Fin de vie : la loi sur l’aide à mourir adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale

13.06.2025

Droit public

Au terme de débats d’une particulière densité impliquant l’examen de plus de 2500 amendements, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture, le 27 mai 2025, deux propositions de loi, l’une renforçant l’accès aux soins palliatifs, l’autre consacrant un « droit à l’aide à mourir ».

Ce vote intervient moins d’un an après la dissolution de l’Assemblée par le chef de l’Etat, le 9 juin 2024, décision qui avait alors interrompu l’examen parlementaire du projet de loi du 10 avril 2024 (Projet de loi n° 2462 du 10 avril 2024 relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie) qui rassemblait les deux volets. Nous rappellerons ici synthétiquement les principaux éléments qui ressortent de la seconde proposition de loi, relative à l’aide à mourir.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Définition

Le « droit à l’aide à mourir » est défini comme consistant « à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale (…) afin qu’elle se l’administre ou, lorsqu’elle n’est pas physiquement en mesure d’y procéder, se la fasse administrer par un médecin ou par un infirmier ». L’Assemblée nationale a rétabli le principe d’une « simple » aide au suicide et réaffirmé le caractère subsidiaire d’une administration directe par le professionnel de santé (parfois appelée « euthanasie »), pour les situations d’inaptitude physique, alors que la commission des affaires sociales avait supprimé cette hiérarchie en laissant à la personne le choix entre ces deux modalités. Les amendements visant à inclure l’inaptitude psychique, pour des personnes se sentant incapables de procéder elles-mêmes au geste fatal, n’ont pas été adoptés (V., F. Vialla, « Fin de vie. Aide à mourir. Flou terminologique et obstination déraisonnable ? », JCP G 2025, n° 19, act. 561).

Fait justificatif

Afin de rassurer les professionnels de santé, le législateur a explicitement indiqué que les actes s’inscrivant dans le cadre d’une aide à mourir relevaient d’une autorisation de la loi au sens de l’article 122-4 du code pénal et se trouvaient donc justifiés au plan pénal. Les professionnels qui apportent leur concours, en permettant l’accès à la substance létale et/ou en l’administrant directement, ne pourront donc être poursuivis pour les infractions, notamment, d’homicide, de provocation au suicide ou encore de non-assistance à personne en péril. Si elle est bienvenue, cette mention explicite n’était pourtant pas indispensable. On relèvera qu’elle n’a pas d’équivalent dans les dispositions relatives à l’arrêt des traitements conduisant à laisser mourir un patient, qui constituent pourtant en substance une justification pénale du délit de non-assistance (V., P. Mistretta, Droit pénal médical, LGDJ, 2ème éd., 2022).

Conditions d’accès

L’un des points les plus controversés concerne les conditions d’accès à l’aide à mourir, au cœur de la proposition de loi. Sur ce point, malgré des assouplissements notables, le dispositif voté en première lecture n’abandonne pas fondamentalement, nous semble-t-il, la philosophie initiale du projet de loi d’avril 2024, selon laquelle l’aide à mourir n’est pas tant un dispositif visant à promouvoir la liberté de la personne sur son propre corps et sa vie – même si le caractère volontaire de l’acte demeure central – qu’une réponse de dernier recours à des situations de grande souffrance prolongée sans espoir d’amélioration (contra, A. Cheynet de Beaupré, « 2005-2025 : fin de vie, la mort en face », D. 2025, p. 691 : « la proposition de loi n° 1100 ne vise pas tant à lutter contre des souffrances réfractaires en fin de vie, qu'à poser une autodétermination de sa mort par l'individu », et D. 2025, p. 824).

Cinq conditions sont énoncées dans ce qui devrait être le futur article L. 1111-12-2 du code de la santé publique. La personne doit être de nationalité française ou résider de façon stable et régulière en France. Elle doit être âgée d’au moins dix-huit ans, ce qui exclut les mineurs, même émancipés, là où d’autres législations reconnaissent au contraire cette possibilité (V., le dossier « Minorité et fin de vie », RDSS 2025, n° 3). La troisième condition est probablement la plus délicate, puisqu’elle concerne l’état de santé « requis » pour être éligible à l’aide à mourir. L’intéressé doit être atteint « d’une affection grave et incurable [par exemple, un cancer ou une maladie dégénérative comme une sclérose en plaques ou une myopathie], quelle qu’en soit la cause [génétique ou autre], qui engage le pronostic vital, en phase avancée, caractérisée par l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie, ou en phase terminale ». Si elle n’est certes pas insusceptible d’interprétation, la définition donnée de la « phase avancée », qui ne figurait pas dans la proposition de loi initiale, apparaît bienvenue. La loi reprend ici la définition récemment proposée par la Haute Autorité de santé. Le terme « avancée » suggère certes que l’espérance de vie est réduite mais sans davantage de précisions sur le terme, ce qui laisse une marge importante d’appréciation au médecin examinant la demande. C’est la dégradation de la qualité de vie qui apparaît déterminante. De ce point de vue, la condition légale est plus inclusive que celle du projet de loi d’avril 2024 qui exigeait un « pronostic vital engagé à court ou moyen terme », dont la définition ne fait d’ailleurs pas consensus selon la même HAS. L’idée est précisément de permettre aux personnes de recourir à l’aide à mourir en vue d’abréger leurs souffrances sans les contraindre à attendre le stade ultime de dégradation physique précédant leur mort « naturelle », à un moment où elles pourraient en outre ne plus être en capacité d’exprimer une volonté « valide ». Précisément, la quatrième condition exige que la personne présente « une souffrance physique ou psychologique constante liée à cette affection, qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne lorsque celle-ci a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement ». L’aide à mourir est donc subsidiaire et conçue comme un dernier recours en cas d’insuffisance des soins palliatifs. En pratique, cependant, l’expression du patient sera déterminante car c’est lui qui sera amené à confirmer si les soins palliatifs sont propres à le soulager avec une efficacité suffisante. Le médecin doit en tous cas l’informer des différentes possibilités de soins palliatifs et s’assurer de l’effectivité de ceux-ci. On perçoit qu’en dépit de la division du projet initial en deux propositions de loi, la question de l’accès à l’aide à mourir et celle d’un accès suffisant aux soins palliatifs demeurent intimement liées. Un amendement adopté est en outre venu préciser qu’ « une souffrance psychologique seule ne peut en aucun cas permettre de bénéficier de l’aide à mourir », ce qui peut sembler en l’état contradictoire avec la disposition précitée visant une « souffrance physique ou psychologique ». Le texte mériterait sur ce point une clarification. Enfin et cinquièmement, l’intéressé doit « être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée », cette condition devant être vérifiée jusqu’à la réalisation de l’acte létal. Les personnes dont le discernement est gravement altéré seront donc exclues des « bénéficiaires ». La demande ne peut pas davantage être formulée de manière anticipée via des directives (comp., PPL n° 3755 du 19 janvier 2021), comme cela existe par exemple au Québec (Art. 25.1, al. 2 LCSFV). La présence d’une mesure juridique de protection, en revanche, n’est pas un obstacle en soi.

Procédure

Le texte fixe encore la procédure à suivre allant de la demande à la réalisation de l’acte.

Demande

La demande doit être adressée à un médecin en activité, qui peut être hospitalier ou libéral, des incompatibilités familiales étant prévues pour éviter un examen (trop) partial. Elle doit être faite en présence du professionnel, sur son lieu d’exercice ou au domicile de la personne. Elle est formulée par écrit ou à l’aide de tout autre mode d’expression adapté aux capacités de l’intéressé. Cette dernière précision résulte d’un amendement visant à tenir compte des diverses formes de handicap qui peuvent caractériser les personnes éligibles, sujettes, par hypothèse, à des altérations fonctionnelles importantes. On pense aux personnes atteintes de maladies dégénératives dont le stade d’évolution ne leur permet plus d’écrire et/ou de parler. C’est dans le même esprit que le texte prévoit que « Lorsque la personne malade est atteinte d’une maladie neurodégénérative, l’évaluation de sa capacité de discernement doit tenir compte de son mode de communication et des dispositifs adaptés utilisés et ne peut se fonder exclusivement sur des tests cognitifs sensibles à la fatigue, à l’anxiété ou aux troubles moteurs ». La précision est louable et vise à ne pas disqualifier trop rapidement la volonté des personnes présentant certains troubles, type Alzheimer, pouvant s’ajouter à l’affection grave et incurable engageant le pronostic vital. Cette attention mériterait probablement d’être étendue à toutes les formes de handicap altérant la capacité de communication et/ou le discernement.

Information

Pour permettre un choix éclairé, le médecin est tenu d’informer la personne sur son état de santé, les perspectives d’évolution de celui-ci, les traitements et les dispositifs d’accompagnement disponibles, la possibilité d’accéder à un accompagnement palliatif et au suivi par un psychologue, en s’assurant que cet accès soit effectif. Il expose également au patient les conditions de l’aide à mourir et la possibilité d’y renoncer à tout moment. Le médecin s’assure encore de la présence ou non d’une mesure de protection juridique avec assistance ou représentation en matière personnelle à l’aide du registre mentionné à l’article 427-1 du code civil, créé par la loi du 8 avril 2024 (loi n° 2024-217), en adaptant le cas échéant l’information aux facultés de discernement du majeur. La mention ajoutée par la commission des affaires sociales selon laquelle le consentement du majeur doit être « systématiquement recherché » a fort judicieusement été supprimée. La référence à la recherche d’un consentement avait ici peu de pertinence puisque l’aide à mourir ne résulte pas d’une proposition du médecin mais d’une demande ferme et réitérée du malade exprimant une volonté libre et éclairée.

Procédure collégiale

Pour l’appréciation des conditions liées à l’existence, d’une part, d’un affection grave et incurable en phase avancée ou terminale et, d’autre part, d’une aptitude de l’intéressé à exprimer une volonté libre et éclairée, le médecin est tenu de mettre en place une « procédure collégiale réunissant un collège pluriprofessionnel » composé au moins d’un médecin n’intervenant pas dans le traitement de la personne, spécialiste de la pathologie de celle-ci, d’un auxiliaire médical ou d’un aide-soignant intervenant dans le traitement du patient. La catégorie des auxiliaires médicaux dans le code de la santé publique est large. En pratique, il pourra s’agir d’un infirmier mais aussi le cas échéant d’un autre professionnel tel un kinésithérapeute ou un ergothérapeute suivant régulièrement le patient. D’autres professionnels de santé ou du secteur médico-social peuvent également être conviés à la réunion de concertation. Les observations du protecteur sont également recueillies, ainsi que l’avis de la personne de confiance si le patient le demande.

Délais

Le médecin doit se prononcer sur la demande d’aide à mourir dans un délai de quinze jours à compter de celle-ci en notifiant sa décision motivée oralement et par écrit et en informant également par écrit, le cas échéant, le protecteur. Un délai de réflexion d’au moins deux jours à compter de la notification de la décision est prévu, au terme duquel la personne peut confirmer « au médecin qu’elle demande l’administration de la substance létale ». La possibilité, prévue par la proposition de loi initiale, d’abréger ce délai de 48h, a été supprimée. Le patient peut renoncer ou vouloir différer la mise en œuvre de l’acte létal. Toutefois, lorsque la confirmation de la demande intervient plus de trois mois après la notification, le médecin doit évaluer à nouveau le caractère libre et éclairé de la volonté de ce dernier.

Délivrance et administration du produit létal

Le médecin informe oralement et par écrit le patient des modalités d’action de la substance létale et détermine, en accord avec lui, à la fois les modalités d’administration de celle-ci et le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner pour cette administration. Le produit ne peut être préparé que par une pharmacie à usage intérieur d’un établissement de santé et délivré soit par celle-ci, soit par une pharmacie d’officine désignée par le médecin ou l’infirmier. Au jour de l’administration de la substance létale, ces derniers doivent en outre vérifier que la personne réitère sa volonté et ne subisse aucune pression. Ils doivent assurer la surveillance de l’intéressé au moment où il s’administre la substance létale et demeurer à proximité afin de pouvoir intervenir en cas de difficulté (par exemple une fausse route, sic). La mention selon laquelle « est réputée décédée de mort naturelle la personne dont la mort résulte d’une aide à mourir », fiction juridique qui avait notamment pour objet de contourner l’exclusion légale de la garantie d’assurance en cas de suicide (V., T. Revet, « Fiction », D. 2025, p. 881), a en revanche été supprimée. L’exception insérée dans le Code des assurances à l’article L. 132-7 devrait suffire à régler la question.

Clause de conscience

Comme en matière d’IVG ou de stérilisation contraceptive, une clause de conscience est prévue, permettant aux professionnels de refuser de traiter une demande d’aide à mourir ou d’accompagner le patient dans une telle démarche. Fournir à une personne les moyens de se suicider et, plus encore, provoquer directement sa mort par une injection létale constituent assurément des actes graves, heurtant la vocation traditionnelle de la médecine (C. santé publ., art. R. 4127-38 al. 2 : le médecin « n’a pas le droit de provoquer délibérément la mort ») et touchant un interdit anthropologique fondamental. Cela explique que les professionnels doivent demeurer libres d’y participer ou non (G. Rousset, « La clause de conscience en matière d'aide active à mourir - Réflexion prospective sur un outil essentiel », JCP G, 2023, n° 26, p. 1272). Rien ne permet de présumer, en outre, au regard du nombre de « candidats » envisagés, que cette clause serait de nature à menacer, en pratique, l’accès effectif des malades au dispositif. Ajoutons que cette clause ne s’étend pas au pharmacien préparant ou délivrant le produit. Le responsable de l’établissement public ou privé de santé ou médico-social où se trouve hébergé le patient demandeur ne peut davantage s’opposer à l’acte.

Contestation de la décision médicale

La procédure peut être interrompue soit lorsque le patient renonce à l’aide à mourir, soit lorsque le médecin chargé d’examiner la demande estime qu’une ou plusieurs des conditions d’accès ne sont pas ou plus réunies. Précision importante, le texte prévoit que seul le patient peut contester en justice la décision de refus du praticien. On en déduit a contrario que ni les associations, ni les membres de la famille n’ont qualité pour agir dans cette hypothèse. La juridiction administrative est en outre désignée comme compétente pour examiner le recours, alors même que le médecin examinateur n’est pas nécessairement un praticien hospitalier. En revanche, la décision médicale d’autoriser l’accès à l’aide à mourir, lorsqu’elle concerne un majeur protégé, peut être contestée par le protecteur devant le juge des contentieux de la protection dans un bref délai de deux jours, qui suspend la procédure. Cette faculté est prévue en cas de doute sur l’aptitude de la personne à manifester une volonté libre et éclairée.

Traçabilité et contrôle a posteriori

Afin d’assurer la traçabilité des différents actes réalisés au cours de cette procédure (consultations, prescription du produit létal, préparation et administration), notamment à des fins de contrôle, le nouveau texte impose l’enregistrement de ces derniers dans un système d’information sécurisé. Un nouvel article L. 1111-12-13 du code de la santé publique prévoit ainsi qu’une commission de contrôle et d’évaluation assure le « contrôle a posteriori, à partir notamment des données enregistrées dans le système d’information, du respect, pour chaque procédure d’aide à mourir, des conditions » légales. Cette commission se compose de deux médecins, deux magistrats, deux représentants les usagers du système de santé, ainsi que deux personnalités désignées en raison de leurs compétences dans le domaine des sciences humaines et sociales. Elle peut saisir la chambre disciplinaire de l’ordre compétent ou faire un signalement au procureur de la République en cas d’illégalité constatée.

Délit d’entrave

C’est un des points sensibles de la proposition de loi. Comme en matière d’IVG, un délit spécifique est prévu pour qui tenterait de faire obstacle à l’accès de la personne à l’aide à mourir. Cette infraction a parfois été présentée de manière quelque peu caricaturale sur certains médias ou bancs de l’Assemblée. Elle ne permet pas d’incriminer des proches du malade ou des professionnels qui tenteraient de convaincre le patient de renoncer à ce projet d’aide à mourir, notamment en lui proposant des soins palliatifs. Vouloir empêcher une personne de mettre fin à ses jours est un réflexe humain spontané bien compréhensible, l’obligation d’assistance à personne en péril découlant de la loi pénale étant une traduction de ce devoir d’humanité et de fraternité. En conséquence, ce délit d’entrave est circonscrit à des comportements plus précis : d’une part, le fait de perturber « l’accès aux établissements où est pratiquée l’aide à mourir ou à tout lieu où elle peut régulièrement être pratiquée, en entravant la libre circulation des personnes à l’intérieur de ces lieux ou les conditions de travail des personnels médicaux et non médicaux (…) » ; d’autre part, le fait d’exercer « des pressions morales ou psychologiques, en formulant des menaces ou en se livrant à tout acte d’intimidation à l’encontre des personnes cherchant à s’informer sur l’aide à mourir, des personnels participant à la mise en œuvre de l’aide à mourir, des patients souhaitant recourir à l’aide à mourir ou de l’entourage de ces derniers ou des professionnels de santé volontaires (…) ». Certaines voix ont soulevé que l’équilibre du texte devrait impliquer l’incrimination corrélative des incitations à recourir à l’aide à mourir. Toutefois, le code pénal prévoyant déjà un délit de provocation au suicide, la proposition peut apparaître superflue.

En l’état, le texte prévoit de nombreux décrets d’application. Il sera examiné au Sénat à l’automne et ne devrait être adopté dans sa version définitive qu’au cours de l’année 2026. On ne saurait donc préjuger, à ce stade, de sa version finale.

Paul VERON, maître de conférences en droit privé, Université de Nantes (Laboratoire droit et changement social (UMR 6297)
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