Contrôles, monitoring, autodénonciation : l’Agence française anticorruption affine sa stratégie

Contrôles, monitoring, autodénonciation : l’Agence française anticorruption affine sa stratégie

29.06.2018

Gestion d'entreprise

Le directeur de l’Agence française anticorruption (AFA), Charles Duchaine, esquisse les grands axes de ses projets pour les mois à venir. Une cinquantaine de contrôles, la publication de recommandations sectorielles et la rédaction de lignes directrices communes avec les parquets sont à l'étude.

« L’immensité des entreprises ne sont pas du tout prêtes, et nous ne sommes pas surpris car c’est un dispositif encore récent et assez coûteux à mettre en place, cela ne va pas se faire du jour au lendemain ». Tel est le constat qu’a dressé, à la lumière des premiers contrôles effectués par ses services, le patron de l’anticorruption en France le 12 juin dernier, à l’occasion d’une rencontre coorganisée avec l’Association des journalistes de la presse économique et financière (AJEF).

« Dans les entreprises qui ont mis en place un dispositif, ce dernier est plutôt orienté sur la lutte contre le blanchiment », a-t-il ajouté, « seules certaines des entreprises qui ont une activité internationale très forte sont mieux équipées ». Prochaine étape sur le terrain du conseil : l’AFA prévoit d’élaborer et de publier sur son site Internet « des recommandations sectorielles », adaptées aux spécificités de chaque industrie.

Contrôles : une stratégie qui se construit pas à pas

Après une première vague lancée en octobre 2017 et une deuxième en mars 2018, l’Agence envisage d’opérer environ 55 contrôles par an (soit 40 acteurs économiques et 15 acteurs publics). Un objectif qui est « peut-être un peu ambitieux », a reconnu le directeur de l’AFA, dont les effectifs se chiffrent à un peu moins d’une soixantaine de personnes (et non 70 comme prévu lors de sa prise de fonction).

« Nous allons viser en priorité les entreprises que nous pensons être les plus exposées ou les plus fragiles » sur le terrain de la corruption. Sans oublier celles qui font l’objet de dénonciations, par courrier postal ou électronique, ou par « des dossiers déposés à l’accueil » de l’Agence.

Oui à la CJIP, mais non aux transactions bradées

Que penser de l’introduction en droit français de la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) ? « Avant la CJIP, il n’y avait rien du tout, et je préfère la CJIP plutôt que rien du tout », a répondu Charles Duchaine. Mais il ne faut pas que cela devienne « une négociation bradée entre un parquet qui n’a pas assez de preuves et une entreprise qui règle ça via une transaction a minima », a-t-il ajouté.

Favorable « à la négociation d’un accord global » lorsqu’une entreprise fait face aux poursuites de plusieurs juridictions, il estime que la convention récemment signée par la Société Générale et le Parquet national financier, en accord avec la Department of Justice américain, « est un peu un prototype sur ce terrain ».

Assurer le monitoring des entreprises françaises, en France et ailleurs

Concernant la mission de monitoring confiée à l’AFA par la loi (et qui consiste à contrôler la bonne mise en œuvre des programmes anticorruption imposés dans le cadre d’un accord transactionnel ou d’une décision de justice) :

« nous pensons avoir autorité à faire ce monitoring dans les entreprises françaises, qu’il soit imposé par des autorités françaises ou étrangères », et ce, « y compris dans les filiales étrangères ». Une façon pour l’Agence de conforter son rôle face au gendarme américain.

« J’ai le sentiment que les États-Unis ne sont pas insensibles à nos efforts », a-t-il glissé.

Autodénonciation : offrir davantage de prévisibilité

« Dans l’esprit, notre système [de lutte contre la corruption] est tout à fait comparable au système américain, mais pas dans la pratique, car la justice américaine dispose de très gros moyens d’enquête et les investigations se déroulent de façon plus violente, et c’est pourquoi les entreprises vont à confesse… », a-t-il relevé. En France, en revanche, « les entreprises ne sont pas prêtes à venir nous voir spontanément ».

Et c’est pourquoi l’AFA envisage de signer avec les parquets « des lignes directrices communes pour définir ce que seraient pour une entreprise les avantages d’une autodénonciation » : « nous allons essayer d’afficher la stratégie que nous allons mettre en œuvre avec les autorités judiciaires en France ». Les entreprises tentées de s’auto-dénoncer auront ainsi davantage de visibilité quant aux suites qui pourront être données à une telle démarche.

 

Miren Lartigue

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