Un régime national de prescription des actions en dommages et intérêts pour infraction au droit de la concurrence, dans sa version antérieure à la transposition de la directive du 26 novembre 2014, ne peut pas prévoir le départ du délai de prescription avant que le comportement infractionnel ait pris fin et que la personne lésée ait pris connaissance du fait que le comportement concerné constitue une infraction. Dans cette chronique, Frédéric Puel, avocat associé et Alexandre Marescaux, avocat chez Fidal nous expliquent les apports d'une récente décision de la CJUE sur le principe d'effectivité.
La présente affaire a pour origine l’action introduite en 2020 par une société tchèque active sur le marché des services de comparaison des prix de vente contre Google. Elle demandait réparation du préjudice qu’elle aurait subi du fait des pratiques d’autopréférence (dire de « self-preferencing ») de Google vis-à-vis de son propre logiciel de comparaison de prix, dans l’affichage des résultats sur son moteur de recherche. Ces comportements avaient été sanctionnés par la Commission dans une décision de 2017.
Invoquant le droit tchèque, Google avait opposé à la société requérante la prescription de son action. En effet, avant la transposition de la directive du 26 novembre 2014 relative aux actions en dommages et intérêts pour les infractions au droit de la concurrence, le droit tchèque prévoyait un délai de prescription de 3 ans commençant à courir à compter de la date à laquelle la victime a pris connaissance ou pouvait prendre connaissance de l’identité de l’auteur de l’infraction et du dommage subi, indépendamment de la date de cessation de l’infraction et de l’existence d’une enquête en cours. Dans ce contexte, Google soutenait que, compte tenu notamment de la nature des pratiques, la société avait eu connaissance du comportement anticoncurrentiel litigieux dès 2013. Les juridictions françaises saisies ont, dans le cadre de ce litige, posé plusieurs questions préjudicielles à la CJUE.
La Cour rappelle qu’il convient de vérifier, par application des règles nationales de prescription, si la situation en cause au principal était prescrite avant l’expiration du délai de transposition de cette directive, à savoir le 27 décembre 2016. En effet, avant l’entrée en vigueur de la Directive Dommages, il appartenait à chaque État membre de régir les modalités d’exercice des actions en private enforcement, pour autant que les principes d’équivalence et d’effectivité du droit de l’Union soient respectés, ce dernier principe exigeant que les règles applicables à ce type d’actions ne rendent pas celles-ci impossibles ou excessivement difficiles (points 49 à 51).
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
La Cour reprend la solution déjà dégagée dans les arrêts « Cogeco » et « Volvo ». Un tel régime n’est pas conforme au principe d’effectivité et compatible avec l’article 102 du TFUE, lorsque le délai de prescription :
- (i) commence à courir avant que le comportement infractionnel ait pris fin et que la personne lésée ait pris connaissance du fait que le comportement concerné constitue une infraction, et
- (ii) ne peut être ni suspendu ni interrompu au cours de l’enquête de la Commission (points 55 et 79 à 81).
Il est, par conséquent, requis de faire abstraction de ces éléments du régime national de prescription afin de déterminer si le délai fixé par le droit national était écoulé à la date d’expiration du délai de transposition de la Directive Dommages (point 82).
Reprenant la solution dégagée dans l’arrêt « Volvo », la Cour rappelle alors qu’il existe une présomption simple de concomitance de la prise de connaissance de l’infraction avec la publication de la décision sanctionnant l’infraction au Journal officiel de l’UE (point 67). Il appartient donc au défendeur d’établir que le demandeur a pris ou aurait dû prendre connaissance des éléments indispensables à l’exercice de son action avant cette date (point 71).
La présente affaire présentait toutefois une particularité en ce que la décision publiée au JOUE avait fait l’objet d’un recours devant le TUE puis devant la CJUE. Dans ces conditions, est-il possible de reporter le point de départ du délai de prescription à la décision rendue par le Tribunal, voire par la Cour ?
La CJUE répond que le caractère non-définitif d’une telle décision n’a pas d’incidence sur cette présomption dès lors que la décision a un effet contraignant tant qu’elle n’a pas été annulée. Il peut donc raisonnablement être considéré que la personne lésée disposait, dès la publication au JOUE, des informations nécessaires à l’exercice de son recours (point 78).
NDLR : les auteurs tiennent à remercier Mahaut de La Messelière, juriste stagiaire, pour son aide précieuse dans la préparation de cette publication.
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