodes d’inactivité. Car quelles que soit les compétences et l’activité d’une personne, tous les actifs n’occuperont pas un emploi. France Stratégies table sur un chômage structurel de 8% jusqu’en 2022. Aussi est-il nécessaire de repenser notre modèle de redistribution : il faut être prêt à expérimenter le revenu de base, assorti de conditions (travail social, associatif…). Le sujet n’est plus tabou. L’idée fait son chemin aux Pays-Bas. Le mécanisme est expérimenté par le conseil régional d’Aquitaine. Enfin, le Républicain Frédéric Lefebvre a déposé un amendement au projet de loi de finance 2016 (non adopté), lors de l’examen du texte au Sénat, à l’automne. L’objectif était de remplacer l’ensemble des aides sociales, le système actuel du revenu de solidarité active, de la prime pour l’emploi, des aides au logement et des exonérations de cotisations patronales par ce revenu d’existence.
Nous proposons donc de lancer une étude de faisabilité sur ce mécanisme pour contrer le chômage structurel.
Son parcours |
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Nathalie Andrieux, titulaire d’un diplôme d’ingénieur obtenu à l’Ecole supérieure d’informatique SupInfo à Paris en 1988, 51 ans, débute sa carrière dans le Groupe des Banques Populaires, où elle se voit confier des projets de développement de systèmes d’information. En 1997, elle rejoint le groupe La Poste, en qualité notamment, de chef du service système d’information de pilotage. Fin 2001, elle prend la direction du marketing stratégique à la direction de la stratégie et, en 2003, elle est nommée directrice de direction de l’innovation et des e-services du groupe La Poste. Elle est nommée en 2004 directrice générale de Mediapost puis présidente en 2009. Nathalie Andrieux est membre du conseil de surveillance de de Lagardère depuis juin 2012 et membre du comité d’audit depuis septembre 2012. |
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