81 300 établissements ont mis en place un CSE

81 300 établissements ont mis en place un CSE

31.07.2020

Selon les chiffres du comité d'évaluation des ordonnances, plus de 80 000 établissements ont mis en place, au 3 juin 2020, leur comité social et économique (CSE), parmi lesquels on compte près de 40 000 établissements d'au moins 50 salariés.

Le comité social et économique (CSE), qui résulte de la fusion des précédentes instances de représentation du personnel (DP, CE, CHSCT, DUP), devait obligatoirement être mis en place dans les entreprises au plus tard le 31 décembre 2019. Cela s'est-il passé ainsi ? Les CSE ont été créés depuis deux ans, mais avec une nette accélération au quatrième trimestre  2019, comme on le voit sur le graphique ci-dessous, et une interruption pendant la crise sanitaire liée au Covid-19, constate le comité d'évaluation des ordonnances qui publie des chiffres récents sur la nouvelle IRP (lire les pages de 19 à 40 de notre document joint).

France Stratégie

 

Au total, début juin 2020, à partir des PV des élections professionnelles, le comité d'évaluation recense 81 371 établissements distincts ayant mis en place un CSE. Cela couvre 10,8 millions de salariés, sachant que la moitié des CSE concernent un effectif de plus de 50 salariés. La part des carences, faute de candidatures, est importante avec 39 354 établissements sans CSE, dont 86% appartiennent à des établissements de moins de 50 salariés. Reste qu'il reste malaisé pour le comité de vraiment définir le taux de couverture par une IRP des entreprises françaises.

En effet, les chiffres 2019 de l'enquête de la Dares sur le dialogue social (Acemo) ne seront disponibles de façon détaillée que début 2021 ! En attendant, le comité utilise les chiffres de l'année 2018 pour tenter d'estimer ce taux de couverture, autrement dit d'évaluer le pourcentage des entreprises ayant mis en place une IRP, comme on le voit dans le tableau ci-dessous.

France Stratégie

 

Que semblent montrer ces chiffres de 2018 ? D'abord, l'extrême rareté des représentants de proximité, sorte de délégués du personnel pouvant être instaurés par accord d'entreprise : ils ne sont présents que dans 0,2% des entreprises en 2018. Ensuite, la faible implantation de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT), pourtant obligatoire à partir de 300 salariés dans les CSE. Seules 18% des entreprises de 50 salariés et plus ayant mis en place un CSE ont créé cette commission, alors même que le CHSCT était présent dans 46% des entreprises qui déclaraient encore, en 2018, les anciennes instances. Même en ne prenant que les entreprises d'au moins 300 salariés, la couverture en CSSCT reste faible, de l'ordre de 59% (à rapprocher du taux de 88% de présence pour les CHSCT). On peut, à l'inverse, se féliciter qu'en dépit du caractère non obligatoire, 12% des entreprises de 50 à 299 salariés ont opté pour une CSSCT.

Quelle évolution pour le taux de couverture des IRP avec le CSE ?

Au final, le taux de couverture des entreprises et salariés par une IRP ne semble pas accru par les élections de CSE, puisque ce taux paraît stable de 2016 à 2018. "Il semble que la mise en place des premiers CSE a particulièrement concerné les salariés qui étaient déjà couverts par une instance représentative", suggère prudemment le comité d'évaluation, ce qui corrobore le constat souvent entendu selon lequel la négociation de l'instance a eu lieu dans les entreprises où un dialogue social préexistait.

France Stratégie

 

Comment évaluer la qualité des premiers CSE mis en place ? Le comité reprend plusieurs études déjà connues, comme celle des cabinets Orseu et Amnyos réalisée pour France Stratégie, l'étude de l'Ecole de droit social de l'université de  Montpellier pour le ministère du Travail, l'enquête Syndex-Ifop ou encore celle de l'ANDRH.  Pour résumer, comme il l'avait déjà souligné dans l'un de ses précédents bilans, le comité d'évaluation note que la transition entre anciennes et nouvelle IRP s'est faite jusqu'à présent dans "une perspective de reproduction de l'existant, avec un faible niveau de diagnostic préalable des besoins et objectifs et un degré d'innovation hétérogène" (1).

Des premières tendances préoccupantes du point de vue des élus

Le document évoque, là encore sans surprise, une négociation trop centrée sur les moyens et le nombre d'établissements, ainsi qu'une centralisation du dialogue social. Cela pose la question du fonctionnement et du travail des élus, avec des tâches multiples à réaliser au sein d'une seule IRP dont les moyens légaux ont baissé (hors négociation), comme on le voit ci-dessous avec cette comparaison d'Orseu.

France Stratégie

 

Les travaux à venir

En dépit d'un bilan documenté et plus critique que celui, par exemple, dressé par la DGT sur la négociation collective en 2019, bien des zones d'ombre demeurent s'agissant des effets des ordonnances et de la création du CSE. Concernant le comité social et économique, le comité d'évaluation des ordonnances annonce donc lancer des plusieurs travaux visant à :

  • analyser le fonctionnement du CSE, et notamment la coordination et la délégation entre les différentes instances (projet IRES avec les cabinets Orseu et Syndex et les chercheurs de l'IODE de l'université de Rennes);
  • étudier en Auvergne-Rhône-Alpes la mise en place des CSE et les pratiques de négociation (projet CERCRID de l'université de Lyon 2 avec l'Anact et les partenaires sociaux);
  • étudier la mise en place des CSE dans les grandes entreprises (projet de l'Université de Créteil avec l'association Dialogues et les chercheurs de l'IDHES et IRISSO);
  • cerner les enjeux de proximité du CSE avec notamment les représentants de proximité (projet de l'université de Nanterre avec le cabinet Secafi, le Centre de sociologie des organisations).

(1) Ecouter sur ce point l'analyse critique de l'avocat Mikael Klein dans notre podcast sur le bilan de 3 ans de réformes en droit du travail et celle, à l'opposé, de l'avocat Etienne Pujol.

 

► Au sujet du document d'évaluation des ordonnances, voir aussi nos deux autres articles :

Bernard Domergue

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