Comblement de passif : protection renforcée pour les dirigeants d'association

19.08.2021

Gestion d'entreprise

Les dirigeants d'association sont désormais exonérés de la responsabilité pour insuffisance d'actif en cas de simple négligence. Leur qualité de bénévole est également prise en considération pour apprécier l'existence d’une faute de gestion.

La loi n° 2021-874 du 1er juillet 2021 en faveur de l’engagement associatif, entrée en vigueur le 3 juillet 2021, apporte dans son article premier des assouplissements relatifs à la mise en œuvre de l’action en comblement du passif à l’encontre des dirigeants d’association. En tant que tels, ils sont traditionnellement exposés, comme tous les dirigeants de personnes morales, à une action en insuffisance d’actif dès lors qu’à la suite de la mise en liquidation judiciaire de ces dernières une ou plusieurs fautes de gestion peuvent être imputées aux dirigeants d'association. L’article L. 651- 2 du code de commerce qui régit la matière fait ainsi l’objet de deux modifications destinées à atténuer leur exposition au risque de condamnation. 

 L’extension de l’exception de « simple négligence » dans la gestion

La première modification de la loi consiste dans une extension de « l'exception de négligence » prévue pour les « dirigeants d’entreprises » aux dirigeants associatifs en cas de faute de gestion (C. com., L. 651-2). Cette référence a été introduite par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 dite « Loi Sapin II », laquelle est déjà venue compléter l’article L. 651-2 du code de commerce. Le texte prévoyait l’impossibilité d’engager l’action en insuffisance d’actif en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion « de la société ». Une interprétation stricte imposait la déduction suivante : seuls les dirigeants de société profitaient de cette aubaine tandis que les autres dirigeants de personnes morales, et donc notamment ceux des associations, en étaient exclus.

Cette différence de traitement est désormais abolie par la loi du 1er juillet 2021. L’article premier du texte modifiant le premier alinéa de l’article L. 651-2 du code de commerce en remplaçant à la dernière phrase, le mot : « société » par les mots : « personne morale ».

Les dirigeants d’association sont ainsi soumis au sort commun des autres dirigeants et exonérés de la responsabilité pour insuffisance d’actif en cas de simple négligence dans la gestion de leur association. 

La prise en compte du statut de bénévole

L’article premier de la loi n° 2021-874 du 21 juillet 2021 modifie, également, l'article L. 651-2 du code de commerce pour y ajouter « Lorsque la liquidation judiciaire concerne une association régie par la loi du 1er juillet 1901…, le tribunal apprécie l'existence d'une faute de gestion au regard de la qualité de bénévole du dirigeant. »

Cette deuxième modification adoptée par le texte, semble, cette fois-ci, « soustraire » les dirigeants d’association au sort commun.

De ce point de vue, les dirigeants d’association bénéficieraient donc, dans le principe, d’une disposition plus avantageuse que celle applicable à tout autre dirigeant de personne morale - choix sans doute conforme aux finalités de la loi en vue d’encourager l’engagement associatif.

Il est acquis, en effet, que la qualité de bénévole, pour les dirigeants des autres personnes morales, ne constitue pas une circonstance atténuante. La jurisprudence rappelle que les conditions dans lesquelles le dirigeant poursuivi a exercé des fonctions bénévolement sont indifférentes au regard de l’action en comblement de passif (Cass. com., 1er avr. 1981 : Bull., IV, n° 175 ; Cass. com., 22 mai 1984 : JCP éd. G 1984, IV, no 246). Les juges n’ont pas à prendre cet élément en considération (Cass. com., 9 oct. 1972 : D. 1973, 50 ; Cass. com., 19 déc. 1977 : JCP éd. G 1978, IV, n° 59 ; Cass. com., 21 juill. 1987, n° 86-10.306).

La responsabilité du dirigeant d'une société en liquidation judiciaire poursuivi en comblement de passif s'apprécie de la même manière qu'il soit rémunéré ou non, étant précisé que la cause d'atténuation prévue par le code civil même en cas de mandat gratuit est inapplicable (Cass. com., 9 déc. 2020 n° 18-24.730 F-PB).

Conditionnalité à la qualité de bénévole

Cette nouvelle appréciation de la faute de gestion « reliée » à la qualité de bénévole suppose, toutefois, deux conditions susceptibles d’en limiter le champ d’application.

La première est objective. Elle ne s’appliquera que dans les associations non assujetties à l’impôt sur les sociétés. La loi réserve ainsi le domaine d’intervention de cet assouplissement aux associations statistiquement les plus nombreuses et les moins « structurées » au niveau de leur gestion, ceci afin de favoriser la prise de responsabilité associative.

La seconde condition est subjective. Le bénévolat ne constitue pas une condition automatique d’exonération puisque le juge conserve son pouvoir d’appréciation. Il est donc permis de s’interroger sur la portée de cet assouplissement, même si la volonté d’inciter le juge à la clémence est à l’évidence inscrite dans la loi.

Martine Dizel, Maître de conférences, université Toulouse I

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