Certification des futurs rapports de durabilité : la profession d’avocat souhaite «être entendue»

23.05.2023

Gestion d'entreprise

Les avocats se lancent désormais dans une opération de lobbying. Ils veulent figurer sur la future liste des professionnels habilités à assurer les informations de durabilité des entreprises soumises à la directive CSRD. Marion Couffignal, la présidente de la commission «droit et entreprise» du CNB et fondatrice du cabinet MC Avocat, nous explique la résolution votée en ce sens lors de l'AG du 11 mai.

Les avocats se tiennent prêts. Le 11 mai dernier, l’assemblée générale du Conseil national des barreaux (CNB) a adopté une résolution en faveur d’une nouvelle mission au profit de l’avocat : la certification des informations publiées par les entreprises en matière de durabilité. A compter du 1er janvier 2025, la présentation d’un rapport de durabilité sera rendue progressivement obligatoire du fait de l’entrée en vigueur de la directive dite CSRD. La France doit désormais transposer la directive via une ordonnance attendue d’ici le 9 décembre au plus tard. Et, comme le lui permet la directive, elle peut prendre l’option de confier à des prestataires de services d’assurance indépendants (PSAI) l’émission d’un avis sur les futures informations présentées par les entreprises, en plus des contrôleurs légaux des comptes (commissaires aux comptes ou cabinets d’audit).

Que prévoit formellement la résolution votée le 11 mai dernier ?

La résolution énonce, sans surprise, que les avocats sont parfaitement compétents pour intervenir durant la phase de certification des données en matière de durabilité. La profession souhaite que dans le cadre de la levée d’option par la France - lors de la transposition de la directive - les avocats fassent partie des professions désignées pour être PSAI en matière de données de durabilité.

Nous savons également dans quel cadre cette nouvelle mission pourrait s’inscrire pour les avocats : nous pouvons déjà réaliser des « missions spécifiques » comme celle d’avocat fiduciaire, par exemple. C’est prévu par le RIN [règlement intérieur national de la profession d’avocat, ndlr]. Nous pourrions calquer le fonctionnement du PSAI sur ces dispositifs.

De nouvelles règles vont être édictées pour l’accomplissement des missions de PSAI. Nous souhaitons qu’elles soient communes à tous les prestataires qui vont certifier les données en matière de durabilité (les CAC et tous les autres PSAI).

La directive impose aussi la mise en place, au sein de chaque État membre, d’une autorité indépendante de supervision. Nous souhaitons qu’elle puisse prendre en considération les particularités de l’avocat, c’est-à-dire nos règles professionnelles. Nous voulons aussi être partie prenante dans l’élaboration des règles définies par l’autorité ainsi que dans sa gouvernance. Il est important qu’il y ait, en son sein, des personnes capables d’expliquer le fonctionnement de la profession d’avocat et des règles auxquelles elle est assujettie.

Quelles sont les actions que vous allez désormais mener ?

Notre première action est de faire savoir aux pouvoirs publics notre décision adoptée le 11 mai. Nous devons leur faire connaître notre souhait d’être désignés comme PSAI en espérant, évidemment, être entendus. Dans cette perspective, nous allons continuer à travailler sur la réalisation de notre objectif et donc sur les règles qui vont devoir régir cette nouvelle activité.

Quels sont justement les points de vigilance que vous identifiez en cas de développement de cette nouvelle activité pour la profession d’avocat ?

Nous serons vigilants sur les obligations édictées en matière de formation. Tous les professionnels devront avoir le niveau de compétences requis pour réaliser la mission de PSAI et être, en permanence et correctement, formés à tous les aspects nécessaires pour certifier les données de durabilité.

Nous serons également très attentifs à la façon dont vont être définis le conflit d’intérêt et les règles mises en place pour assurer l’indépendance des prestataires ou des certificateurs vis-à-vis des entreprises qui publient les données.

Nous resterons évidemment attentifs à la manière dont sera traité le secret professionnel qui est essentiel à notre profession. Nous avons un regard spécifique sur cette question.

Concernant la future autorité indépendante de supervision, au-delà de ce qui a déjà été dit (conf. plus haut), nous analyserons l’articulation de son autorité avec celle des instances traditionnelles de la profession, notamment l’autorité du bâtonnier. 

Qu’attendez-vous désormais ?

Si nous sommes suivis dans notre souhait, nous attendons de connaître les propositions qui seront formulées dans le cadre d’un avant-projet de texte du gouvernement transposant la directive CSRD.

propos recueillis par Sophie Bridier

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