CDD : les derniers arrêts marquants

21.07.2020

Gestion du personnel

La Cour de cassation a apporté, récemment, des précisions sur un certain nombre de règles régissant le régime juridique du contrat à durée déterminée : durée du délai de prescription de l'action en requalification de CDD en CDI, requalification du CDD en CDI, rupture du CDD, sans oublier les conditions de recours au CDD de remplacement ou du CDD d'usage.

 

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Recours au CDD d’usage

 

La Cour de cassation rappelle le principe général qu’un CDD ne peut pas avoir, quel que soit son motif, pour effet ni pour objet de pourvoi durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise (C. trav., art. L. 1242-1).

Un salarié engagé en qualité de professeur d’architecture selon divers contrats à durée déterminée entre février 2008 et août 2014, saisit la juridiction prud'homale d’une demande de requalification de sa relation de travail en contrat à durée indéterminée.

Pour sa défense, l’employeur soutient qu’une entreprise relevant du secteur de l'enseignement peut conclure des contrats à durée déterminée d'usage successifs, et qu'en l'espèce, il rappelait dans ses écritures que le salarié avait conclu, avec des interruptions, plusieurs contrats à durée déterminée d'usage en différentes qualités pour effectuer des missions de nature différentes, ponctuelles, qui n'étaient ni récurrentes, ni identiques.

La Cour de cassation confirme la décision rendue en appel. Elle souligne que de par son objet et sa nature, l'emploi du salarié était objectivement indispensable à l'activité normale et permanente de l'association. Elle condamne l’employeur, qui n’a pas établi les éléments concrets témoignant du caractère par nature temporaire de l'emploi, et prononce ainsi la requalification de la relation de travail en CDI.

Cass. soc., 24 juin 2020, n°19-12.537

Défaut de mention du nom et de la qualification dans le CDD de remplacement

 

Le fait de mentionner le nom et la qualification professionnelle du salarié remplacé lors de la conclusion d’un CDD de remplacement ne porte pas atteinte à la liberté contractuelle.

Dans cette affaire, une société du secteur des transports aériens avait employé un salarié dans le cadre d’une vingtaine de CDD de 2003 à 2012, dont certains, conclus pour remplacer des salariés absents, ne faisaient pas mention de la qualification de ces derniers.

Après que les juges du fond aient fait droit à la demande de requalification du salarié de sa relation de travail en contrat à durée indéterminée, l’employeur s’est pourvu en cassation.

La société soumet alors à la Cour de cassation une Question prioritaire de constitutionnalité (QPC), considérant le fait que l’interprétation jurisprudentielle constante relative à la requalification automatique d’un CDD de remplacement en CDI en cas d’omission de la mention relative à la qualification du salarié remplacé (C. trav., art. L. 1242-12, 1°) porte une atteinte disproportionnée au principe de liberté contractuelle.

La Haute juridiction ne fait pas droit à sa demande. Elle énonce que ces dispositions répondent à un motif d'intérêt général de lutte contre la précarité pouvant résulter du recours abusif à l'emploi à durée déterminée. Le fait d’imposer la mention du nom et de la qualification professionnelle du salarié remplacé permet ainsi de s’assurer que la conclusion de ce contrat « précaire » a bien été effectué dans l'un des cas limitativement énumérés par la loi.

Dès lors, lorsqu’il s’agit d’un CDD conclu en remplacement d’un salarié absent, le contrat doit expressément indiquer le nom et la qualification du salarié remplacé. A défaut de telles mentions, le contrat est réputé à durée indéterminée.

Cass. soc., 18 mars 2020, n°19-21.535

Prise d’acte de la rupture et articulation avec les modes de rupture du CDD

 

Selon l’article L. 1243-1, alinéa 1, du code du travail, sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail.

Dans une décision du 3 juin 2020, la Haute juridiction est venue préciser qu’une rupture pour prise d’acte d’un CDD pouvait valablement être justifiée par les manquements de l’employeur, peu important que la rupture soit effectivement improprement qualifiée.

Un sportif engagé en CDD en 2011 saisit les juges en mars 2013 d’une demande en résiliation de son contrat de travail aux torts de son employeur. Le 27 mai 2013, il prend acte de la rupture de son contrat, après avoir signé un contrat avec un autre club dix jours plus tôt.

Pour contester sa demande, l’employeur soutient que la prise d’acte est inopérante, la rupture étant selon lui déjà acté puisque le salarié avait manifesté sa volonté de rompre le contrat de manière anticipée en signant un autre contrat de travail. Il souligne ainsi que le salarié avait alors démissionné à partir du moment où ce dernier s’était engagé auprès d’un nouvel employeur.

La Cour de cassation rejette son argumentation. Elle considère d’une part que l’engagement auprès du nouvel employeur « ne pouvait être considéré comme la manifestation par le salarié d’une volonté claire et non équivoque de rompre le contrat de travail ». En effet, le salarié venait de saisir la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire du CDD aux torts de l’employeur avant de s’engager auprès du nouveau club, si bien que les manquements reprochés à son employeur excluaient ainsi une volonté libre de rompre.

D’autre part, si elle relève que l’expression de « prise d’acte » est impropre pour qualifier la rupture du CDD, cette dernière ne figurant pas parmi les motifs de rupture de ce contrat « précaire », elle valide toutefois la position des juges d’appel qui ont retenu une rupture pour faute grave de l’employeur, compte tenu des manquements invoqués par le salarié tant à l’appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet qu’à l’appui de la rupture anticipée du CDD.

Cass. soc., 3 juin 2020, n°18-13.628

Non-indication du motif du recours dans le contrat

 

Le CDD dénué d’une définition précise de son motif est réputé conclu pour une durée indéterminée.

Un salarié engagé comme chargé d’affaires en direction de travaux et pilote de chantier selon contrat à durée déterminée du 2 avril au 30 avril 2015, demande la requalification de sa relation de travail en contrat à durée indéterminée.

L’employeur soutient que l’entreprise a connu un surcroît d’activité nécessitant l'embauche à titre temporaire d'un pilote de chantier, et que le contrat avait été conclu en considération de la variation de la charge de travail liée à la conclusion de nouveaux chantiers.

La Haute juridiction, tout en rappelant que le CDD ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas limitativement énumérés par la loi, constate après examen du contrat que l'employeur n’avait pas mentionné l'un des motifs énumérés, et qu'il est constant qu'un contrat conclu pour la durée d'un chantier est un contrat par nature à durée indéterminée, à moins qu'il ne soit conclu dans l'un des cas prévus. Ce qui n'était pas le cas en l'espèce.

Elle condamne donc l’employeur, et prononce la requalification de la relation de travail en CDI, à l’instar de la cour d’appel.

Cass. soc., 8 juill. 2020, n° 19-10.208

Rupture du contrat d’un commun accord équivoque

 

La rupture d'un commun accord du CDD ne peut résulter que d'un acte clair et non équivoque exprimant la volonté des parties de mettre fin aux relations contractuelles.

Un salarié sous contrat de professionnalisation à durée déterminée, signe avec son employeur une convention emportant rupture anticipée d’un commun accord de son contrat. Il saisit par la suite la juridiction prud’homale afin de voir juger abusive la rupture de son contrat.

Après que les juges du fond aient fait droit à la demande du salarié, l’employeur se pourvoit en cassation.

Il souligne dans son moyen que c’est à celui qui soutient que la rupture du contrat de professionnalisation ne résulte pas d’une volonté claire et dénuée d’équivoque d’en rapporter la preuve. Il affirme en outre que ce n’est pas sur lui que repose une telle preuve, et conteste une « inversion » de la charge de la preuve qui aurait été opérée par les juges.

La Cour de cassation énonce que la cour d’appel a relevé à bon droit que le salarié, de nationalité congolaise, faisait état de difficultés de compréhension de la langue française et de sa méconnaissance du droit du travail, que l’exemplaire signé de la convention produit par le salarié ne portait mention d’aucune date ni de lieu de signature, et que les attestations versées aux débats par le salarié témoignaient de son incompréhension de la portée du document qu’il avait signé.

Elle approuve ainsi la décision d’appel, qui, sans inverser la charge de la preuve, a retenu l'absence d’accord clair et sans équivoque du salarié sur la rupture amiable de son contrat. La rupture anticipée de celui-ci par l'employeur était par conséquent abusive.

Cass. soc., 8 juill. 2020, n° 18-22.068

 

Durée de la prescription de l’action en requalification et fixation du point de départ du délai de contestation

 

 

Le délai de prescription d'une action en requalification d'un CDD en CDI fondée sur le motif du recours au CDD énoncé au contrat a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de CDD, le terme du dernier contrat.

Dans cette affaire, une salariée était engagée en qualité d'agent de service intérieur, dans le cadre de 731 CDD, entre le 13 mai 1998 et le 1 mars 2015. Après avoir demandé la liquidation de sa retraite en avril 2015, la salariée saisit la juridiction prud'homale le 15 janvier 2016 d'une action en requalification de sa relation de travail en CDI.

La cour d’appel donne raison à la salariée, ce que l’employeur conteste devant la Cour de cassation, estimant que l’action en requalification engagée était prescrite, et ce sur le fondement de l’article L. 1471-1 du code du travail, qui dispose que toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

La Cour de cassation rejette son pourvoi, et réaffirme sa position, puisqu’elle avait déjà décidé que le délai de prescription de l’action en requalification fondée sur le motif du recours au CDD a pour point de départ le terme du CDD, ou en cas de succession de CDD, le terme du dernier contrat (Cass. soc., 8 nov. 2017, n° 16-17.499 ; Cass. soc., 29 janv. 2020, n° 18-15.359).

Cass. soc., 8 juill. 2020, n° 18-19.727

 

 

Elie Lebaz, Dictionnaire permanent social
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