Dans sa décision du 25 juillet 2019, la commission des sanctions a prononcé une sanction pécuniaire de 200 000 euros à l'encontre d'une société de gestion, ainsi qu'un avertissement pour son dirigeant.
Cinq manquements ont été retenus à l'encontre d'une société de gestion spécialisée dans l’investissement forestier, pour des faits qui se déroulés entre avril 2014 et août 2017.
Cinq manquements retenus également imputables au dirigeant
La commission a retenu cinq séries de manquements à l’encontre de la société spécialisée dans l’investissement forestier, pour des faits qui se déroulés entre avril 2014 et août 2017 :
- un premier manquement concernant l’absence et le défaut de contrôle dépositaire (la société n'avait pas veillé à ce qu'un dépositaire soit désigné pour chacun des GFI gérés, ni assuré l’accès permanent des deux dépositaires aux informations comptables concernant les GFI) ;
- un défaut de contrôle interne et de conformité, dont, notamment, une absence de cartographie des risques ;
- un défaut de procédure sur la documentation commerciale ainsi que sur le caractère erroné et trompeur de l’information des investisseurs ;
- un manquement concernant le dispositif de gestion des conflits d’intérêts ;
- et enfin, un défaut de diligence vis-à-vis de la mission de contrôle.
Précision : la notification des griefs ne précisant pas sur quelle période les manquements étaient reprochés, les faits constitutifs des manquements ont été examinés au regard des textes applicables à l’époque des faits, sous réserve de l’application rétroactive de dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement.
L’absence de procédure sur les conflits d’intérêts
Parmi les manquements retenus, la société spécialisée dans l’investissement forestier s’est notamment vu reprocher l’absence de procédure de gestion des conflits d’intérêts, ainsi que le manque d’actualisation de son registre en la matière.
En s’abstenant de mettre en œuvre une politique efficace et un dispositif de gestion opérationnel des conflits d’intérêts, ce en méconnaissance des articles
313-18,
313-20 et
313-22 du règlement général de l’AMF, la société n’a pris aucune mesure lui permettant d’identifier, prévenir, gérer, suivre et révéler les conflits d’intérêts.
Remarque : dans le cadre de l’entrée en vigueur de la directive MIF 2, les articles 313-18 et 313-20 ont été supprimés par l’arrêté du 20 décembre 2017. Ils ont été remplacés par les articles
321-46 et
321-48 du règlement général de l’AMF, mais n’ont pas été appliqués rétroactivement car ils n’apparaissaient pas moins sévères que les textes visés par la notification des griefs.
Il est ressorti du rapport de synthèse de la société Agama Conseil, délégataire du contrôle de second niveau, que la société n’avait pas validé la procédure relative aux conflits d’intérêts, ce qui atteste tout à la fois de l’absence de mise en œuvre du document, et de diffusion aux collaborateurs de la société.
En outre, la rédaction d’une politique de gestion des conflits d’intérêts par la société 99 Advisory, délégataire de contrôle interne, a été transmise aux dirigeants de la société le 12 septembre 2016, ce qui confirme encore qu’avant cette date, la société ne disposait pas d’une procédure de gestion des conflits d’intérêts.
Le manque d'actualisation du registre des conflits d’intérêts
Concernant le registre des conflits d’intérêts, il est fait grief à la société d’avoir manqué à son obligation de le tenir et l’actualiser régulièrement, ce en dépit de l’existence de conflits d’intérêts potentiels identifiés (Règl. AMF, art.
313-22).
Précision : la poursuite a identifié des conflits d'intérêts potentiels :
- entre l’activité de gestion des GFI et l’activité pour compte propre de M. Segouin au travers de diverses entités dont Forêt Expertises & Conseils ;
- entre les GFI et les groupements forestiers familiaux ;
- liés au cumul des contrats de travail par des salariés de Forest Invest, des GFI et de la société Forêt Expertise Conseils ;
- liés au manque d’indépendance du valorisateur des GFI pour l’exercice clôturé le 31 mars 2016 car M. Segouin cumulait les fonctions d’expert forestier, valorisateur interne, président, gérant financier et RCCI.
Il n'était pourtant fait mention d'aucun conflit d'intérêts sur le registre des conflits d'intérêts de la société.
Remarque : si la notification de griefs faisait état d’insuffisances concernant la cartographie des conflits d’intérêts potentiels et avérés et la cartographie des risques opérationnels, aucun manquement n’ayant été notifié sur ce point, la conformité de ces documents n’a pas été examinée.
Pour la commission, le simple constat du cumul, par M. Segouin, des fonctions d’expert, de valorisateur interne, de président, de gérant financier et de RCCI a suffi à établir que c’était à tort que le registre des conflits d’intérêts de Forest Invest ne faisait état, au 7 novembre 2016, d’aucun conflit d’intérêts, dès lors que le contrôle du dispositif de valorisation revenait à la personne chargée de cette valorisation.
De même, le cumul par plusieurs personnes de contrats de travail avec Forest Invest, les GFI et/ou la société Forêt Expertises & Conseils, loin de garantir leur indépendance comme l'a fait valoir la société, les plaçait nécessairement en risque élevé de conflits d’intérêts.
La décision, non anonymisée, a été publiée sur le site de l'Autorité des marchés financiers.
Élise Le Berre, Solution Compliance et éthique des affaires