Industrie verte : chantier par chantier, quels enjeux et quels points de vigilance ?

26.03.2023

HSE

Bercy doit bientôt présenter les "propositions" pour le futur projet de loi "industrie verte". Fiscalité, financements, filières françaises, implantations des usines, emplois : cinq chantiers identifiés par l'exécutif et qui présentent des problématiques environnementales.

Dans l’industrie, les levées de fonds ont augmenté de 36 % en France sur l’année 2022 selon une étude de BPI France publiée le 15 mars 2023. Un regain d’activité que le projet de loi "industrie verte" – dont Bercy entendait présenter aujourd'hui, lundi 27 mars, les propositions avant de reporter à une date ultérieure – entend accélérer. Cinq chantiers majeurs ont été identifiés par l’exécutif. Ils ne devront pas perdre en route les problématiques environnementales. 

1- Transformer la fiscalité pour faire grandir l’industrie verte  

► L'enjeu

Si la délocalisation des activités manufacturières dans les pays à bas coûts à moins la cote que par le passé, la crainte du gouvernement est de voir les entreprises se réinstaller chez ses voisins. Ainsi qu’aux États-Unis où les subventions liées à l’Inflation reduction act (IRA) semblent doper la dynamique industrielle depuis le début de l’année. La France veut elle aussi devenir plus attractive pour les investisseurs étrangers. 

► Le point de vigilance 

"Nos industries doivent se transformer radicalement pour produire dans un monde où l’énergie ne sera plus la même et sera plus chère […]. Seule une industrie décarbonée sera capable de résister aux mutations du monde", estime le ministre délégué à l’industrie, Roland Lescure, dans une tribune publiée dans Le JDD le 12 mars. Attention par conséquent à bien définir ce qu’est une "industrie verte" et à ne pas perdre en route les enjeux de transition. 

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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2- Ouvrir des usines, réhabiliter les friches, mettre à disposition des terrains  

► L'enjeu

Le projet de loi cherchera à lever des freins comme le temps d’instruction des dossiers d’implantation. Une demande récurrente des industriels, tout autant qu'une promesse récurrente du législateur ! Dans un guide publié fin 2022, l’ambassadrice du club FFI (Forces françaises de l'industrie), Virginie Saks, estime nécessaire d’accélérer chacune des huit étapes de tout projet d’implantation, avec des recommandations aux entreprises, mais surtout aux dix interlocuteurs qu’un dirigeant de PME est amené à rencontrer. 

► Le point de vigilance 

Intercommunalités de France a indiqué, le 21 mars, que deux tiers de ses adhérents avaient "déjà dû refuser des implantations ou subi des départs d’entreprises en raison du manque de terrains disponibles". Dans un contexte de sobriété foncière encadrée par l’objectif "zéro artificialisation nette", réinvestir des sites qui ont déjà fait les beaux jours de l’industrie est essentiel. D’où la nomination, fin février, de Rollon Mouchel-Blaisot, chargé d’une mission interministérielle qui devra recenser l’offre foncière, qualifier la demande des entreprises et faciliter l’accueil des projets industriels. 

3- Produire, commander, acheter en France  

► L'enjeu

Plus question de subir. Les pays occidentaux en général, et la France en particulier, ont construit une partie de leur transition sur des produits importés. Dans le secteur photovoltaïque, par exemple. Objectif, désormais : construire des filières complètes avec de grandes usines spécialisées dans l’éolien offshore, les batteries, ou encore les électrolyseurs. Au-delà de ces filières pilotées par le gouvernement et des groupes d’envergure internationale, la relocalisation demandera des écosystèmes locaux efficaces et résilients. "Travailler sur la production et la consommation d’hydrogène demande des investissements importants. Collectivités et entreprises doivent travailler ensemble", illustre Sophie Nicolas, directrice générale des services du syndicat intercommunal d’énergie d'Indre-et-Loire (Sieil), qui s’est associé à STMicroelectronics dans le projet Hy-Touraine. 

► Le point de vigilance 

Au-delà de ces projets en partenariats, l’enjeu est de pousser les consommateurs à davantage se tourner vers la production locale. Dans ses vingt propositions à intégrer dans le projet de loi, Intercommunalités de France met l’accent sur le rôle que peuvent jouer les collectivités si on les accompagne. Elle demande, entre autres, un appel à manifestation d’intérêt dédié aux solutions innovantes en matière de commande publique.  

4- Financer l’industrie verte française 

► L'enjeu

Le plan de soutien à l’industrie verte sera français, mais surtout européen. Pour répondre à l’offensive américaine que constitue l’IRA, Bruxelles travaille sur un texte devant contribuer à "une industrie à zéro émission". Attention à n’oublier aucun secteur. Dans un rapport remis à la première ministre, Élisabeth Borne, le conseil d’orientation des infrastructures a insisté par exemple fin février sur "la nécessité impérieuse d’investir dans les infrastructures, au même titre que dans la décarbonation des énergies et la rénovation des bâtiments".  

► Le point de vigilance 

Difficile de parler d’industrie verte en ignorant des problématiques environnementales ou sanitaires comme la consommation d’eau, la qualité de l’air ou la prolifération des PFAS. La réindustrialisation pose des questions que le texte de loi ne pourra pas ignorer. Si la France veut se réconcilier avec ses entreprises, des contreparties pourraient être demandées à celles qui sont aidées. 

5- Former aux métiers de l’industrie verte  

► L'enjeu

De nombreuses filières ont des besoins de formation importants, à l’instar de celles des réseaux électriques (fabrication d’équipements, installation, exploitation) qui devra se renforcer si l’on compte miser sur l’électrification des usages. 50 % des entreprises n’augmentent pas leur activité faute de main d’œuvre, estime la Fédération nationale des travaux publics. Elle a signé, le 20 mars, une convention de formation avec des entreprises comme RTE et Enedis et d’autres fédérations d’entreprises. 

► Le point de vigilance 

Si la transition devient effective, certaines activités industrielles seront appelées à disparaître ou à décroître. La fabrication de moteurs thermiques par exemple. Attention par conséquent à ne pas oublier dans ces grands plans ceux qui en auront le plus besoin, à savoir ceux qui sont déjà des salariés de l’industrie, et qu’il faudra accompagner vers de nouvelles filières. "L’enjeu de la transition consiste moins à compenser les "perdants" qu’à développer des politiques permettant de concilier décarbonation et renforcement des tissus industriels", estime le Centre d'études prospectives et d'informations internationales dans une étude publiée le 22 mars. 

Olivier Descamps
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