Face à la peur du chômage, les salariés font moins valoir leurs droits

Face à la peur du chômage, les salariés font moins valoir leurs droits

22.12.2015

Représentants du personnel

Entre 2005 et 2013, la crainte d'être licencié a considérablement augmenté et concerne désormais un quart des salariés en CDI. Or les salariés en insécurité ont davantage tendance à venir travailler même quand ils sont malades, à ne pas réclamer le paiement d'heures supplémentaires et à limiter leur droit d'expression, s'inquiète le service statistiques du ministère du Travail.

La hausse du chômage provoque un accroissement du sentiment d'insécurité pour les personnes en emploi, y compris celles qui bénéficient d'un contrat à durée indéterminée, et indirectement une moindre effectivité du droit du travail. Un constat dressé par la Dares (*), service qui relève du ministère du Travail, et qui doit alarmer les représentants du personnel.

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Un CDI sur quatre craint d'être licencié

Pas moins de 24% des salariés en CDI craignent désormais de perdre leur emploi durant l'année à venir, contre seulement 16% en 2005. Or "le sentiment d'insécurité est étroitement lié à l'état de santé", constate la Dares. Une personne en mauvaise santé peut redouter d'être discriminée et licenciée ou de ne pas pouvoir tenir dans son emploi. Et d'autre part, travailler "avec la peur de perdre de son emploi peut aussi dégrader la santé. L'insécurité ressentie peut affecter les comportements des personnes dans un sens défavorable à la préservation de leur santé", relève l'étude. Un tiers des salariés en CDI qui redoutent un licenciement viennent travailler lorsqu'ils sont malades (contre 19% des CDI en emploi "sécurisé"). Les salariés en emploi "stable insécurisé", selon les termes du ministère, sont également plus nombreux à dépasser les heures prévues sans compensation en salaire ou en repos.

La peur de perdre son emploi peut aussi amener à faire des concessions sur la sécurité. Les CDI dits "insécurisés" sont 13% à juger qu'ils manquent d'équipements de sécurité individuels (contre 7% pour les contrats "stables sécurisés") et leur taux d'accident du travail est plus élevé. 

L'usage du droit d'expression, plus que limité

Sans surprise, la crainte du renvoi affecte enfin l'usage de la liberté d'expression : "Les salariés "stables insécurisés" vivent plus fréquemment des situations de conflits latents avec leurs supérieurs concernant la conception de la qualité du travail, sans pouvoir exprimer leurs désaccords, énonce l'enquête. (...) De même, devoir "éviter de donner son avis" et être amené à "faire des choses que l'on désapprouve" sont des situations plus fréquentes parmi les salariés "stables insécurisés". Seule note positive, la parole semble retrouver sa liberté dans le cadre collectif.

(*) Les enquêtes "Conditions de travail" du ministère du Travail sont menées tous les sept ans et "visent à cerner au plus près le travail tel qu'il est perçu par le travail", est-il expliqué. Les données ici analysées par la Dares sont issues de l'enquête 2013, menée auprès de 34 000 salariés du privé et fonctionnaires.

Julien François
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