La graine de la CJIP en matière environnementale est plantée

La graine de la CJIP en matière environnementale est plantée

10.01.2021

Gestion d'entreprise

Avec la promulgation de la loi sur le parquet européen et la justice environnementale, une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) est créée dans le code de procédure pénale sur la modèle de la CJIP «Sapin II».

La justice négociée en matière environnementale se muscle. En plus de la transaction pénale déjà prévue au code de l’environnement (article L 173-12 du code), les entreprises pourront désormais conclure avec la justice une convention judiciaire d’intérêt public. Elle est introduite à l’article 41-1-3 du code de procédure pénale, juste après la CJIP prévue en matière de corruption et mise en place depuis la loi Sapin II.

La CJIP, tout comme la transaction pénale, est un outil au bénéficie des personnes morales mises en cause pour un ou plusieurs délits - et infractions connexes - prévues au code de l’environnement (sauf les crimes et délits prévus contre les personnes prévues au livre II du code pénal). Mais la transaction pénale ne peut être conclue en cas de délit puni de plus de 2 ans d’emprisonnement. Au contraire, la CJIP pourra conquérir ce terrain-là. Et le montant des amendes engendrées par les deux mécanismes varie. La transaction pénale négociée avec l’autorité administrative et homologuée par le procureur de la République ne peut dépasser le tiers du montant de l’amende pénale encourue. Tandis que la CJIP peut grimper « jusqu’ à 30 % du chiffre d'affaires moyen annuel calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date du constat de ces manquements » (article 41-1-3).

L’amende pourra donc être conséquente. En matière d’anticorruption, par exemple, Airbus a signé une CJIP de 2 milliards d’euros avec le procureur de la République financier en janvier 2020. Mais ce montant sera à comparer à l'amende dont une société pourrait être passible pour délit d’écocide ou de mise en danger de l’environnement que le garde de Sceaux et la ministre de la transition écologique souhaitent faire inscrire dans la loi. Ils pourraient conduire à des sanctions allant jusqu’à 4,5 millions d’euros pour atteinte à l’environnement et même jusqu’à 10 fois l’économie réalisée du fait du non-respect du droit environnemental.  

On le rappelle, une CJIP se négocie avec le procureur de la République avant d’être validée par le président du tribunal judiciaire. Un juge d’instruction, en amont saisi des faits, peut transmettre le dossier au procureur en vue de la conclusion d’une CJIP.

Un contrôle du ministère de l'environnement

Se plier à un programme de conformité. En plus de l’amende et de la condamnation à réparer les dommages causés par l’infraction en cas de victime identifiée - ainsi que de supporter les frais de la procédure - la personne morale sera soumise à un monitoring sur une certaine période - qui ne peut dépasser 3 ans - afin de vérifier qu’elle adopte désormais une attitude vertueuse. Le contrôle sera opéré par les services du ministère de l’environnement. Le législateur n’a pas mis en place d’autorité spécialisée sur ce sujet à l’instar de l’Autorité française anticorruption créée par la loi Sapin II.

Pas de confidentialité. Toute CJIP signée en matière environnementale sera rendue publique « sur les sites internet du ministère de la justice, du ministère chargé de l'environnement et de la commune sur le territoire de laquelle l'infraction a été commise ou, à défaut, de l'établissement public de coopération intercommunale auquel la commune appartient » (article 41-1-3).   

De nouveaux tribunaux spécialisés sur le droit environnemental

La loi du 24 décembre met également en place une nouvelle organisation de la justice environnementale qui sera réellement instaurée à la suite de la publication d'un décret. Pour le contentieux général de l’environnement, des pôles régionaux spécialisés en la matière seront constitués. En pratique, dans le ressort de chaque cour d’appel, un tribunal judiciaire sera donc territorialement compétent aussi bien au pénal qu’au civil pour traiter des dossiers environnementaux. Toutefois, les juridictions spécialisées pour connaître d’infractions particulièrement complexes demeureront. Et le contentieux général de l’environnement sera partagé avec les tribunaux judiciaires compétents dans un département pour connaître de ces litiges conformément à la loi de programmation et de réforme pour la Justice du 23 mars 2019.

Concrète, la compétence des tribunaux judiciaires dans chaque région française viendra s’ajouter à l’organisation actuelle :  

Source : rapport de la députée Naïma Moutchou, en première lecture à l'Assemblée nationale, 24 novembre 2020.

 

Anticorruption et pratiques anticoncurrentielles : de nouvelles compétences

La loi du 24 décembre étend également la CJIP à de nouvelles matières. Elle peut désormais être conclue en cas de faits pouvant relever du blanchiment de corruption et du blanchiment de trafic d’influence (article 14 de la loi). Elles seront désormais dévoilées sur le site du ministère de la justice et de Bercy et non plus sur celui de l’AFA. La personne morale devra en supporter les frais de justice.

Enfin, le parquet national financier, le juge d’instruction et le tribunal correctionnel de Paris deviennent également compétent, « sur l’ensemble du territoire national et concurremment avec les autorités judiciaires de droit commun, pour connaître du délit de participation personnelle et déterminante à la conception, l’organisation ou la mise en œuvre d’une pratique anticoncurrentielle » (article 13 de la loi).

 

 

 

Sophie Bridier

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